Frédéric Carluer-Lossouarn, 36 ans, est journaliste au magazine Linéaires, mensuel spécialisé dans la grande distribution. Il est l'auteur de L'aventure des premiers supermarchés, un ouvrage qui raconte les débuts du libre-service et des premières grandes surfaces en France.
Pourquoi les supermarchés sont arrivés aussi tard dans l'Hexagone?
Le concept existait déjà aux Etats-Unis depuis 1930. A cette époque, des responsables de Casino et d'autres directions commerciales de grandes enseignes se sont rendus outre-Atlantique pour étudier le modèle des premiers supermarchés. Mais tous se sont accordés à dire qu'il était trop tôt pour importer le concept en France. Pour eux, le taux d'équipement des Français, en réfrigérateurs notamment, était trop faible par rapport à celui des américains. La guerre et le rationnement après la libération ont retardé encore un peu l'émergence des supermarchés.
Le libre-service en 1948 est une révolution, mais les enseignes succursalistes se lancent à petit pas. Il faudra attendre 1958 pour que l'aventure commence vraiment.
Quelles sont les enseignes pionnières en la matière?
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Le succursaliste Goulet-Turpin est le premier à avoir construit un supermarché en France, en 1958. Un autre succursaliste, Docks de France, ouvre le deuxième supermarché de l'Hexagone en 1959. Mais déjà la surface de vente a augmenté (850m²). Casino attend 1960 pour se lancer. Auchan et Carrefour suivront. Les grands retardataires auront été Codec et Leclerc. Ils n'ouvrent leurs premiers supermarchés qu'en 1962. D'ailleurs Edouard Leclerc ne croyait pas au concept. Il disait qu'on ne pouvait pas savoir tout vendre sous un même toit. En 1962, il y a déjà 207 supermarchés. Le format devient vite incontournable. A son apogée, en 1990 on dénombre 6.380 agasins en France.
Beaucoup d'enseignes ont disparu ?
Le cimetière des marques de supermarchés est plein de succursalistes. C'est que les enseignes étaient d'abord régionales. Goulet-Turpin dans l'Est, Leclerc et Intermarché dans l'Ouest, Casino dans la région stéphanoise. Il y avait au plus fort du format de supermarché une cinquantaine d'acteurs régionaux. A partir de 1970, de premiers rapprochements se sont opérés. Les concentrations ont continué jusqu'en 1990 et des enseignes ont disparu. Cora est un des rares opérateurs régional à avoir survécu à la tendance des concentrations conjuguée à l'apparition des hypermarchés et du discount.
