Le coût
de l'organisation
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Eric Abrahamson © Arnaud Février
/ Flammarion | |
« La pétulante Sharon Mann
tient des propos un peu plus substantiels. Ce n'est pas une véritable organisatrice,
mais plutôt une sorte de porte-parole de la marque Pendaflex, spécialiste
du classement, dont elle est venue tenir le stand. Sharon s'est acquis une petite
célébrité dans le monde de l'organisation des bureaux en
présentant, sur le site de Pendaflex, le cent millième membre du
Club des allergiques au classement. En manchette dudit site on peut lire un slogan
affirmant que huit minutes par jour consacrées à l'organisation
entraînent une économie de temps de huit heures par mois. Quand vous
aurez compris le procédé assez transparent qui consiste à
mélanger deux échelles différentes de mesure du temps, vous
obtiendrez une conclusion nettement moins retentissante : dépenser environ
trois heures par mois vous permettra d'en gagner huit.
Voici quelques-unes
des facçons d'employer ces trois heures, en suivant les conseils du site
en question :
"Lorsque
vous aurez classé trente-sept heures de travail en souffrance, vous n'aurez rien
fait d'autre que le dissimuler dans des dossiers au lieu de continuer à l'avoir
sous la main" |
1 Utilisez pour vos dossiers des étiquettes
de couleur et divisez ainsi par deux le temps de classement.
2
Etant donné qu'il reste en moyenne et en permanence trente-sept heures
de travail inachevé sur votre bureau, il vous faut une "solution rangement"
pour cesser de l'encombrer inutilement.
3 Achetez une machine à
imprimer les étiquettes de bonne qualité - par exemple, la LabelWriter
330 Turbo de Dymo. En effet, les utilisateurs de machines trop bon marché
sont 72 % à perdre leur temps en se battant avec des étiquettes
indécollables ou coincées dans les imprimantes.
Reprenons
ces trois points dans l'ordre :
1 Si l'on considère que l'information
fournie par une étiquette de couleur peut l'être aussi par un mot,
le temps maximal que peut vous épargner cette étiquette représente
la différence entre celui dont vous avez besoin pour identifier une couleur
et celui qu'il vous faudrait pour lire le mot en question, une demi-seconde, peut-être,
pour un lecteur très lent. Si vous passez trois heures par jour à
classer des dossiers, ce gain d'une demi-seconde par étiquette consultée
vous épargnera une heure et demie, soit la moitié du temps consacré
à cette tâche, à condition que vous ayez consulté 10.800
étiquettes (une étiquette par seconde), c'est-à-dire que
vous n'ayez rien fait d'autre, durant ce laps de temps, que regarder des étiquettes.
On peut bien sûr envisager des situations où un code couleur permettrait
d'économiser plusieurs minutes d'un seul coup par exemple, s'il fallait
retrouver l'unique étiquette verte dans un océan d'étiquettes
rouges ou si tout le stock de dossiers munis d'une étiquette jaune devait
soudain être consulté. Or le travail de classement exige généralement
qu'on regarde l'étiquette, mais aussi qu'on examine le contenu du dossier,
qu'on s'y intéresse, qu'on le sorte d'un classeur ou qu'on l'y insère,
qu'on aille même jusqu'à créer de nouveaux dossiers... Le
temps épargné grâce aux étiquettes de couleur ne peut
donc être qu'une part infime de celui consacré au classement. Voilà
qui rassurera les 8 % environ de daltoniens que compte la planète !
2
Le conseil semble cette fois destiné à vous épargner trente-sept
heures de travail en débarrassant votre bureau. Certes, les auteurs de
ce livre ne sont pas mathématiciens, mais, lorsque vous aurez classé
trente-sept heures de travail en souffrance, il leur semble pourtant que vous
n'aurez rien fait d'autre que le dissimuler dans des dossiers au lieu de continuer
à l'avoir sous la main, c'est-à-dire sur le plateau de votre bureau.
Sans parler de tout le temps nécessaire au classement proprement dit ni
de celui dépensé dans la recherche et l'achat d'une "solution
rangement".
3 Nos propres recherches indiqueraient que, parmi
les personnes se moquant d'imprimer des étiquettes pour leurs dossiers,
la proportion de celles qui passent ne serait-ce qu'une minute à se battre
avec des étiquettes coincées ou indécollables est égale
à zéro. »
Extrait
de Un peu de désordre = beaucoup de profit(s), Eric Abrahamson et David
H. Freedman, Editions Flammarion, janvier 2008, p.13-14.