INTERVIEW
 
Adjoint au maire, chargé du développement économique, des finances et de l'emploi
Mairie de Paris
Christian Sautter
"Faire de Paris une capitale numérique de premier plan mondial"
L'ancien ministre de l'Economie du gouvernement Jospin est depuis mars 2001 en charge du développement économique à la Mairie de Paris, au sein de l'équipe de Bertrand Delanoë. A ce titre, il pilote les différentes initiatives de la capitale en faveur des NTIC. Des initiatives qui vont de la mise en place d'incubateurs pour les entreprises innovantes à l'ouverture d'espaces Internet publics, en passant par la création d'un quartier technologique urbain. Ces opérations s'intègrent dans un vaste plan de relance économique, social, écologique et culturel pour Paris. Un plan pour lequel, Christian Sautter aime à dire que "la stratégie de Bertrand Delanoë est comparable aux Fantaisies du Docteur Ox". Dans ce roman de Jules Vernes, le docteur Ox met au point une machinerie qui augmente la teneur en oxygène dans sa petite ville afin d'éveiller les ardeurs des habitants... Pour l'équipe municipale, Internet est l'un des rouages essentiels de cette machinerie.
14 avril 2003
 
          
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JDN. Comment ont été initiées les actions en faveur des NTIC au sein de la Mairie de Paris ?
Christian Sautter. Tout est parti d'un constat : en mars 2001, quand Bertrand Delanoë a été élu à la Mairie de Paris, le développement économique de la capitale connaissait un ralentissement et la pente de l'emploi était mauvaise. La nouvelle équipe a alors décidé de lancer un programme, Paris Technopole, pour favoriser le développement de nouvelles entreprises. Ce programme, déployé avec l'appui de l'agence Paris Développement, se penche sur trois domaines d'activité : les NTIC, les biotechnologies et le secteur de la création et de la mode.

Comment le programme Paris Technopole s'articule-t-il avec les schémas directeurs urbains ?

Pour chaque domaine d'activité, une zone géographique de prédilection a été établie dans une logique de rééquilibrage économique. Les initiatives concernant la création et la mode sont localisées dans le centre de Paris, celles sur les biotechnologies dans le Sud et l'Est, et celle sur les NTIC dans le Nord et l'Est. Les 18ème et 19ème arrondissements sont des zones à fort potentiel pour les entreprises : le cadre de vie s'améliore sans cesse, comme dans le quartier du canal de l'Ourcq, les tarifs immobiliers restent abordables et la proximité de la Petite Couronne permet d'envisager plus facilement, si nécessaire, l'implantation d'un site de production.

La Cité des Sciences et de l'Industrie, installée dans le 19ème arrondissement, est-elle l'épicentre des actions en faveur des NTIC ?
D'une certaine manière, elle pourrait le devenir. La Cité des Sciences et de l'Industrie comporte un mystère : depuis son inauguration en 1986, la quatrième travée du bâtiment, située au Nord, n'a jamais été exploitée. Cette fameuse quatrième travée, de 25 000 m2, appartient à l'Etat. Elle pourrait donc accueillir des initiatives en faveur des nouvelles technologies.

Ce pôle NTIC, centré sur le Nord-Est de Paris, implique-t-il la vie des quartiers ?
Tout à fait : l'un de nos objectifs est de mettre en place un cadre d'expérimentation grandeur réelle. Les entreprises pourront y tester de nouvelles applications et de nouvelles offres en relation avec les populations, les gestionnaires d'équipements et les services urbains. Il s'agit de créer un quartier technologique urbain.

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Quels sont les moyens concrets mis en oeuvre pour aider les entreprises innovantes ?
Nous avons actuellement neuf pépinières ou incubateurs sur Paris. Ces différentes structures disposent d'un parc immobilier de plus de 14 000 m2 et peuvent accueillir jusqu'à 164 entreprises. En matière de NTIC, nous disposons notamment de la pépinière Paris Cyber Village implantée dans le 19ème arrondissement et qui compte 25 entreprises centrées sur l'Internet, les télécoms et le multimédia. Nous venons également d'inaugurer l'incubateur Télécom Paris Entrepreneurs, développé en partenariat avec l'ENST (ndlr : Ecole nationale supérieure des télécommunications). La Ville de Paris a apporté 456 000 euros à ce projet qui devrait incuber 55 projets télécoms d'ici 2005.

