Sens au travail : comment en faire un facteur de motivation ?

Le docteur Philippe Rodet, médecin urgentiste et membre fondateur de la commission stress de l'ANDRH, estime que le sens est la clé de la réussite, tant aux niveaux personnel que professionnel, car il est le premier facteur de motivation et de bien-être. Mais pour que le sens se traduise en motivation, il faut oser donner du sens au travail.

Le sens au travail illustré par l’histoire de Charles Plumb

Dans une tribune publiée sur Focus RH
 , le docteur Philippe Rodet revient sur les fondements du sentiment de bien-être et sur la motivation qui en découle au travail. À travers des exemples frappants, il montre combien le sens au travail peut contribuer à la motivation, mais aussi, malheureusement, dans quelle mesure cet aspect n’est pas mis en avant de nos jours.
Pour illustrer ses propos, Philippe Rodet conte par exemple l’histoire de Charles Plumb, un pilote de l’armée américaine dont l’avion fut abattu lors de la guerre du Vietnam. Obligé de s’éjecter, c’est en territoire ennemi que son parachute l’amena. Il fut retenu pendant six années avant de rentrer au pays, où son histoire de guerre retint l’attention de nombreux observateurs.
Mais un soir, alors qu’il dînait dans un restaurant, un homme l’interpella et évoqua des détails de son histoire. Il savait que Charles Plumb opérait sur le porte-avion Kitty Hawk, que son avion avait été abattu lors de sa 76e mission, et il connaissait des détails qui intriguèrent Charles Plumb. L’homme demanda alors à Charles Plumb si son parachute s’était bien ouvert : ce dernier répondit que oui, et que c’était grâce au bon fonctionnement de son parachute qu’il avait pu survivre.
Il s’avère que cet homme, venu de nulle part, pliait les parachutes à bord du Kitty Hawk. Charles Plumb l’avait croisé des dizaines de fois, sans jamais voir en lui davantage qu’un ouvrier pliant des bouts de tissu, et sans jamais lui demander comment il allait.

Prendre conscience de l’utilité du travail de chacun

Mais depuis ce fameux soir où l’ouvrier inconnu l’interpella, Charles Plumb ne le percevait plus comme un simple plieur de tissu, mais comme son sauveur.La question est donc anodine, mais réellement porteuse de sens : qui s’occupe de votre parachute ? Une question que Charles Plumb pose à chacune de ses conférences, et qui suggère de considérer le travail d’autrui à sa juste valeur. Mais aussi de mettre en évidence que le travail est porteur de bien-être lorsqu’il est utile à autrui. Si toutefois cette utilité est perceptible.

Là est tout le problème : si le plieur de parachute du Kitty Hawk a pu constater son utilité, en apprenant que son travail soigné a permis de sauver la vie de Charles Plumb, qu’en est-il de l’ouvrier qui sert des boulons à longueur de journée dans une usine ? Lui dit-on, par exemple, que le soin apporté à son travail permet de réduire les accidents de la route ? Vous vous en doutez, la réponse est trop souvent non.

Le sens : un rempart contre le stress

Bien que le contexte d’exercice de nombreux métiers ne permette pas d’avoir une visibilité sur l’utilité de certaines tâches, le sens au travail n’en demeure pas moins indispensable, car il est plus qu’un levier de motivation : il est aussi un rempart contre le stress.En effet, si l’histoire de Charles Plumb démontre déjà que le travail de chacun peut avoir une portée salutaire pour autrui, et que la motivation se trouve améliorée par cette prise de conscience, des études démontrent également l’existence d’un lien fort entre sens du travail et stress.

Le docteur Eli Somer a ainsi publié une étude dans la revue “Multiple Sclerosis”, démontrant qu’en temps de guerre, les personnes donnant du sens à leur vie développaient beaucoup moins de pathologies issues du stress comme les scléroses en plaques.

Les travaux du psychiatre canadien Jean-Jacques Breton pointent pour leur part clairement que dans le monde de l’entreprise, le sens au travail est un facteur de protection contre le stress : les agressions psychologiques liées au travail ne sont pas perçues avec beaucoup d’intensité par les personnes qui donnent du sens à leur vie et à leur activité professionnelle.

En conclusion

Donner du sens au travail est devenu indispensable en ces temps difficiles, où l’incertitude règne et où la segmentation des tâches cantonne et isole les ouvriers dans des univers qui ne leur permettent pas de voir la portée utile de leur travail.

S’il est admis par la gouvernance des entreprises que le sens peut être le principal facteur de motivation de leurs troupes et qu’il abaisse en plus le niveau de stress, il suffit alors d’oser donner du sens au travail.

Plus facile à dire qu’à faire, car beaucoup de managers et de dirigeants, comme la plupart des gens d’ailleurs, pensent que le sens s’obtient par le compliment, alors que peu d’entreprises savent gratifier le travail d’autrui autrement que par des aspects financiers.

Et pourtant, pas de doute : ce n’est pas le compliment, quelle qu’en soit la nature, qui est porteur de sens, mais les explications montrant en quoi le travail de chacun est utile en bout de chaîne.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Comment donnez-vous pour votre part du sens à votre travail ?