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Avec la concurrence des pays de l'Est, l'atout d'une main d'œuvre à bas coût n'est plus ce qu'il était. Photo © Riep
 

Pour une petite structure, le travail en prison présente de multiples avantages. Stéphane Soutra, concessionnaire installé à Laval et propriétaire de deux SARL, les énumère : "souplesse et réactivité, motivation des équipes, ouverture 12 mois sur 12, travail au rendement" et surtout "un coût pour le donneur d'ordre inférieur d'au moins 50% sur son coût interne". Bref, tout pour plaire.

Pourtant, Stéphane Soutra comme Hervé, autre concessionnaire, ou Norbert Vila, de l'administration pénitentiaire, reconnaissent que l'atout d'une main d'œuvre à bas coût n'est plus ce qu'il était, puisqu'il "subit la concurrence des pays de l'Est et de l'Asie". Les PME clientes des concessionnaires, qui faisaient appel à eux pour compléter leur force de travail, "ont toutes disparu. Soit elles ont délocalisé, soit elles ont fermé", raconte Hervé. Dans le Nord, Mikael de Tonquedec, en charge de la fonction travail chez le gérant de prison SIGES, a fait le même constat : "Il y a dix ans, le travail ne manquait pas. Mais progressivement, les clients ont disparu. Des clients de 80 postes de travail sont partis en dix jours. En deux ans, de 2000 à 2002, nous avons perdu 300 postes sur 900."

Rigidité des horaires et contraintes de sécurité

A ces difficultés s'ajoutent les contraintes inhérentes au travail des détenus. Stéphane Soutra explique : "Nous nous adaptons à la vie carcérale et non l'inverse ce qui peut engendrer des adaptations de notre organisation vu les absences diverses : rendez-vous aux parloirs ou avec les avocats par exemple." Hervé, lui, pointe du doigt la "rigidité des horaires", les impératifs de sécurité, notamment quant aux entrées et sorties de la prison, et la grande difficulté, voire l'impossibilité, d'obtenir des certifications ISO vu la faible qualification des détenus et la simplicité des ateliers. Autre souci, selon la politique interne des établissements, certains types de produits ne peuvent être manipulés par les détenus, notamment l'alcool ou le métal coupant. Enfin, Mikael de Tonquedec décrit ses problèmes de gestion de stocks dus à l'absence quasi-totale d'entrepôts en prison.

"Nous nous adaptons à la vie carcérale et non l'inverse"

Pour ce dernier, le travail en prison n'est d'ailleurs "pas voué à être rentable. Nous avons trop de frais fixes." S'il investit dans des machines et un service commercial, c'est avant tout pour respecter les termes du contrat qui le lie l'administration et lui impose des quotas d'employabilité des détenus.

De leurs cotés, les concessionnaires, s'en sortent bien mais ne gagnent pas non plus des fortunes. Atlantique Façonnage, la société de Stéphane Soutra, a réalisé un chiffre d'affaires de 731.000 euros en 2006, contre 320.000 euros en 2003, quand il en est devenu propriétaire. Son résultat net ? Un peu plus de 70.000 euros l'an dernier. La SARL d'Hervé, elle, réalise un chiffre d'affaires d'un million d'euros pour une rentabilité de 4%.

Pour respecter ses quotas et pour améliorer ses performances -"L'activité perd beaucoup d'argent"- Mikael de Tonquedec s'est donc entouré de cinq commerciaux qui courent les salons de la sous-traitance et démarchent les clients pour trouver des commandes aux 11 ateliers gérés par la SIGES. A ce propos, il se félicite que "sur 230 clients, 180 sont nouveaux".

 
Pour Mikael de Tonquedec, de la SIGES, "l'avenir, c'est le teritaire". Des tests sont en cours dans la relation clients. Photo © Riep
 

Mais la société a également dû adapter son offre et sa qualité de service : "Nous sommes passés d'un statut de sous-traitant assembleur à une clientèle qui nous a intégré dans son processus de fabrication. Auparavant, toute notre production était revue par le client. Désormais, nous livrons directement à l'utilisateur." Cela notamment grâce à l'obtention d'une certification ISO 9001. Et pour le futur, la SIGES voit encore plus loin : "l'avenir, c'est le tertiaire", affirme Mikael de Tonquedec, qui réalise actuellement des tests dans le domaine de la relation clients.

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