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En novembre dernier, la Mairie de Paris a signé un bail pour exploiter les locaux de l'incubateur Republic Alley. Que deviennent aujourd'hui ces locaux ?
Nous y avons lancé l'incubateur République Innovation. Celui-ci dispose d'une surface de 1 700 m2 pour une capacité d'accueil de 25 entreprises. Cet incubateur est centré sur le secteur de la création et du design, mais aussi dans le domaine des prestations technologiques.

Ces différentes initiatives s'inscrivent dans un autre plan plus global, lancé il y a tout juste un an : Parvi, pour Paris Ville Numérique. Quels sont les axes majeurs de Parvi ?
Aux côtés des initiatives économiques, que nous venons d'aborder, Parvi regroupe deux autres axes de développement : l'Internet citoyen et l'amélioration de la gestion de la ville. Ce programme comprend notamment le développement des accès haut débit pour les écoles situées en ZEP (Ndlr : Zone d'éducation prioritaire) et la mise en place d'EPN. Ces Espaces publics numériques, où des accès Internet sont proposés, sont implantés dans tout Paris. Nous en avons ouvert vingt-cinq à ce jour.

L'Internet citoyen passe-t-il par des actions en faveur du développement de l'accès au sein des foyers ?
Un tiers des foyers parisiens dispose aujourd'hui d'un accès Internet et, parmi eux, la moitié est en haut débit. Pour améliorer ce taux de pénétration, nous ne voulons pas nous substituer aux opérateurs, ni aux fournisseurs d'accès. Nous cherchons plutôt à mettre en oeuvre une discrimination positive en proposant des lieux de connexion publics et en favorisant la diversité des technologies. La mairie du 3ème arrondissement s'est ainsi dotée d'un hotspot Wi-Fi. Celle du 13ème étudie un projet similaire.

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En matière de "gestion de la ville", quels sont les objectifs du plan Parvi ?
Il y a tout d'abord la remise à plat du portail Internet de la Ville de Paris. Une nouvelle version a été lancée en octobre dernier et nous mettrons en ligne un portail entièrement refondu dès l'automne prochain. Ce portail proposera des formulaires en ligne et des téléprocédures pour les usagers et les professionnels. Il y a également la rénovation du site de l'Office de tourisme de Paris, qui joue un rôle central de communication auprès des touristes. N'oubliez pas que le secteur du tourisme représente 10 % des emplois dans la Capitale. Enfin, cette évolution concerne la Ville de Paris en interne, où le papier reste encore omniprésent. Nous passons du "pneumatique au numérique" et nous nous ouvrons aux appels d'offres en ligne.

A Bercy, vous avez dû affronter la grogne en tentant de réformer l'administration fiscale. Internet reste-t-il à vos yeux un accélérateur de réforme ?
L'écueil principal dans la révolution numérique des organisations est de croire qu'il suffit de plaquer Internet sur le préexistant pour que la mutation se mette en marche. Or il n'y a rien de pire que d'introduire la logique Internet dans un système sans l'adapter en amont. Internet épouse alors les méandres du système et devient à son tour une usine à gaz. Internet est au contraire un levier qui doit permettre de lancer une simplification des procédures et un allégement des strates hiérarchiques.

Cette mutation Internet touche-t-elle également la culture politique ?
La réponse est oui. Nous sommes passés d'un système où le pouvoir était lié au secret à un système où le pouvoir est lié à l'information rapide.

