Pourquoi les éoliennes poussent comme des champignons

Les parcs éoliens se multiplient sur le territoire français. Les investisseurs sont attirés par une rentabilité record et des risques limités : EDF à l'obligation de leur acheter leur production à un tarif très confortable.

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La construction d'une éolienne coûte entre 1 et 1,3 million d'euros.
Photo © Française d'éoliennes

Les éoliennes se multiplient sur le territoire français. Et le nombre de projets de construction explose depuis 2001 et l'arrivée d'une nouvelle réglementation qui fait de l'énergie renouvelable un business très attractif. Jusqu'à 10% de rentabilité, selon Christian Triol, de la Compagnie nationale du Rhône (Suez). Jusqu'à 12%, selon Olivier Duguet, PDG de la Française d'éoliennes.

Cette rentabilité record est permise par deux règlementations, très favorables aux exploitants. Tout d'abord ils sont certains d'écouler leur production d'électricité : EDF a l'obligation d'acheter toute l'énergie produite. Ensuite, ils peuvent vendre leur énergie à un prix confortable, deux fois supérieur à celui de l'électricité issue du nucléaire et environ 1,5 fois supérieur à celui issu du gaz. En juillet dernier, le prix d'achat garanti du kilowatt issu de l'éolien a été très légèrement revu à la baisse, à 8,2 centimes d'euros, contre 8,38 centimes depuis 2001 mais 5,14 centimes auparavant.

Prix et écoulement de la production sont garantis

Prix élevé pendant dix ans et écoulement de la production assuré, il n'en fallait pas plus pour qu'industriels et financiers se jettent sur le marché. Selon le ministère de l'Industrie, "202 permis de construire ont été délivrés entre le 1er février 2005 et le 1er février 2006". Et à cette date, 661 demandes étaient en cours d'instruction, contre 566 à la même époque l'année dernière. Des chiffres à rapporter aux seuls 150 parcs éoliens existant actuellement.

Olivier Duguet, de la Française d'éoliennes, premier indépendant français, justifie sans mal cette confortable situation: "Ces tarifs permettent un retour sur investissement attractif mais pas délirant. Ils sont là pour permettre à une filière industrielle qui demande des capitaux très importants de se développer." La construction d'une éolienne coûte entre 1 et 1,3 million d'euros, frais de raccordement au réseau compris.

Jean-Louis Bal, de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
Photo © Jacques Le Goff / ADEME

Jean-Louis Bal, directeur de l'énergie à l'ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) conteste de son côté cette "hyperrentabilité" : "l'éolien est rentable quand il y a du vent et quand le projet n'a pas pris trop de temps à se monter". Compter en moyenne 3 à 4 ans pour une réalisation définitive.

Les Allemands montrés du doigt

Reste que le marché français n'a pas tardé à attirer des financiers de tout poil. Olivier Duguet dénoncent ces "sociétés qui font du tort à la profession", des "développeurs" dans le jargon du métier, qui se chargent juste de monter un projet jusqu'à l'obtention d'un permis de construire. Ils le revendent ensuite entre 100 et 200.000 euros à des investisseurs privés ou à des municipalités attirés par des promesses de rentabilité parfois fantaisistes. Et de citer cette entreprise étrangère qui met en avant "des machines de 6 mégawatts qui n'existent pas encore".

Christian Triol, de la Compagnie Nationale du Rhône. Photo © CNR

"Les financiers n'ont pas la volonté de s'installer dans la durée"

Christian Triol, directeur de l'énergie de la Compagnie du Rhône, confirme la présence de ces "financiers, qui n'ont pas forcément la volonté de s'installer dans la durée, ou alors tout au plus pendant cinq ans". La semaine dernière, "une grande banque française" l'a ainsi approché pour investir à ses côtés. Mais plus généralement, ce sont les entreprises allemandes, pionnières du secteur, qui sont pointées du doigt : Ostwind, WSB Neue Energien, Volkswind

Aujourd'hui, Christian Triol s'inquiète de l'avenir de projets montés à la va-vite: "qu'adviendra-t-il lorsqu'il en sera fini des prix garantis et de l'obligation d'achat ? L'éolien présente une grosse difficulté: la production aléatoire". Gérer les aléas du vent demande "une véritable structure de trading, disponible sept jours sur sept. L'éolien est un métier!"

Un marché anarchique mais en croissance forte

Difficile de connaître exactement la taille du marché de l'éolien. Même sur le nombre de parcs, les données varient selon que l'on s'adresse au ministère de l'Industrie ou au Syndicat des énergies renouvelables (SER): 150 pour le premier (1.049 éoliennes), 115 pour le second. Quant au chiffre d'affaires annuel, le SER l'évalue sommairement à 1,5 milliard d'euros.
Seule certitude, selon Marion Lettry, responsable de l'éolien au SER, "nous sommes sur une courbe très ascendante". 2000 mégawatts devraient être disponibles au premier trimestre 2006, contre 1.500 prévus pour la fin de l'année.
Jean-Louis Bal, de l'ADEME, table lui sur une augmentation de 1.000 mégawatts par an ces prochaines années. Pas de quoi atteindre l'objectif fixé par le gouvernement de 13.500 mégawatts en 2010, alors que l'Allemagne en compte déjà 18.000.
Plusieurs obstacles freinent encore le développement de l'éolien, et en particulier la forte réglementation qui l'entoure. "Pour chaque projet, nous nous adressons à une vingtaine d'administrations différentes", regrette Christian Triol, de la Compagnie nationale du Rhône.
"Il y a des blocages administratifs, confirme Marion Lettry, notamment le temps d'instruction des permis de construire". Celui-ci prend en moyenne douze mois contre cinq en théorie.
Mais les industriels de l'éolien se heurtent aussi au problème des radars. Que ce soit l'aviation civile, les militaires ou Météo France, tous refusent qu'une éolienne soit installée à moins de trente kilomètres de leurs installations, de peur que les signaux soient perturbés.
Enfin, il faut ajouter les réticences humaines encore fortes, avec de populations locales qui craignent les nuisances sonores ou refusent que leur paysage soit défiguré.

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Comment fonctionne l'électricité éolienne

Jean-Etienne Juthier, JDN

JDN Economie