La relation client à tâtons sur les réseaux sociaux

La relation client à tâtons sur les réseaux sociaux A côté des coups de téléphone et des e-mails, Facebook et Twitter deviennent des canaux importants pour les services client. Un modèle qui se définit petit à petit.

Laurent Tupin, responsable du service client de Vente-Privée, passe un paisible week-end en famille jusqu'à ce que son portable sonne. Au bout du fil, Jacques-Antoine Granjon, fondateur et PDG de l'entreprise d'e-commerce : sur Twitter, un client se plaint que son saxophone, commandé sur le site, n'arrive pas. Le service client s'active immédiatement et, fort heureusement, l'instrument est vite retrouvé. Une histoire de plus en plus banale, qui prouve que tweets et autres commentaires sur Facebook sont désormais pris au sérieux. Preuve aussi qu'ils placent la relation client dans une nouvelle ère : ces échanges peuvent être lus par tous, clients actuels et potentiels, mais aussi par un patron omnipotent.

En pointe sur le sujet (une équipe est spécifiquement dédiée aux réseaux sociaux), Vente-Privée ne constitue pourtant pas un cas isolé : Facebook et Twitter sont aujourd'hui considérés comme des canaux naturels de la relation client. Ils sont pris en compte dans les évaluations de l'Election du service client de l'année, dont le JDN est partenaire, au même titre que le téléphone, les e-mails et la navigation Internet.

Les résultats, eux, ne sont pas encore à la hauteur : "l'arrivée de ce nouveau canal dans la méthodologie tire la note vers le bas, précise Ludovic Nodier, président de Viséo Conseil et organisateur de cette événement. En effet, ce canal plafonne à 11,57/20, en baisse de 1,56% sur un an." Et ce n'est qu'une moyenne : les sites de rencontres affichent une malheureuse note de 1,33 sur 20.

"La typologie des demandes formulées sur les réseaux sociaux est assez similaire à celle des autres canaux"

Parmi les bons élèves, avec une note de 18,92/20 dans la gestion de sa clientèle sur les réseaux sociaux, Direct Energie a pris la mesure de cette nouvelle tendance. "Nous avons constitué, fin 2013, une équipe dédiée aux nouveaux canaux que constituent Facebook et Twitter, explique Armelle Balenceu, directrice des opérations clients. Elle est composée de collaborateurs disposant d'une expertise digitale, mais aussi d'une certaine maturité tirée d'un parcours grâce auquel ils connaissent bien la relation client."

Sans surprise, l'expérience démontre que les usagers de ces canaux sont plus jeunes que les autres, que le ton y est différent et que l'instantanéité est la règle. Mais au-delà de ces distinctions de bons sens, le travail est proche. "La typologie des demandes formulées sur les réseaux sociaux est assez similaire à celle des autres canaux, constate Armelle Balenceu. La principale différence, c'est que notre réponse est plus courte."

Sur les réseaux sociaux, la relation client est comprise au sens large. Aux problèmes de SAV succèdent les questions préalables à l'achat, les interrogations sur la marque côtoient les problèmes individuels... Pour le consommateur, le compte de la marque constitue un point d'entrée unique. Les personnes chargées de lui répondre, elles, doivent avoir accès à une vaste masse d'information. Chez Direct Energie, elles ont accès aux mêmes outils que leurs collègues des centres d'appels.

"Nous sommes connectés à tous les services : responsable produit, service client, marketing, communication voire direction générale, explique Gilles Reeb, cofondateur de Uzful, qui gère les réseaux sociaux pour le compte de grandes entreprises comme Sony. Nous devons arrêter de segmenter et repenser de manière globale." Lorsque ses community managers ne peuvent délivrer la bonne réponse, leur travail consiste à renvoyer le consommateur vers la bonne information : une page Internet, un forum de discussion ou... le central téléphonique du service client.

"Nous demandons toujours, à un moment ou à un autre, de passer en messages privés"

Autre problématique : la visibilité des tweets, posts et autres commentaires. La publicité des échanges donne du poids à une requête (une question sans réponse n'est pas du meilleur effet pour la marque). Elle évite aussi la multiplication des questions similaires, puisque la réponse à la question est consultable par tous, sur le mur Facebook par exemple ou sur un fil Tweeter (Direct Energie propose ainsi des "éducatweet" pour informer ses followers). Mais cette exposition atteint rapidement des limites : les références client et autres données personnelles n'ont pas vocation à se retrouver en place publique. Pour les professionnels, la solution est alors simple : "Nous demandons toujours, à un moment ou à un autre, de passer en messages privés", indique Gilles Reeb. Après l'interpellation publique, la discussion individualisée peut s'engager, en chat ou par e-mail.

D'après l'observatoire de la relation client 2014 réalisé par BVA, les réseaux sociaux sont plébiscités par les clients : parmi les personnes interrogées, celles qui ont eu recours à ces médias dans les 12 derniers mois se disent satisfaits à 87%. Un record absolu.

Seuls 7% des Français ont contacté un service de relation client via les réseaux sociaux

Oui mais voilà, si les réseaux sociaux plaisent à leurs utilisateurs, ces derniers restent marginaux à ce jour. La même étude indique que seuls 7% des Français ont effectivement contacté un service de relation client via les réseaux sociaux pendant les 12 derniers mois, contre 59% pour le téléphone, 53% par e-mail et 50% par visite de sites Internet.

Riche en promesses de réactivité, de simplicité et de personnalisation, les réseaux sociaux demeurent encore les petits poucets de la relation client, encore largement dominé par le téléphone et l'e-mail. Mais, pour peu qu'ils trouvent leur chemin, ils pourraient bien finir par  devenir la voie royale pour contacter un service client.