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Plus de 600.000 déclarations ont été effectuées cette année par Internet pour l'impôt sur le revenu. C'est un record. Que vous évoque ce résultat ?
Cela démontre que l'Internet est un succès et que la dématérialisation peut marcher quand on respecte une logique de besoin. De la même manière, Internet s'est rapidement imposé dans l'Europe du Nord : face à la rudesse du climat, les Suédois ou les Norvégiens ont rapidement compris le avantages des services à distance. Suivant cette logique, l'Internet français devrait connaître un développement rapide en province. A Paris, les services en ligne dédiés aux handicapés, aux personnes malades et aux seniors devraient aussi fortement se développer. Je suis d'ailleurs très étonné de voir à quel point notre économie délaisse ce que les Japonais appellent la silver industry, c'est-à-dire l'économie aux tempes d'argent, l'économie dédiée aux seniors.

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Tribune Internet : le triple défi, par Laurent Fabius

Dans une tribune publiée le 21 mars dernier dans le JDN, Laurent Fabius, votre successeur à Bercy, estimait que "l'intervention du politique est particulièrement nécessaire" en faveur de l'Internet. Partagez-vous ce point de vue ?
La révolution numérique est en marche. Elle est indéniable et croire que l'Internet est voué à l'échec à cause de l'explosion de la bulle spéculative est une grave erreur. Maintenant, il est vrai que dans cette période de contraction, l'Etat a un rôle majeur à jouer pour aider les entreprises et les initiatives à franchir le cap. Mais dans ce domaine, les actions sont plus importantes que les grands discours.

Comment jugez-vous les initiatives gouvernementales sur le plan Internet ?
Tout ce qui est en faveur de la création d'entreprises va dans le bon sens et permet d'entretenir la culture de l'innovation. En revanche, les restrictions sur les crédits dédiés à la recherche m'inquiètent. C'est un mauvais signal, et dans le domaine de la recherche, la compétition internationale est très sévère. L'innovation est un organisme vivant dans lequel il faut prendre soin de renouveler en permanence les cellules.

Quelle est votre analyse sur la situation économique actuelle ?
Je pense que nous avons touché le point bas. En matière d'économie, il ne faut pas se leurrer, l'Europe reste largement remorquée par les Etats-Unis. Or sur le plan politique, Bush a des échéances très précises avec les élections de 2004. Sa stratégie devrait donc se focaliser sur la relance économique dans les mois qui viennent. Mais les financiers, qui sont devenus fous en visant des rendements de 15 % et plus, ne doivent pas pour autant s'attendre à une euphorie économique. Nous entrons dans la dimension industrielle de la révolution numérique.

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Et dans cette révolution numérique, Paris a un rôle à jouer ?
Paris est une technopole qui s'ignore, quelque part en surfusion. Plus de 110 000 emplois dépendent de l'innovation dans la capitale. Cela représente 7 % des emplois dédiés à la recherche au plan de l'Union européenne. Paris intra-muros génère 10 % des ressources économiques françaises liées à l'innovation. La base est là. Il faut maintenant inoculer la dynamique pour que Paris devienne une capitale numérique de premier plan mondial.

 
Propos recueillis par Ludovic Desautez

PARCOURS
 
Christian Sautter est adjoint au Maire de Paris depuis mars 2001, chargé du développement économique, des finances et de l'emploi. Il est également président de l'association France Active, qui aide financièrement la création d'emplois pour les personnes en grande difficulté, et président de Paris Development Agency. Agé de 63 ans, il est diplômé de l'Ecole Polytechnique, de l'Ecole Nationale de la Statistique et de l'Administration Economique et de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris. Il a été ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (novembre 1999-mars 2000), secrétaire d'Etat au Budget (juin 1997-novembre 1999) dans le gouvernement de Lionel Jospin. Auparavant, il a été préfet de Paris et de la région Ile-de-France (1991-1993) et secrétaire général adjoint de la Présidence de la République auprès de François Mitterand (de 1982-1985 et de 1988-1990). Il a également été directeur du CEPII (Centre d'études prospectives et d'informations internationales, lié au Commissariat général au Plan) et a dirigé des unités de l'Insee.

   
 
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