Le
décret du 27 mars 1992, qui interdisait la publicité
télévisée pour la grande distribution, la presse écrite,
l'édition et le cinéma, au nom du maintien de la diversité
de l'offre culturelle et du pluralisme des médias, vient
d'être modifié par un décret du 7 octobre 2003.
Les restrictions de la publicité
télévisée ont pour objectif déclaré de privilégier d'autres
supports et d'éviter un accès exclusif des grands groupes
à la publicité télévisée au détriment des autres. L'interdiction
de la publicité pour le cinéma à la télévision visant,
quant à elle, à protéger la diversité culturelle.
C'est
l'apparition des nouveaux modes de communication audiovisuelle
qui a poussé certains acteurs à réclamer une évolution
de la réglementation. Dès l'année 2000, le Conseil supérieur
de l'audiovisuel était ainsi amené à examiner la possibilité
d'autoriser les entreprises des secteurs interdits à
diffuser de la publicité à la télévision pour leurs
sites internet.
Le 23 février 2000, le CSA
a considéré que les activités des sites Internet constituaient
un secteur économique nouveau et spécifique, justifiant
que les restrictions d'accès à la publicité télévisée
ne leur soient pas appliquées (communiqué de presse
n°414 du 23 février 2000). C'est en raison de l'évolution
de ce nouveau marché et de sa dimension internationale
que le CSA indiquait qu'il allait étudier à nouveau
au terme d'une période de dix-huit mois les conditions
d'accès à la publicité télévisée des sites Internet
des entreprises des secteurs interdits.
Toutefois, le 3 juillet 2000,
le Conseil d'Etat, saisi de plusieurs recours dirigés
contre ce communiqué du CSA, l'a annulé. En effet, selon
le Conseil d'Etat, il appartenait au ministre, par décret
en Conseil d'Etat, et non au CSA, de définir les règles
applicables à la publicité télévisée. Cet arrêt a donc
implicitement étendu l'interdiction posée par l'article
8 du décret de 1992 à la publicité télévisée pour les
sites Internet des entreprises des secteurs interdites
de publicité sur le petit écran
Mais, c'est à la suite d'une
plainte déposée en 1996, que la Commission européenne
a adressé en septembre 1997 à la France, une première
demande d'information, réitérée trois ans plus tard,
portant exclusivement sur le secteur de la distribution,
à laquelle le gouvernement français a répondu.
En avril 2001, la Commission
adressait une nouvelle demande qui s'intéressait désormais
à l'ensemble des quatre secteurs interdits. Entre temps,
deux concertations avaient été conduites, respectivement
en juillet 2000 et 2001, à la suite de l'arrêt du Conseil
d'Etat du 3 juillet 2000 et pour la rédaction des décrets
d'application de la loi du 1er août 2000 sur la télévision
numérique terrestre.
Toutefois, après une plainte
déposée en octobre 2001 par le Syndicat de la presse
magazine d'information, la Commission européenne a adressé
le 7 mai 2002 à la France un avertissement sur la contrariété
de l'interdiction de certains secteurs avec deux des
objectifs d'intérêt général du Traité de Rome, la sauvegarde
du pluralisme et la diversité culturelle.
La position de la Commission
européenne porte sur la compatibilité de la réglementation
sur les secteurs interdits de publicité audiovisuelle
avec l'interdiction des restrictions à la libre-prestation
de services, sur laquelle la Cour de Justice des Communautés
Européennes n'a pas eu à se prononcer, bien que l'interdiction
soit admise si la disposition est non discriminatoire,
justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général,
propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle
poursuit et qu'elle ne va pas au-delà de ce qui est
nécessaire pour l'atteindre.
Si la France a rejeté les arguments
juridiques de la Commission, elle a malgré tout offert
d'ouvrir une concertation spécifique sur l'ouverture
des secteurs interdits, qui a abouti sur l'adoption
le 7 octobre dernier du décret autorisant la publicité
audiovisuelle aux secteurs qui jusque là n'y avaient
pas accès.
Le tout nouveau dispositif
prévoit à compter du 1er janvier 2004 une ouverture
générale à la presse écrite, et sur les chaînes du câble
et du satellite pour l'édition et la distribution. L'ouverture
aux services de télévision à vocation nationale diffusées
par voie hertzienne interviendra pour ces deux secteurs
le 1er janvier 2007. Au nom de l'exception culturelle,
le gouvernement a toutefois maintenu l'interdiction
pour le cinéma.
[anne-cousin@alain-bensoussan.com
et
carine-piccio@alain-bensoussan.com]
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