Distribution sélective : 3/4 les restrictions à la vente en ligne

Si les distributeurs membres d'un réseau de franchise ou de distribution sélective ont le droit de vendre en ligne, ils peuvent être assujettis à certaines contraintes qui peuvent aller jusqu'à l'interdiction. Troisième partie d'une série en quatre volets.

Si les distributeurs membres d'un réseau ont le droit de vendre en ligne (lire la première partie Vente en ligne : un droit pour les distributeurs membres d'un réseau ?) le promoteur de ce même réseau a également le droit de le faire (lire la deuxième partie Distribution sélective : le promoteur du réseau peut-il vendre en ligne ?). De même, celui-ci peut également imposer des contraintes. Il peut notamment leur imposer des modalités de présentation et d'exploitation du site qui soient adaptées à la nature du produit "comme il le ferait pour un magasin, une annonce publicitaire ou une action de promotion en général (...)." Mais jusqu'où les promoteurs de réseaux peuvent-ils aller ?

Des contraintes "proportionnées" et contractualisées
Le Conseil de la concurrence a admis que le promoteur du réseau pouvait imposer des modalités de présentation et d'exploitation en ligne qui respecte l'image de marque, par exemple par référence à une charte graphique, des normes de qualité ou un cahier des charges : mentions obligatoires, insertion d'un lien renvoyant au site officiel du fournisseur, approbation préalable de la configuration du site....

Il peut également exiger que le distributeur détienne en permanence un stock de manière à pouvoir satisfaire les clients dans un délai maximum ou encore mette en place une assistance téléphonique adéquate, un service après vente, ou encore qu'il désactive le site Internet du vendeur pendant les périodes de fermeture du magasin....

Ces contraintes doivent cependant "être proportionnelles à l'objectif visé et comparables avec celles qui s'appliquent dans le point de vente physique du distributeur agréé".

Le Conseil de la concurrence ne fait ici que transposer la jurisprudence en matière de point de vente physique à la vente en ligne, le critère principal se trouvant dans la "proportionnalité" avec le but poursuivi : qualité du service, image de marque....

On notera que ces restrictions doivent être formalisées contractuellement. A défaut, et comme l'a rappelé le Conseil de la concurrence dans sa décision du 3 février 2006 (Cons. Conc. 3 février 2006, décembre, n°06-S-01, Bijourama), en l'absence de stipulation relative à l'utilisation d'Internet dans le contrat entre le promoteur du réseau et un distributeur, ce dernier peut librement commercialiser les produits sur son site.

L'interdiction de vendre en ligne : un cas d'exception
Le promoteur du réseau ne peut interdire la distribution via Internet qu'à titre exceptionnel. L'interdiction catégorique de vendre sur Internet n'est en effet admissible que si elle est objectivement justifiée.

Elle peut l'être en raison des conditions d'organisation de la distribution, comme l'illustre l'affaire Fabre portée devant les tribunaux, dans un contexte de distribution sélective. Il s'agissait de savoir si le promoteur du réseau de distribution avait le droit d'interdire la vente sur Internet en raison des critères qualitatifs imposés aux distribués agréés.

Dans un tel système, le "fournisseur s'engage à vendre les biens ou services contractuels, directement ou indirectement, uniquement à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs s'engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agréés (Règlement n°2790/1999)."

La Cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 2 décembre 1999 (CA Versailles, 3ème ch, 2 décembre 1999, n°4034/99, SA Pierre Fabre Dermo Cosmétiques c/Breckler), a observé que les conditions générales de distribution prévoyaient des conditions de sécurité, de santé, de mise en valeur visant à favoriser une relation de confiance avec le client. Elle a relevé que "la commercialisation sur Internet ne permet pas d'obtenir les mêmes résultats ; que les conseils ne peuvent être donnés immédiatement, mais nécessitent un délai de réponse ; qu'ils ne peuvent être donnés que sur les indications du client, sans qu'il soit praticable de demander à ce dernier les précisions nécessaires pour apprécier ses besoins réels ; que le contact avec le vendeur n'est pas personnel, mais passe par le truchement des images fixes d'un écran d'ordinateur ; qu'en l'espèce, le site présente les produits par leurs marques et leurs descriptions, sans qu'apparaisse la moindre recherche esthétique ; qu'aucune vitrine virtuelle n'est mise en place ; que l'aspect visuel du produit et de son emballage n'apparaît pas."

Les juges ont ainsi considéré que le site du distributeur ne permettait pas de prodiguer un conseil personnalisé dans un contexte satisfaisant, nuisant ainsi "à l'ensemble du réseau" et dépréciant "l'image de marque des produits (...)".

Cependant, il est difficile de généraliser cette solution à l'ensemble des sites. D'ailleurs, les juges d'appel n'ont pas exclu que "dans l'avenir, ce nouveau mode de distribution puisse s'intégrer dans un réseau de distribution sélective, avec des critères de qualité à définir."

Pour l'heure, il faut observer que l'interdiction a été également admise pour des produits haut de gamme, tels que du matériel Hi-Fi (enceintes, écrans électroniques....). Le Conseil de la concurrence a admis, dans une décision du 5 octobre 2006 (Décision n°06-D-28 du 5 décembre 2006), qu'ils "ne pourront être vendus sur Internet qu'aux clients pouvant attester d'une écoute préalable de ces produits chez un distributeur agréé et du bénéfice de conseils personnalisés pour leur installation." Il a accepté que les sociétés Focal JM Lab et Triangle Industries puissent interdire à leurs distributeurs, par contrats, de vendre ces produits.

Lorsque le système est celui de la distribution exclusive, l'analyse est différente dans la mesure où le critère est celui du territoire attribué au distributeur. L'interdiction est possible à condition qu'elle ne porte que sur les ventes "actives" (voir définition ci-dessus) vers un territoire ou une clientèle exclusive réservée soit au fournisseur, soit à un autre distributeur.

Demain, je reviendrai sur un nouveau et dernier point :

- comment lutter contre les réseaux parallèles et quelle protection pour les signes distinctifs ?