Moment propice pour changer notre avenir ?

Le monde change par phases. Une nouvelle phase démarre. Et si c’était l’occasion de changer notre avenir ?

Nous nous trompons sur le mot « changement », dit un billet précédent. Contrairement à nos idées reçues, le monde n’est pas une collection d’électrons libres. Il n’évolue pas de manière continue.
En fait, il se comporte comme un « système ». Il passe d’un « état » à un autre, totalement différents. Rien d’abstrait là-dedans. L’histoire des 70 dernières années montre de quoi il s’agit :

Le monde change par phases

Après guerre la société s’est organisée sur le modèle technocratique.
Obsession : rendre l’avenir prévisible. C’est un modèle planificateur. Il donne le pouvoir à l’expert supposé connaître les lois de la nature. De l’action de l’Etat à celle des syndicats, en passant par l’autofinancement de l’entreprise ou la publicité de masse, il cherche la stabilité et la protection contre l’interférence extérieure.
En particulier, les dirigeants ont un rôle effacé, les actionnaires sont réduits à l’impuissance.
La crise des années 70 et l’offensive japonaise conduisent l’industrie occidentale à se réinventer. Bien plus qu’une automatisation à outrance, ce sont les techniques japonaises (qualité, lean manufacturing…) qui sont utiles. Elles sont adaptées à la pénurie. Elles cherchent à tirer le meilleur des ressources propres à l’entreprise.
En particulier de l’homme.
Mais, la chute de l’empire soviétique et l’apparition des pays émergents ouvrent des gisements de ressources humaines quasi gratuites. D’autant que la demande occidentale est stimulée artificiellement par l’endettement des particuliers et des Etats, et que les salaires occidentaux sont contraints par la menace des émergents. L’entreprise s’organise pour en tirer parti. Des « chaînes d’approvisionnement » internationales se construisent. Les grandes entreprises deviennent des structures de contrôle, bureaucratiques et informatisées.
Elles confient leurs métiers à des fournisseurs.
Aujourd’hui, les pays émergents ont achevé leur intégration à l’économie de marché. Leur main d’œuvre n’est plus à « bas coût ». Ils deviennent des marchés exigeants. Ils contrôlent leurs échanges, ils se barricadent. Les entreprises occidentales se retrouvent prises en ciseau entre un marché émergent qui se crispe, un marché domestique en crise, et des ressources dont les prix enflent.

Changeons ?

Tout ceci a des conséquences concrètes immédiates :

Finie l’entreprise structure de contrôle, coûteuse, bureaucratique et rigide ayant désinvesti de ses métiers. Nous en revenons à la situation des années 80. A une période de pénurie. Le moteur du développement de l’entreprise n’est plus externe, mais interne. C’est un changement radical, fondamental, compliqué.
Pas possible d’être plus spécifique. Il n’y a pas de recette miraculeuse.
De technique à appliquer sans réfléchir. Chaque entreprise est particulière. Chacune devra trouver le changement qui lui convient, et le mener à bien.
Alors, à quoi ressemblera le monde de demain ? La pénurie peut susciter un accès de folie suicidaire aussi bien qu’un élan de solidarité. C’est à nous, collectivement, de choisir notre avenir. Comme une ruche maintenue à température constante par le mouvement d’aile des abeilles, un système est ce qu’en fait la volonté commune de ses membres.

Pour approfondir…

Des ouvrages témoins de leur phase :
  • La technocratie a eu son auteur : J.K. Galbraith. Par exemple : GALBRAITH, John K., The New Industrial State, Princeton University Press, 1985.
  • Le texte emblématique de la période suivante est probablement : WOMACK James P., JONES Daniel T., ROOS Daniel, The Machine That Changed the World, Scribner Book Company, 1995. Etude du MIT datant de la fin des années 80, qui a défini le concept de lean manufacturing (rien à voir avec ce que l’Occident a fait de ce concept, qui plaçait l’homme au centre de l’entreprise).
  • En ce qui concerne la phase qui se termine actuellement, on peut lire les ouvrages d’Eamon Fingleton. Ancien éditeur du Financial Times et de Forbes, il a consacré des enquêtes aux idées reçues américaines (par exemple, FINGLETON, Eamonn, Unsustainable: How Economic Dogma Is Destroying U.S. Prosperity, Nation Books, 2003) ; voir aussi, à l’opposé, les travaux d’un des théoriciens fameux de la période, Gary Hamel (par exemple : HAMEL, Gary, Reinvent your company, Fortune, 12 Juin 2000).
  • Pour le changement qui s’annonce, voir, par exemple : GEORGE, Katy, RAMASWAMY, Sree, RASSEY, Lou, Next-shoring: A CEO’s guide, McKinsey Quarterly, janvier 2014 ; The gated globe, The Economist, 12 octobre 2013, et plus généralement les articles que cet hebdomadaires consacre aux transformations actuelles du monde.

Quelles techniques pour l’entreprise de demain? Des techniques bien connues : http://www.slideshare.net/FaurieChristophe/rappoort-20140501 (slideshare).