La maîtrise du développement durable, un avantage concurrentiel

Le développement durable peut constituer un véritable avantage concurrentiel pour les entreprise. A condition d'être réel et de ne pas se cantonner à de la simple communication.

Quel curseur pour l’entreprise ?

Le Développement Durable est un concept que personne ne veut être vu en train de refuser : ce qui était hier tolérable ne l'est plus aujourd'hui du fait de la transparence de l'information et des échanges, de la prise de conscience de la finitude des ressources naturelles, de l'impact du dérèglement environnemental, de la montée en puissance des revendications d'équité, de ce que l'individu n'accepte plus en citoyen les conséquences excessives de son comportement d'acheteur.

Pour autant, si le citoyen comprend bien la valeur du développement durable, il n'en reste pas moins que l'entreprise n'est pas une institution d'intérêt général (macro-économique ou politique). Son essence est de créer de la richesse pour ses actionnaires ; d’où deux questions d'analyse de la valeur pour l’entreprise pour trouver le " juste développement durable »

En quoi puis-je en faire une source d'avantage concurrentiel ?

Quel est le niveau optimal d'investissement pour maximiser la création de valeur via ce sujet ?

Dans cette stratégie de la valeur, l'entreprise doit naviguer entre deux écueils: l’angélisme (consistant à penser qu'il y a un rendement marginal positif à toute action sur le développement durable) et  le cynisme (consistant à penser qu'une petite "couche" de communication suffit).

Pour maîtriser le développement durable, 3 commandements sont à prendre en compte.

Etre stratégique

On constate en général trois stades de montée en compétence sur le développement durable. 

La Communication ("Plus vert que moi tu meurs !") : Le développement durable se cantonne essentiellement à de la communication, vue comme un contre-feu peu coûteux et temporaire. Le risque de réputation rend ce niveau largement insuffisant aujourd’hui.

·    Le qualiticien (" Mieux qu'hier et moins bien que demain ! ") : Il est avant tout basé sur l'excellence opérationnelle. Le développement durable est en substance un plan de progrès par parties prenantes, qu'on pilote comme une démarche qualité (cf. démarches PDCA de la Qualité totale). Les limites sont le foisonnement ("usine à gaz d’indicateurs de progrès") ; on y fait rarement des arbitrages majeurs ou différenciateurs. Tous les concurrents passent par cette approche ; c’est une étape nécessaire mais pas suffisante.

     La stratégie("innovation, maîtrise du risque et arbitrage !") : Si, certes, on a réduit les externalités, il reste encore des coûts (complets) et des risques que le client n'est pas prêt à encourir. C’est le moment de l’innovation: Il s'agit de repenser le produit/ service pour qu'il soit par "re-construction " au juste développement durable  tout en restant compétitif en prix (Analogie au Design to Cost). Cela peut signifier des arbitrages lourds sur le portefeuille produits, la supply chain, l'implantation géographique (acceptabilité en matière de réglementation sociale, de contenu local, de risque environnemental). La réglementation et l’intensité concurrentielle placent aujourd’hui le curseur à ce niveau.

     Déployer le développement durable en entreprise étendue 

Pour une entreprise, s’appréhender comme au centre d'une entreprise étendue plutôt que d'un réseau (sans lien contractuel) est essentiel. En effet, même si ces parties prenantes ne sont pas toutes formellement en relation clients-fournisseurs, elles ont pourtant de fait un lien quasi-contractuel avec elle : chacune s’attend à ce que la valeur reçue soit positive et juste ; individuellement et collectivement, elles ont un pouvoir de négociation important sur un actif de l'entreprise : sa réputation.

Ce peut donc être un avantage concurrentiel que de savoir proposer une animation de cette entreprise étendue qui permette à chaque partie prenante de juger que la valeur reçue est juste et distinctivement supérieure de ce qu'elle recevrait d'autres entreprises (notamment celles concurrentes) et pouvoir/vouloir associer sa propre réputation à celle de l’entreprise Deux compétences sont clés pour faire de la gestion des parties prenantes un avantage concurrentiel :

Etre capable de co-construire le DD avec elles: La mécanique contractuelle du DD est bien connue (Il s'agit d'éviter, réduire ou compenser). Dans nos interventions, nous constatons que plus on mobilise les parties prenantes dans les recherches de solutions, plus on arrive à en trouver qui permettent d'éviter ou de réduire, plutôt que de compenser : les parties prenantes savent ce qui a de la valeur pour elles et sont prêtes à collaborer avec l'entreprise pour construire du gagnant/ gagnant.

Les aider à se reconnaitre comme un collectif : Au titre de sa cause (environnemental, emploi local,..) chaque partie prenante a tendance à approcher unilatéralement l’entreprise  en le considérant comme un "guichet payeur" qui devrait "cotiser à sa cause". Dans certains cas, cela peut être accompagné d'une forme de rapport de force (menace à la réputation, refus d'implantation, etc.). et cela a trois conséquences :

- on n’atteint pas le juste développement durable : la répartition de ce qui est distribué au nom de l'environnement, du contenu local, de l'équité a peu de choses à voir avec ce qui serait un bon arbitrage sur les ressources à consacrer à chaque sujet.

- on est dans un jeu à somme nulle : chaque partie prenante individuellement en demande toujours plus

- de la distance se créé entre l’entreprise et les parties prenantes.

Une des façons de sortir du biais de relations trop bilatérales est de mettre les parties prenantes en relations entre elle (en cercle). La question de l'arbitrage entre différents sujets est alors traitable plus facilement. Par ailleurs, le fait de les réunir créée un sentiment d'appartenance collective qui inverse le rapport de force avec l'entreprise.  Il y a de la valeur à se voir reconnue dans un collectif de parties prenantes. Il y a un coût d'opportunité éventuelle à ne plus en être.

Mettre la vraie confiance au cœur de processus de transformation

Conséquence des exigences de ces deux premiers commandements, Le DD est une notion souvent délicate en termes de relations avec les parties prenantes internes ou externes.

Vis-à-vis des parties prenantes internes (salariés IRP, management intermédiaire) : il remet souvent en cause les " contrats invisibles " de l’entreprise (il ne s'agit plus seulement de mettre sa technicité au service d'un produit, il s'agit aussi de " dérégler " le processus de production au nom d'autres critères (l'environnement, le contenu local, etc.) qui sont le plus souvent vus comme des contraintes que des sources de valeur nouvelles.

Vis-à-vis des parties prenantes externes : le DD révèle à l'entreprise la complexité, le besoin des PP externes pour avancer (interdépendance) et le fait qu'on est durablement ensemble.

Ce sont typiquement des situations managériales ou les approches par la confiance ont des bénéfices distinctifs. A titre d'illustration :

- Il est plus délicat de faire reconnaitre la valeur stratégique du DD et de la notion d'Entreprise Etendue sans discuter collectivement des contrats invisibles actuels (ce qui se fait mieux dans le cadre de démarche confiance).*

- En matière d'innovation, le principe de précaution est souvent un frein majeur à l'exploration, en solo, de solutions innovantes. Dans un contexte de confiance, où les parties prenantes prennent ensemble et consciemment le risque de ne pas se cacher derrière le principe de précaution, l'innovation peut dégager des solutions gagnant- gagnant.

- La confiance est un gisement de facteurs clés de succès pour aider le DD. Elle permet d’accompagner l'évolution interne des contrats invisibles et de déplacer les limites de la co-innovation (notamment au-delà du principe de précaution).