Vers une vraie réponse des entreprises au défi environnemental

Pour bien aborder la question environnementale aujourd'hui, les entreprises ne peuvent plus être motivées par le seul respect de la législation. Elles doivent mener une vraie réflexion stratégique sur leur activité. Même si cela doit se révéler coûteux.

En ce temps de blitz médiatique à propos du changement climatique et des énergies renouvelables, il est naturel pour tous les décideurs politiques et/ou économiques de se demander quel sera l'impact de toutes ces évolutions, prévisibles ou impromptues, sur leurs activités et comment s'y préparer. Ils sont en général dans une situation inconfortable car même si ce sont d'excellents professionnels connaissant bien leur métier, la question est d'une portée bien plus vaste. Pour y trouver du sens, on ne peut pas se satisfaire de développements théoriques impossibles à traduire en pratique ou de recettes élaborées sur le tas qui cesseront de fonctionner lorsque le cadre aura changé.

 

Qu'est ce que cela signifie pour les entreprises ? Jusqu'à présent, la principale motivation des entreprises à agir dans le domaine a été le respect de la législation. Dans la plupart des entreprises, il s'agit d'une sorte d'obligation extérieure que le management délègue aux juristes et aux ingénieurs avec pour mission de mettre les choses en ordre. Cela demande déjà en soi pas mal d'efforts et de ressources mais, aujourd'hui, cela ne suffira bientôt plus car les enjeux débordent du cadre légal ou technique et requièrent une coordination active au niveau stratégique.

 

Au cours des années 1990, un petit nombre d'entreprises a expérimenté les bénéfices de s'appuyer sur une stratégie environnementale, cohérente et encadrée par un système de gestion spécifique. Souvent, elles se sont fixé des objectifs clairs et ambitieux à l'instar de ce qui se pratique sur le plan commercial. Deux types de considérations sont à la base de leur démarche : 

- Côté carotte : l'environnement est un véritable eldorado en matière d'innovation comme en témoignent certains succès commerciaux retentissants (Toyota Prius, General Electrics...). Les attentes de la société sont nombreuses et il reste beaucoup à faire.
- Côté bâton : Une lacune environnementale peut mettre à mal en un rien de temps une réputation ou une marque que l'on a mis des années à promouvoir (voir l'affaire Mattel cet été). Les critiques de la part des ONG de protection de l'environnement font généralement mouche même si l'argumentation employée est parfois assez approximative sur le plan scientifique.

 

Attention, intégrer le facteur environnement dans sa stratégie de développement n'est pas chose aisée. Il ne s'agit pas de faire de l'angélisme et croire que tout ce qui est bon pour l'environnement se traduira automatiquement en chiffre d'affaires. Il faut se méfier des ambiguïtés qui entourent certains concepts écologiques (on peut s'interroger sur le bénéfice environnemental réel lié aux biocarburants si l'on prend en compte les risques d'intensification des activités agricoles) et se montrer prudente vis-à-vis des réactions de la clientèle (il y a quelques années, une tentative de mettre sur le marché des détergents plus concentrés dans un emballage réduit a échoué parce que la clientèle s'est crue dupée). Il faut aussi être clair sur le fait que la performance environnementale ne suffit pas à elle seule à atteindre le succès commercial mais que c'est un facteur supplémentaire de compétitivité et un élément déclencheur d'innovation car il force à observer l'ensemble de la chaîne sous un angle inhabituel.

 

Le  retour par rapport aux efforts investis est à la hauteur des difficultés rencontrées : imaginez un instant le soulagement d'une entreprise qui modifierait ses procédés de manière à s'affranchir de la législation sur les produits dangereux ou encore l'audience dont bénéficierait une marque qui ouvre un tout nouveau marché. A bien y regarder, beaucoup de choses se passent dans la tête : par exemple si on se réfère au secteur du déchet que l'on définit comme un produit dont on veut se débarrasser (ce qui représente en soi une défaite), on peut ouvrir des perspectives très intéressantes tout simplement en changeant d'attitude et en explorant ce qu'il faudrait investir pour éviter cette situation.

 

Pour pouvoir répondre à ce défi, il appartient à chaque décideur d'écrire sa propre histoire en s'appuyant sur une base d'informations appropriée en termes de quantité et de qualité. C'est là une activité première au départ de toute la chaîne de valeur. Elle se révèle être particulièrement exigeante dans le domaine de l'environnement du fait qu'il s'agit d'une compétence transversale touchant à plusieurs disciplines (légal, technique, marketing, financière, R&D, relations publiques) et impliquant un éventail d'acteurs beaucoup plus large que d'habitude. Etant encore à un stade précoce, la gestion environnementale est un processus d'apprentissage guidé par l'expérience et la demande des différentes parties. Il n'y a pas de méthodologie, ni d'indicateurs bien établis comme on en trouve dans d'autres secteurs.

 

Bien sûr, cela engendre un coût que l'on doit apprécier par rapport à la valeur apportée au décideur. Il n'est guère chose aisée d'accepter le fait qu'il s'agisse d'une recherche dont le résultat est par nature aléatoire. Cependant, tout le monde comprendra qu'un élément d'information peut conférer un avantage compétitif déterminant surtout si il s'agit d'un signal faible émergeant à peine du bruit de fond (par exemple les propriétés éco-toxicologiques d'une molécule provenant du métabolisme d'une substance chimique). La qualité du travail est ce qui fait sa valeur car une demi-vérité peut empoisonner tout un processus de réflexion.

En conclusion, les décideurs doivent composer avec la confusion ambiante qui entoure pour l'heure les défis environnementaux. C'est là une transition obligatoire pour parvenir à une réelle maîtrise des enjeux et comprendre l'impact sur le business model. Cela est d'autant plus vrai que les évolutions sont à la fois énormes et rapides. Il est clair que ceux qui auront réussi le plus vite à se positionner par rapport au fonctionnement des écosystèmes seront également les mieux placés sur le marché par la suite. Pour cela, il n'y a pas de secret, il faut investir.