Orange Bank veut tirer plus vite que les néo-banques

Orange Bank veut tirer plus vite que les néo-banques L'opérateur télécom lance le 7 juillet prochain une banque 100% mobile. Ses atouts doivent-ils inquiéter des acteurs comme HelloBank! ou N26 ?

A peine arrivées sur le marché français, les néo-banques voient déjà leur horizon s'obscurcir. Ces fintech "mobile-only" qui offrent une expérience client fluide à des tarifs imbattables doivent faire face à l'arrivée d'un géant : Orange Bank. En avril dernier, lors de la grand-messe annuelle d'Orange, son patron Stéphane Richard a dévoilé les grandes lignes de son offre bancaire uniquement disponible sur mobile. Comme les néo-banques, Orange Bank permet de connaître l'état de ses comptes en temps réel, de bloquer sa carte bancaire à tout moment, de faire des virements par SMS… Tous les ingrédients sont réunis pour en faire un leader sur ce marché.

"L'arrivée d'Orange Bank donne du crédit à ceux qui ne sont pas des acteurs bancaires à l'origine"

Pourtant, les jeunes pousses concernées assurent ne pas être inquiètes de cette concurrence. "C'est très bon signe pour le secteur. Cela donne du crédit aux entreprises qui ne sont pas des acteurs bancaires à l'origine. Il n'y a pas de crainte ou de menaces à avoir car le marché est suffisamment grand pour tout le monde", estime Bruno Gloaguen, directeur général d'Anytime, une néo-banque franco-belge. Même son de cloche chez N26, la néo-banque allemande qui a débarqué en France en début d'année. "L'arrivée de nouveaux entrants prouve que notre business model marche et que notre stratégie est la bonne. Plus il y a de nouveaux acteurs, plus la qualité et le service bénéficieront aux utilisateurs", souligne Jérémie Rosselli, directeur général de N26 France.

Cette arrivée est-elle prise trop à la légère ? "Cela ne va pas chambouler le marché comme ce fut le cas dans les télécoms mais on prévoit un repositionnement du marché de 20% d'ici deux ou trois ans", avance Julien Maldonato, directeur conseil spécialiste des sujets d'innovation dans l'industrie financière chez Deloitte. Orange Bank a de sérieux atouts comparés aux néo-banques. A commencer par sa taille. Le nombre de clients mobiles d'Orange à fin 2016 s'élevait à 30 millions, en hausse de 5,7% par rapport à 2015. C'est 100 fois plus que le nombre d'utilisateurs de N26 en Europe ou d'HelloBank! en France. 

Néo-banques présentes en France  Nombre d'utilisateurs
Anytime NC
Hello bank! (BNP Paribas) 300 000 (en France)
Morning (racheté par Banque Edel) 75 000
N26  30 000 (en France en janvier 2017)
Soon (Axa) 30 000

Hello bank! est le seul acteur à sortir du lot avec 240 000 utilisateurs depuis sa création en 2013. Rien de surprenant puisque c'est une filiale de BNP Paribas. "Hello bank! marche bien car elle a fait beaucoup de campagnes média. Malgré toute cette communication, les gens commencent seulement à la connaître", estime Julien Maldonato. En matière de communication, Orange n'est pas le plus avare. En 2016, il fait partie top 10 des annonceurs en France avec un budget publicitaire de 288,2 millions d'euros (source : Kantar Media). Cela laisse présager un budget assez important pour son offre bancaire. "Sur les 100 millions investis en 2017 dans Orange Bank, une grande partie est destinée au marketing", précise Julien Maldonato.

Les néo-banques ne disposent pas d'un tel budget, ce qui risque de les pénaliser une fois que l'offre d'Orange Bank sera sortie. "Elles ont capté l'attention des observateurs, mais elles n'ont pas le poids marketing suffisant pour emporter un marché", affirme Julien Maldonato. "Le coût d'acquisition de nouveaux clients reste très élevé dans le secteur. Pour être visibles, elles ont besoin de moyens en communication très importants", confirme de son côté Jérôme Barrué, managing director chez Accenture Strategy.

N26 France a pour objectif d'atteindre la barre des 100 000 utilisateurs en France "le plus vite possible"

En effet, tout le monde connait déjà Orange mais qui a déjà entendu parler de N26, Morning ou encore Soon ? Selon une étude d'Harris Interactive, seuls 4% des Français savent "à peu près" ce qu'est une fintech et 83% ne savent pas la définir. Les néo-banques gagnent des clients principalement grâce au bouche-à-oreille. Avec cette stratégie, N26 France a pour objectif d'atteindre la barre des 100 000 utilisateurs en France "le plus vite possible" et assure accueillir "2 000 nouveaux clients par semaine".

Orange pourra aussi compter sur son maillage du territoire. L'opérateur compte aujourd'hui 487 boutiques en France. "La multiplication des points de vente est évidemment intéressante. C'est ce qui a fait le succès du Compte-Nickel (un service de compte bancaire accessible chez les buralistes, ndlr)", souligne Bruno Gloaguen. Selon une enquête de Deloitte 'Relations banques et clients", la proximité de l'agence reste le premier critère de choix d'une banque pour les Français.

La fin des néo-banques ? 

Orange Bank a une autre force : la diversité de ses produits bancaires. L'offre d'Orange Bank comprend un compte épargne. Elle sera enrichie progressivement avec du crédit et de l'assurance. "Pour des besoins quotidiens, les néo-banques sont adaptées, la qualité de leurs services est même supérieure à celle des banques traditionnelles. Mais quand on veut faire un crédit, il faut retourner vers une banque", explique Julien Maldonato. 

Pour faire face à ce déficit, les néo-banques travaillent de leur côté sur de nouvelles fonctionnalités. Anytime finalise actuellement une offre de crédit à la consommation en partenariat avec d'autres fintech. "Nous mettrons à disposition des professionnels des boîtiers de paiement, nous proposerons du factoring d'ici fin juin et travaillons avec un partenaire sur un chatbot qui traitera automatiquement 90% des demandes clients", détaille Bruno Gloaguen. Axa Banque prévoit de dévoiler sa nouvelle stratégie mobile d'ici fin juin. N26, qui a déjà lancé des offres de crédit, d'investissements et d'épargne en Allemagne compte déployer de nouveaux produits en France. "Nous avons vocation à couvrir tous les champs de la banque : le compte, les moyens de paiement, le crédit, l'investissement, l'épargne et l'assurance", affirme Jérémie Rosselli. Toutes ne pourront pas multiplier les offres puisqu'elles doivent avoir une licence bancaire.

Néo-banques présentes en France Agrément bancaire
Anytime Agrément d'établissement de monnaie électronique 
Hello bank! (BNP Paribas) Oui (filiale de BNP Paribas)
Morning (racheté par Banque Edel) Etablissement de paiement agréé par l'ACPR
N26 Oui (depuis juillet 2016)
Soon (Axa) Oui (filiale d'AXA)

Certaines néo-banques devront donc multiplier les partenariats avec d'autres fintech ou avec des banques traditionnelles. "Elles deviendront peut-être même des prestataires de banques et les aideront à accélérer leur courbe d'expérience client sur mobile", avance Jérôme Barrué. "D'autres essaieront de proposer une offre de services plus complète. Même si elles sont capables d'innover sur d'autres produits, il n'est pas certain qu'elles trouvent leur place. En plus d'Orange Bank, les banques traditionnelles se digitalisent et d'autres acteurs arrivent comme Fidor et la Banque Postale (la filiale de La Poste prévoit de sortir une offre 100% mobile en 2018, ndlr)", poursuit-il. Les néo-banques n'ont pas fini d'être bousculées.