La procédure de saisie-contrefaçon : une mesure d’une exceptionnelle gravité

Le titulaire d'un droit de propriété intellectuelle doit justifier un minimum sa requête présentée au président du tribunal de grande instance afin d'obtenir l'autorisation de procéder à une saisie-contrefaçon

La loi n°2014-315 du 11 mars 2014 a complété l’arsenal de mesures permettant aux titulaires de droits de propriété intellectuelle (droit d’auteur, droit de marques, dessins ou modèles, brevet…) d’établir la matérialité de la contrefaçon de leurs droits.
La procédure de saisie-contrefaçon est le moyen le plus utilisé afin d’établir l’existence et l’étendue d’actes de contrefaçon. Elle consiste à saisir, sur requête, le président du tribunal de grande instance compétent afin d’être autorisé par ordonnance à faire diligenter une opération de saisie-contrefaçon par un huissier de justice, accompagné au besoin de la force publique.
L’ordonnance permet à l’huissier de pénétrer dans un lieu privé afin d’obtenir la preuve de la contrefaçon et de son étendue, sans avertissement et consentement du saisi afin de préserver l’effet de surprise.
En matière de droit d’auteur, par exemple, le tribunal peut ordonner la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer illicitement les œuvres. D’autres mesures peuvent être autorisées (saisie des exemplaires constituant une reproduction illicite d'une œuvre de l'esprit ; saisie des recettes ; suspension ou la prorogation des représentations ou des exécutions publiques en cours ou déjà annoncées ; suspension de toute fabrication en cours…).
La jurisprudence récente rappelle les règles impératives et strictes qui s’imposent lors de la mise en œuvre d’une telle procédure attentatoire aux libertés fondamentales.
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 28 janvier 2014 (CA Paris, 28/01/2014, PIBD n°1003, III, 273) rappelle qu’être titulaire de droits ne suffit pas. Le requérant, qui sollicite une autorisation d’effectuer une saisie-contrefaçon chez un tiers, doit apporter un commencement de preuve pour permettre de « présumer » ou « rendre vraisemblable » une éventuelle contrefaçon de ses droits. Il ne peut se contenter de fonder sa requête sur de simples affirmations. 
Dans cette affaire, la Cour a estimé que « s’agissant d’une mesure d’une exceptionnelle gravité puisque autorisant la saisie-contrefaçon et l’accès à des documents d’une société de manière non contradictoire, il convient que la demande ne repose pas sur de simples affirmations ou allégations non étayées par un minimum de pièces ». 
Les juges ont ainsi rétracté l’ordonnance du président du Tribunal, constatant au demeurant que les mesures autorisées étaient exorbitantes puisqu’elles permettaient la saisie de documents sans limitation. Ils ont dès lors assorti leur décision de mesures dissuasives pour empêcher tout usage des informations auxquelles le titulaire des droits avait pu accéder au cours de cette saisie-contrefaçon annulée.
Cette affaire rappelle ainsi que la procédure de saisie-contrefaçon ne doit pas être détournée afin d'obtenir, abusivement, des informations et des documents d'un concurrent et de fausser ainsi le jeu de la libre concurrence.