Ouverture des noms de domaine : .amour ou .haine, quel avenir ?

Le 26 juin dernier, l’Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) a confirmé la décision d’ouvrir au public la possibilité de créer de nouvelles extensions. Verra-t-on en 2010 la création de noms de domaine tels que le .amour ou le .haine, selon l’exemple donné lors de l’annonce ?

Le système actuel et son ouverture
 
Les nouveaux noms de domaine ou extensions seront des sTLD (sponsored Top Level Domain). Il existe trois catégories d'extensions, les gTLD (generic Top Level Domain), les ccTld (Country Code Top Level Domain) et les sTLD. Les plus connus sont les gTLD, avec les .COM, .NET, .ORG et .BIZ. Les ccTLD ou codes pays ou encore noms de domaine géographiques, sont des codes à deux lettres repris de la norme ISO 3166-1, avec le .FR pour la France. Il en existe 243, le dernier né étant le .EU créé en 2005. A l'origine, le système d'adressage décrit dans la Request For Question (RFC) 1591 de Jon Postel de mars 1994 concernait les gTLD et les ccTLD. Les sTLD ont été lancés par l'Icann en 2000. C'est par exemple le 17 octobre 2005 que la création du .MOBI a été approuvée par l'Icann, le 9 septembre 2005 pour le .JOBS et le 5 septembre 2005 pour le .CAT. Les sTLD sont créés sur l'initiative d'entités publiques ou privées qui soumettent à l'Icann leur projet, ce projet devant répondre à un besoin de la communauté de l'Internet et satisfaire à certaines conditions techniques. La création du .MOBI a été le fait de Nokia, celle du .TRAVEL le fait de l'IATA (International Air Transport Association) et celle du .CAT attribué à la Catalogne, le fait d'une société privée Fundacio puntCAT.
 
La création de toute nouvelle extension est soumise à l'Icann et lorsque l'Union Européenne a voulu créer le .EU, la Commission a demandé la création de cette zone, c'était le 6 juillet 2000. C'est le 2 mai 2005 que cette nouvelle extension était créée dans le serveur racine de l'Icann. Cet exemple montre que le cheminement pour la création d'une extension a jusqu'alors nécessité certains délais. Le nouveau processus annoncé en juin 2008 à l'horizon 2009, 2010 devrait donc être beaucoup plus rapide.
 
Comment bénéficier de cette ouverture ?
 
Lorsque l'Icann annonce l'ouverture de la création de nouvelles extensions dans un avenir proche, pour 2009 et 2010, de nombreuses questions se posent sur la possibilité de créer sa propre extension. Les contraintes techniques et financières sont réelles.
 
Les nouvelles extensions pourront être composées, soit de termes strictement génériques, soit de marques et le dossier de candidature devra justifier des droits revendiqués. Le nom choisi pour devenir une extension ne devra pas porter atteinte à des marques, ce qui est une affirmation classique. Bien entendu, il ne devra pas non plus porter atteinte l'ordre public et aux bonnes moeurs. Dans le cadre de demandes concurrentes, si les parties ne peuvent régler leur différend après un délai de trois mois de négociation amiable, c'est selon un système d'enchères que l'extension sera attribuée au plus offrant. Ce système a déjà été utilisé pour le lancement du .MOBI et du .ASIA.

Le coût de la création d'une extension est difficile à évaluer et la fourchette évoquée est extrêmement large puisqu'elle est de 100.000 à 200.000 USD. D'un point de vue technique, le candidat à l'enregistrement devra disposer d'une infrastructure permettant la gestion technique et administrative de la nouvelle extension. Cette contrainte est très importante et va probablement conduire une partie des candidats à la création d'une extension à utiliser l'infrastructure des bureaux d'enregistrement ou « registrars » pour mettre en place leur propre extension.

Comment le titulaire de l'extension pourra ou devra-t-il ensuite attribuer des noms de domaine aux tiers sous son extension ? Les candidatures pourront être déposées jusqu'à fin 2009 et les nouveaux TLD devraient apparaître à partir de 2010. Cette ouverture va être organisée selon une procédure de « sunrise » ou procédure de lancement, ce qui est classiquement présenté comme étant destiné à préserver les titulaires de droits.
 
Le nombre d'enregistrements et les tendances actuelles
 
Au 31 mars 2008, 162 000 000 noms de domaine étaient enregistrés, soit une augmentation de 26 % en un an, dont 73 237 706 en .COM et 63 000 000 en tant que ccTLD. La croissance la plus forte concerne les ccTLD avec 33 % en un an, en particulier pour le .CN avec 10 544 113 noms de domaine en mars et 11 821 635 au 30 juin (+ 12% au dernier trimestre), en troisième position, juste derrière le .DE. Le point .CN est suivi du .NET, du .UK, du .ORG, du .INFO, du .NL, du .EU et du .BIZ. Les ccTLD sont donc en bonne position. Ils traduisent une tendance à la régionalisation du web.
 
Les perspectives
 
La solution proposée par l'Icann pour trouver une solution au phénomène de rareté des noms de domaine devrait offrir une protection accrue à ceux qui pourront faire ce choix. Dans la mesure où le système annoncé ne permettra pas la création d'extensions proches d'autres extensions déjà attribuées, toute nouvelle extension devrait de ce fait bénéficier d'un périmètre de sécurité et de visibilité sur le web.
 
Les acteurs qui seront concernés seront probablement les entreprises de dimension internationale qui choisiront cette stratégie pour communiquer sous leurs marques sur Internet. L'autre catégorie d'acteurs pourrait être des entreprises qui choisiront des noms génériques et qui mettront en place des modèles économiques adaptés pour exploiter ce type d'extension. La grande majorité des titulaires de marques devrait pouvoir continuer à développer sa présence à partir des autres extensions « non privatisées ».
 
La prochaine ouverture ne peut être une réponse suffisante au problème de rareté engendré par la règle du 1er arrivé, 1er servi appliquée au niveau planétaire. Des réponses sont attendues, techniquement, financièrement et juridiquement adaptées.