Comment le commissaire-priseur peut-il affronter la concurrence des acteurs en ligne du marché de l'art ?

Comme beaucoup d'autres marchés, celui de l'art poursuit sa transformation numérique. Il est notamment touché par l’apparition de sites Internet d’enchères et la dématérialisation des ventes. Une concurrence frontale s’est peu à peu instaurée dans les ventes d’objets, entre les acteurs exerçant en ligne et les acteurs plus traditionnels.

Comment le commissaire-priseur volontaire (CPV), seul "tiers habilité" aux ventes volontaires aux enchères publiques en France peut-il se positionner face à la concurrence ?

Si l’on considère les ventes aux enchères en ligne, il y a les ventes live, soit en simultané avec la salle, retransmises par Drouot Live, Interenchères Live, Invaluable.com, Auction.fr, entre autres, ou bien d’autres "ventes" aux enchères dématérialisées dites on line, avec parfois la possibilité d’examiner l’objet dans un showroom, comme le propose Artprecium, et qui souvent ont une échéance déterminée à l'avance. Et là les CPV en France, seuls habilités pour la vente de biens culturels, peuvent être mis en concurrence lors de l’acte d’achat avec des courtiers en ligne qui, eux, interviennent souvent hors de France, ont une visibilité mondiale et offrent à la "vente" aux enchères tous types de biens. Le commissaire-priseur volontaire, afin d'affirmer son avantage concurrentiel, a intérêt à faire valoir ses qualités de mandataire "officiel" au moment de la transaction, ce qui confère des droits et obligations, et notamment pour l'acquéreur des garanties.

Si l’on considère l’estimation des objets, tous les acteurs ou presque du marché de l'art en ligne proposent ce service gratuitement afin de capter la "clientèle" la plus large possible de vendeurs, mettant souvent en avant, comme Catawiki ou Expertissim, la qualité de leurs experts, capables de proposer une estimation fiable, facteur-clé de succès lors de la transaction à distance. Ici le commissaire-priseur - comme l’expert - engage sa responsabilité et se retrouve de fait en concurrence sur certaines plateformes de vente en ligne. Mais ses attributions de l'objet sont garanties, et la fiabilité de ses fourchettes d’estimation (évaluation basse et haute du prix d'une œuvre réalisée par une personne agréée), comme le rapport d’état (condition report) de l'objet, sont un avantage concurrentiel à mettre en avant !

Si l’on considère les ventes de gré à gré et à prix fixes, il peut y avoir, au moment de la décision d’achat de l’objet d’art ou de collection, des arbitrages à faire par l’acheteur car de nombreux sites initiés par des galeries et autres marchands d’art, proposent un service de vente à prix fixe ! En revanche si l’on considère les after sale, soit la vente des lots invendus après une vente aux enchères, des acteurs du marché de l'art en ligne agréés par le CVV, comme le site AuctionAfterSale, qui assiste au mieux les maisons de vente en proposant l’objet à la vente en ligne pendant 10 jours et en faisant la collecte des offres de prix qu’il transmet au CPV, peuvent intervenir, sans se substituer aux OVV. Car en France la réglementation précise que le mandat de vente reste chez l‘OVV, seul mandataire habilité à déboucler la transaction, du fait que le CPV est le seul à connaître l’éventuel prix de réserve souhaité par le vendeur (qui est toujours inférieur ou égal à l’estimation basse proposée lors de la vente aux enchères - à ne pas confondre avec la mise à prix librement fixée par le commissaire-priseur au début des enchères, volontairement basse afin d’attirer les enchérisseurs). 

Aussi si certaines compétences et prérogatives du métier de commissaire-priseur sont directement concurrencées en France, ce sont néanmoins celles-ci que le commissaire-priseur volontaire doit valoriser comme proposition de valeur, tout en insistant sur sa promesse de tiers de confiance agréé par le CVV, et ce notamment lors du sourcing d’objets, les estimations et authentifications avec offre de garanties, et enfin l’organisation en tant que telle de la vente aux enchères publiques...

Extrait d'une étude réalisée pour une intervention auprès des Jeunes Commissaires-Priseurs, organisée par le SYMEV le 6 juillet 2016, sur le thème "le commissaire-priseur de ventes volontaires : enjeux de la loi Macron et Valeur ajoutée d’une profession".
 
