Formation professionnelle : enfin conçue pour ceux qui en ont besoin ?

Le Premier ministre a présenté le 25 septembre son "Grand plan d’investissement 2018-2022". D'un montant de 57,1 milliards d’euros, il prévoit de former massivement un million de jeunes peu qualifiés éloignés de l’emploi, ainsi qu’un million de chômeurs de longue durée faiblement qualifiés. Présentiel et Mooc sont au menu. Enfin.

Les jeunes en situation de décrochage et les chômeurs enfin la priorité

Ca y'est, le gouvernement a présenté le budget consacré à la réforme de la formation professionnelle. Les mesures pour l’emploi et la formation représentent un investissement de près de 15 milliards d’euros. Partant du postulat selon lequel la formation ne bénéficie pas aux individus qui en ont le plus besoin, l’objectif de ce plan quinquennal est de proposer un accompagnement renforcé à un million de jeunes peu qualifiés éloignés de l’emploi, et de former un million de personnes en situation de chômage de longue durée faiblement qualifiés.

Ces engagements font directement écho au dernier rapport économique de l’OCDE consacré à la France. L’Organisation de coopération et de développement économique y pointe le fait qu’en France les jeunes et les travailleurs peu qualifiés sont souvent exclus du travail. Autre constat : trop d’adultes ont de faibles compétences de base et leur accès à la formation pâtit de la complexité du système de formation. Parmi ses recommandations, le rapport invite le Gouvernement à renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi, en particulier de ceux les plus éloignés du marché du travail.

Les engagements pris dans le cadre du plan d’investissement vont dans ce sens, en visant l’entrée en formation de 800 000 jeunes en situation de décrochage, soit dans le cadre de formations qualifiantes et certifiantes pour 470 000 d’entre eux, soit dans le cadre de dispositifs visant à préparer l’accès à des formations en alternance (apprentissage ou contrat de professionnalisation) pour 330 000 jeunes ayant une très faible employabilité. D’autres dispositifs en faveur de l’accompagnement renforcé des jeunes peu qualifiés éloignés de l’emploi bénéficieront de financements complémentaires, qu’il s’agisse de la Garantie jeunes, des écoles de la 2ème chance (E2C) ou encore de l’Epide (établissement pour l’insertion dans l’emploi).

Pour les demandeurs d’emploi faiblement qualifiés, un million de formations longues (entre six et neuf mois) ou certifiantes devrait être déployé sur cinq ans. Pour les plus fragiles d’entre eux, un dispositif d’accompagnement spécifique leur sera proposé durant leur formation. Un marché public national sera par ailleurs lancé, portant sur 250 000 formations à distance (Mooc).

Un effort "sans précédent"… pour quel retour sur investissement ?

Bénéficiant de 13,9 milliards d’euros sur les 14,6 milliards d’euros consacrés aux mesures pour l’emploi et la formation, jeunes en situation de décrochage et demandeurs d’emploi faiblement qualifiés concentrent la quasi-totalité des financements fléchés sur l’axe visant à "Edifier une société de compétences".

Ce plan d’investissement représente t–il pour autant un effort sans précédent, ou s’inscrit–il dans la continuité des actions conduites au bénéfice des demandeurs d’emploi sous le précédent quinquennat ?

A titre de comparaison, dans le cadre du "plan 500 000" (formations supplémentaires pour les demandeurs d’emploi), le nombre de demandeurs d’emploi formés en 2016 était de l’ordre de 800 000, soit près de deux fois plus que la tendance observée les années précédentes. L’objectif initial de ce plan était de former au total 1 million de chômeurs.  Ce plan de formations supplémentaires a été prolongé en 2017, portant sur 200 000 formations supplémentaires au bénéfice des personnes en recherche d’emploi. Au total, ce sont donc 700 000 demandeurs d’emploi qui devraient être formés cette année, pour un coût de 900 millions d’euros.

On ne peut nier, au regard de ces chiffres, que l’investissement pour la formation des jeunes en situation de décrochage et des demandeurs d’emploi peu qualifiés et fortement éloignés du marché du travail sera substantiellement renforcé.

Les résultats attendus en termes de retour à l’emploi seront – ils pour autant à la hauteur des financements mobilisés sur cette période ? A ce titre, réagissant à la présentation de ce plan, la Fédération de la formation professionnelle (FFP) n’a pas manqué de rapprocher l’objectif de 300 000 personnes insérées dans l’emploi des 14 milliards d’euros mobilisés sur ces cinq prochaines années. Fidèle à son credo, l’organisation représentative des organismes privés de formation en appelle d’ailleurs à "libérer" le système français de  formation professionnelle pour faire plus et mieux en termes d’accès ou de retour à l’emploi de ceux qui en sont éloignés.

Le Grand plan d’investissement ne dit pas autre chose… en faisant de celui-ci un prélude à la réforme annoncée de la formation professionnelle.

Le plan d’investissement pour l’emploi et la formation professionnelle, prélude à la réforme à venir de la formation professionnelle

Selon le rapport remis par Jean Pisani-Ferry, ce plan d’investissement doit venir en soutien des réformes engagées ou à venir, qu’il s’agisse de la réforme du Code du travail, de la réforme de l’assurance chômage ou de celle de la formation professionnelle.

Le rapport ne manque pas de mentionner d’ailleurs les objectifs que devrait viser la réforme de la formation professionnelle. Ces objectifs reprennent nombre de ceux qui étaient énoncés dans le programme du candidat Emmanuel Macron, à savoir :

  • simplification de l’accès à l’information sur l’offre de formation,
  • développement de l’accès à la formation pour les individus les plus fragiles sur le marché du travail,
  • renforcement des droits individuels à la formation, dans le cadre notamment de la simplification de l’accès au CFP qu’appelle de ses vœux également l’OCDE dans son rapport cité plus haut,
  • amélioration de la qualité de l’offre de formation, appréciée au travers des résultats obtenus (retour à l’emploi, réussite à la qualification, impact en termes de trajectoire professionnelle).
Les partenaires sociaux, invités par la ministre du Travail à ouvrir une négociation interprofessionnelle sur la formation professionnelle, suivront – ils ces orientations ? Réponse dans les prochaines semaines avec la concertation qui va s’ouvrir sur le sujet.