L’innovation : indispensable, oui, mais comment s’y prendre ?

L’innovation est la condition sine qua non du développement des entreprises, de toutes tailles et de tous secteurs d’activité. Pour certaines, c’est même une condition de survie. Mais de nombreux dirigeants d’entreprises, s’ils sont convaincus des enjeux, ont du mal à passer à la pratique.

L'innovation : un état d'esprit partagé
Contrairement à une idée répandue, ce ne sont pas les idées qui manquent aux entreprises en panne d'innovation. Ce qui leur fait défaut, c'est la capacité à les exploiter et les transformer en opportunités de développement.
La plupart des entreprises fourmille d'idées qui constituent potentiellement autant d'opportunités d'innovation. La moindre séance de brainstorming génère en effet en quelques minutes des dizaines de "post-it" ou de propositions de projets. Ces idées viennent de plusieurs sources, internes ou externes à l'entreprise. Quel service après-vente n'a jamais reçu des clients des suggestions pour l'amélioration des produits ? Quel service achat n'a jamais reçu des propositions non sollicitées de fournisseurs ? Qui n'a jamais envisagé des changements lors d'une discussion informelle autour de la machine à café ? Les laboratoires publics sont incités par les gouvernements à transférer aux entreprises les fruits de leurs recherches académiques. Feuilleter une revue généraliste ou technique, naviguer sur Internet ou fréquenter une bibliothèque immerge le lecteur dans l'information, et génère, même auprès des moins imaginatifs, des myriades d'idées potentielles d'innovation.
Toutes les idées ne peuvent évidemment pas devenir une innovation qui génèrera des parts de marché additionnelles et des cash-flows positifs. Comment faire alors pour "tamiser" toutes ces idées et ne pousser plus loin que celles qui méritent d'être incubées ?
Fondamentalement, il s'agit d'une problématique d'affectation de ressources en ligne avec la stratégie de l'entreprise. Le questionnement stratégique associé s'articule typiquement autour des questions suivantes : ciblons-nous les bons volets de notre marché avec notre (nos) projet(s) d'innovation ? Sommes-nous capables de changer aussi rapidement que nos marchés ? Sommes-nous suffisamment flexibles ? Notre stratégie peut-elle se décliner directement selon des objectifs d'innovation ? Est-elle en adéquation avec l'évolution des marchés ?
Eu égard plus spécifiquement à la gestion de ce qu'on appelle communément le portefeuille des projets d'innovation, les questions sont : disposons-nous d'un tableau de bord de l'innovation clair ? Mesurons-nous l'innovation de façon adéquate ? Comment devrait  se composer notre portefeuille au regard du marché, de la concurrence ? Quel doit être l'équilibre entre nos axes d'innovation incrémentale / de rupture ? Nos indicateurs sont-ils en adéquation avec la culture / les comportements propres à l'entreprise ou avec notre système de reconnaissance interne ?

L'innovation : des processus pas comme les autres, mais des processus tout de même
Sur les processus d'innovation, trop de lieux communs circulent : "l'innovation, c'est la génération spontanée d'idées de rupture", ou "laissons faire les inventeurs géniaux et solitaires", etc. Si l'innovation est managée de cette façon au sein des entreprises, elle est vouée à l'échec, et seuls quelques miracles isolés pourront un jour se transformer en produits ou services nouveaux. Inversement, contraindre les processus d'innovation sous le joug des procédures qualité et du référencement des fournisseurs serait la meilleure manière de tuer toute velléité d'innovation dans l'entreprise.

L'animation des processus d'innovation

Entre ces deux extrêmes, l'innovation doit faire l'objet de processus aussi rigoureux qu'allégés, inspirés des méthodes phases et jalons (stage and gates). Mais à la différence des projets "classiques" des entreprises, qui commencent habituellement par une étude approfondie de la faisabilité technico-économique, les processus d'innovation débutent très en amont, par la capture et le traitement des nombreuses idées, qui ne sont à ce stade que des opportunités potentielles. Pour les entreprises qui se sont dotées, ou envisagent de se doter d'une fonction innovation (directeur, responsable, « cellule », ...), il s'agit là de la première mission qui lui est dévolue : animer le "processus d'idéation" de l'entreprise. Depuis l'ancestrale "boîte à idées", devenue aujourd'hui numérique et dématérialisée, au concours à idées périodique, qui possède surtout des vertus en matière de politique RH et communication interne, en passant par l'animation d'un "think-tank", les outils sont nombreux, et doivent être adaptés au contexte particulier de chaque entreprise

L'incubation et le transfert des projets à risques
C'est la deuxième mission clé de la fonction innovation : accompagner la maturation, l'incubation des idées qui ont passé la première étape de sélection, et dont le potentiel de création de valeur, en cohérence avec la stratégie de l'entreprise, apparaît positif, mais qui sont encore trop amont pour être transférées aux équipes de développement (bureau d'études...) dans le cadre de leurs missions habituelles. 
Une fois les validations indispensables réalisées, commence la partie la plus délicate : le transfert de l'innovation incubée, afin qu'elle soit intégrée dans les développements en cours ou à venir. Délicate, car comme leurs processus, les objectifs des équipes de développement sont centrés sur la maîtrise des risques, coûts et délais, donc peu compatibles à priori avec l'intégration d'innovations susceptibles d'introduire du changement. 

L'indispensable implication de la direction générale
L'affirmation que l'innovation est clé pour l'entreprise est la moindre des choses que l'on peut attendre de la direction générale de l'entreprise innovante. Mais il lui faut aller plus loin, passer de la parole aux actes, et agir opérationnellement sur les relations entre les différentes fonctions de l'entreprise pour que les idées retenues, les projets incubés soient effectivement adoptés par les équipes de développement technique et commercial, pour que le transfert devienne une réalité... en un mot pour que l'innovation ne soit plus uniquement un concept, qu'elle devienne une réalité économique.