Notes

*CPV : Commissaire-Priseur non judiciaire qui officie dans une SVV ( société de ventes volontaires) et est habilité par le CVV (Conseil des Ventes Volontaires) pour organier des ventes aux enchères publiques de biens meubles en France
*OVV : Les opérateurs de ventes volontaires sont des personnes physiques ou morales autorisées à organiser et à diriger les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Ces opérateurs peuvent prendre la forme de sociétés  commerciales (S.A.R.L., S.A., S.A.S. par exemple), sans que cela soit une obligation, un OVV pouvant exercer à titre individuel. L’OVV doit se déclarer préalablement au Conseil des ventes avant d’organiser des ventes. Cette déclaration est soumise à certaines conditions dont notamment le fait de compter parmi leurs dirigeants, leurs associés ou leurs salariés au moins un Commissaire-Priseur habilité*. L’OVV est soumis à la régulation du Conseil des ventes.

*CVV :  Le Conseil des ventes (CVV) a été créé en 2000 et est qualifié d’autorité de régulation du secteur par la loi du 20 juillet 2011. C’est un établissement d’utilité publique qui veille au respect de la réglementation et est doté d’un pouvoir disciplinaire sur les opérateurs. Il accompagne la libéralisation du secteur dans un cadre juridique modernisé assurant une meilleure protection des vendeurs et acheteurs.
* Quelques promesses d'acteurs du Marché de l’Art en ligne : 
- Auction.fr propose une visibilité des catalogues auprès d’une audience qualifiée, composée de collectionneurs et d’amateurs d'art de 42 pays du monde (600 000 visites/mois).

- Barnebys' s’annonce le plus puissant moteur de recherche d’objets d’art et cela rentre en ligne de compte de façon discriminante dans le référencement *des objets recherchés afin d’attirer une demande élargie, et offre un accès libre, gratuit, et un contenu disponible en cinq langues. En redirigeant le trafic directement sur le site des maisons partenaires, Barneby's promet une indépendance qui permet aux maisons de gérer elles-mêmes les relations avec leurs clients. Et Barneby's n’intervient jamais dans le processus d’achat.

- Invaluable s’affiche comme l’un des acteurs de e-commerce dont la croissance est la plus rapide dans le monde de l’art et comme le leader mondial de place de marché en ligne pour les beaux arts, antiquités et objets de collection

- Auctionata annonce être la maison de vente en ligne leader mondial pour les objets d’art et de collection ;  c’est l’inventeur du service de live streaming soit la retransmission de vente en direct avec possibilité pour les enrichisseurs partout dans le monde d’intervenir en temps réel.

- Paddle8 qui vient de fusionner avec Auctionata, se dit quant à elle la maison de vente aux enchères pour le collectionneur du 21eme siècle

- Art Viatic se positionne comme plateforme d'achat et de vente privée d'œuvres d'exception (rien à moins de 150 000 $) et comme une solution simple, efficace, précise, accessible, personnalisée, transparente, sûre et équitable !

- AuctionAfterSale propose "d'Accéde(r) aux invendus des ventes aux enchères du monde entier..., de Chine(r) des milliers de nouveaux lots chaque jour, de transmettre aux CP les offres faites en vue d'Achete(r) en toute sécurité des lots authentifiés par les commissaires-priseurs"


- ArtAndOnly propose des sélections d’objets curatés à prix fixes et met en avant le fait  qu’il ne demande aucune commission aux vendeurs.

* Un guide est édité par Achetez de l’Art, sorte de tripadvisor du Marché de l’Art en ligne, qui propose une sélection de sites (37 à ce jour) classés selon les avis et notes des utilisateurs/acheteurs.       

*Loi n° 2011-850 du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques 
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024381671&categorieLien=id *Ventes aux enchères et courtage en ligne : La nouvelle définition (2011) de l'activité de courtage aux enchères en ligne est plus précise. La loi dispose désormais que : "les opérations de courtage aux enchères réalisées à distance par voie électronique, se caractérisant par l'absence d'adjudication au mieux-disant des enchérisseurs et d'intervention d'un tiers dans la description du bien et la conclusion de la vente, ne constituent pas une vente aux enchères publiques au sens du présent chapitre."