La finance islamique comme levier de croissance de l’entrepreneuriat dans les Zones Urbaines Sensibles ?

L’entrepreneuriat se développe de plus en plus dans les quartiers « sensibles ». Mais comment financer ces nouveaux entrepreneurs ? La finance islamique est-elle ici une opportunité ?

En France, d’après l’Observatoire National des Zones Urbaines Sensibles (ONZUS), le taux de chômage est deux fois plus important dans les quartiers que sur l’ensemble du territoire national métropolitain et les bénéficiaires de minima sociaux plus nombreux que partout ailleurs en France. Aussi, de nombreuses personnes issues de ces quartiers n’ont pas accès au crédit bancaire classique. De plus, dans son dernier rapport, l’ONZUS pointe que dans ces quartiers des discriminations à l’embauche existent pour les personnes issues de l’immigration, et notamment ceux de confession musulmane. Or, depuis les violentes émeutes urbaines de 2005 et du fait de la crise économique et financière récente, cette tendance s’est accentuée ces dernières années. La situation provoque l’émergence de logiques entrepreneuriales comme alternative au chômage et à la précarité qui en découle. Cette situation décuple actuellement l’intérêt porté à des mécanismes économiques et financiers alternatifs, comme la Finance Islamique.

Des dispositifs spécifiques pour soutenir les créateurs au sein des quartiers

Conscientes des difficultés d’accès aux ressources financières rencontrées par les habitants de ces quartiers désireux de créer ou développer leur entreprise ou simplement leur propre emploi, des associations ont décidé de cibler plus particulièrement ces quartiers. Pour sa part, PlaNet Finance a créé en 2005 FinanCités, une entité spécialisée dans l’accompagnement et le financement des créateurs de ces quartiers. Cette structure propose principalement de financer des entreprises par une prise de participation comprise entre 25 000 et 150 000 euros.
De l’autre côté, depuis 2007, l’Association pour le Droit à l’Initiative Économique (ADIE), la plus grande institution de Microfinance en Europe et spécialisée dans le microcrédit, a ouvert, dans de nombreux quartiers, des agences ADIGO. En France, le montant moyen de ces microcrédits est d’environ 2 500 euros.

Les piliers de la finance islamique

A l’heure où la Finance « occidentale » est souvent décriée, que peut apporter la Finance Islamique de plus au financement des entreprises dans les quartiers ? Après la religion catholique, la religion musulmane est la deuxième de France (on estime à 6 millions le nombre de musulman vivant en France) et souvent la première religion dans les ZUS.
Prenons, à titre de comparaison, l’exemple de la viande dite « halal » : depuis 1998, le marché des produits alimentaires « halal » progresse de 15% par an dans notre pays. Aujourd’hui toutes les enseignes de la Grande Distribution développent de larges linéaires estampillés « halal ». Préférer des produits issus de la finance islamique a, toutes choses égales par ailleurs, une signification comparable pour un musulman que de préférer manger de la viande « halal » et la Finance Islamique repose sur un fondement essentiel de la religion musulmane : l’interdiction de l’intérêt (ribhâ).

Aussi, pour se financer, un entrepreneur musulman a principalement le choix entre :
La Murabaha qui est le contrat conforme à la sharia le plus couramment utilisé. Lorsque le client demande un produit spécifique, le bailleur de fonds l’acquiert directement sur le marché et le lui revend après avoir appliqué une marge fixe en rémunération du service fourni.
• Les contrats de partage des bénéfices et des risques (Profit and Loss sharing) sont les plus encouragés par les hautes personnalités de la sharia. Par exemple, la Mudaraba est un instrument de financement fiduciaire où une partie tient le rôle de bailleur de fonds et l’autre apporte une expertise en gestion dans l’exécution du projet.

En ouvrant les possibilités de financement à la finance islamique, cela permettrait d’être plus en phase avec la réalité des quartiers et de ses entrepreneurs.
Mais également de proposer des méthodes de financement plus proches du référentiel religieux et identitaire des personnes concernées afin de générer un engouement et constituer un véritable levier de croissance pour les ZUS.