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Le travail pénitentiaire reste un sujet tabou pour les sociétés de renom qui y ont recours. Photo © SIGES
 

"Je préfère rester anonyme parce que le retour de bâton peut être assez désagréable". L'homme qui s'exprime ne veut donner ni son prénom, ni son nom, ni celui de sa société. Pourtant, cela fait 37 ans qu'Hervé -c'est ainsi qu'il souhaite qu'on l'appelle- emploie des détenus pour réaliser de "l'assemblage produits" en sous-traitance dans le Nord de la France. Et il l'assume sans difficulté, d'autant qu'il lui arrive d'être "très fier de voir sortir de (ses) ateliers un gars réhabilité".

Seulement voilà, le travail pénitentiaire reste un sujet tabou pour les entreprises de renom qui y ont recours via des entrepreneurs tels Hervé. La grande distribution, les marques de cosmétiques, qui font appel à eux pour leur conditionnement, refusent obstinément d'être cités. Selon Hervé, si Alcatel l'a laissé tomber en 2000 pour faire fabriquer ses câbles au Maroc, c'est plus par souci d'image que pour des réductions de coûts, les siens étant largement compétitifs.

"Certains clients trouvent scandaleux que l'on paye les opérateurs, des observateurs nous accusent de les exploiter."

Certains grands groupes, assure Hervé, ajoutent des clauses dans leurs contrats passés avec leurs sous-traitants pour faire garantir qu'aucun détenu ne sera employé. Mais selon l'entrepreneur, "ils demandent de tels prix à des entreprises françaises qu'ils savent pertinemment qu'ils passent par des détenus. Mais si cela finit par se savoir, ils peuvent dire qu'ils n'étaient pas au courant", avec le contrat pour preuve de bonne foi.

Méconnaissance et préjugés

Mikael de Tonquedec, directeur du travail chez SIGES, la filiale de Sodexho dédiée à la gestion des prisons, se retrouve ainsi en plein paradoxe. Lors des salons de sous-traitance, pour conquérir des clients, il met en avant les grandes marques pour lesquelles il travaille, dont un célèbre fabricant d'éponges de vaisselle. Mais il refuse en revanche que leurs noms soient publiés dans la presse. Comme l'ensemble du secteur, il souhaite communiquer sur son activité -"nos ateliers sont visitables à tous moments, pour les clients, la presse, les observateurs"- mais la plupart de ses clients le freinent.

 
Les acteurs du secteurs souhaitent généralement communiquer, contrairement aux clients. Photo © Riep
 

Même topo chez Norbert Vila, très investi dans sa fonction de directeur du travail à l'administration pénitentiaire, qui préfère pourtant mettre en avant des ex-clients de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires (Riep), tels que La Redoute ou d'anciens concessionnaires tels France Cotillons. La faute, selon Mikael de Tonquedec, à la méconnaissance du travail en prison et aux préjugés. "L'opinion publique est très dure. Les gens ne comprennent pas le travail en prison même si tout le monde croit savoir ou a un avis. Certains clients trouvent scandaleux que l'on paye les opérateurs tandis que des observateurs nous accusent de les exploiter. Et si on devait les payer au Smic d'autres nous diraient que c'est scandaleux parce qu'ils sont nourris et blanchis."

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