Faut-il troquer ses bitcoins contre d'autres crypto-monnaies ?

Faut-il troquer ses bitcoins contre d'autres crypto-monnaies ? La valeur de la monnaie électronique star n'en finit pas de grimper. Faut-il quitter le navire avant qu'il prenne l'eau et, si oui, dans quel rafiot sauter ?

Le cours du bitcoin n'a pas doublé depuis le début de l'année. Il n'a pas non plus triplé, quadruplé, quintuplé, sextuplé ni même septuplé mais octuplé et dépasse désormais les 10 000 dollars. A l'image des capitaux, les questions se bousculent : faut-il voir dans cette évolution un risque de bulle ? Si oui, faut-il craindre une explosion imminente ? Et dans ce cas, faut-il se débarrasser de ses bitcoins et se rabattre sur d'autres crypto-monnaies ? S'il se refuse à parler de bulle – "On n'a pas encore d'idée de la valeur réelle de l'actif bitcoin avant un bon moment, vu que beaucoup développements n'ont pas encore été implémentés, comme la possibilité d'avoir des smart-contracts sur bitcoin", justifie-t-il – Karim Sabba, cofondateur de l'Association Française pour la Gestion des Cybermonnaies (AFGC), concède qu'une correction "massive, peut-être de l'ordre de 20 à 30%", est susceptible d'advenir.

 

Que le navire prenne l'eau ou pas, un peu de diversification ne peut pas faire de mal. "Encore faut-il comprendre ce qui sous-tend les autres crypto-monnaies, ce qui n'est généralement pas le cas", déplore Gonzague Grandval, cofondateur de la plateforme d'échanges Paymium et, plus récemment, de Chainforge. Rien que dans le top 15 des crypto-monnaies en termes de capitalisation boursière, les blockchains ne travaillent pas toutes sur les mêmes thématiques. Si Bitcoin propose un réseau de transactions et une monnaie, d'autres, comme Ethereum ou Nem, veulent offrir la possibilité de programmer des contrats qui s'exécutent automatiquement sur la blockchain dès lors que les conditions d'exécution sont réunies. D'autres, encore, ont été lancées pour pallier le manque de confidentialité reproché à bitcoin. C'est notamment le cas de Monero qui utilise une technologie d'anonymisation à base de clés à usage unique pour les paiements individuels, rendant les transactions difficilement traçables. Nem est aussi positionnée sur ce créneau.

"Diversifier dans les différentes thématiques sur lesquelles travaillent les blockchains présentes au top 15 des crypto-monnaies peut être intéressant"

Autant de thématiques que Karim Sabba conseille d'avoir dans son portefeuille. "Les projets présents dans le haut du panier des capitalisations boursières sont relativement éprouvés, backés par des investisseurs ou institutions très sérieuses sur lesquels on peut se placer". Avant de nuancer : "A l'exception de Tether et Bitconnect, sur lesquels planent des soupçons de fraude. Ces projets-là, qui sont d'ailleurs sortis du top 20, je ne les mettrais pas dans mon portefeuille".

Les plus aventureux – à condition, une fois de plus, de s'y connaître suffisamment en blockchains et crypto-monnaies, ou de disposer du temps nécessaire pour parfaire ses connaissances – peuvent descendre vers le top 50, voire le top 100 des capitalisations boursières. "Mais il faut garder à l'esprit que la création de valeur n'est pas garantie", enjoint Karim Sabba, qui compare volontiers les projets présents dans cette strate à des start-up. Sur quels critères choisir de miser sur les uns plutôt que les autres ? "Il faut bien sûr regarder la composition des équipes qui les portent et éviter les marchés de niche. La décentralisation de la puissance de calcul, par exemple, est un énorme sujet sur lequel travaille notamment Golem. Globalement, il peut y avoir des choses intéressantes dans les projets où on trouve des applications de la blockchain à des thématiques qui n'ont pas encore été travaillées."

"Mieux vaut éviter les projets positionnés sur des marchés de niche"

Ceux qui voudraient adopter une attitude de spéculateur court-termiste ont quant à eux intérêt à piocher parmi les valorisations les plus faibles pour espérer réaliser une culbute digne de ce nom. "Mais ce sont des paris compliqués à faire", prévient Gonzague Grandval. Surtout, pour Karim Sabba, ce n'est pas le comportement à adopter vis-à-vis des crypto-monnaies : "Ce n'est pas ce que mes associés et moi-même faisons avec le portefeuille que nous gérons. Je ne le fais pas non plus à titre personnel. Plus on se renseigne, plus on a confiance dans ces technologies et dans ce qu'elles peuvent apporter".  

Ce n'est pas le cas de tout le monde. Nombreux sont les spécialistes à considérer que la hype actuelle sur les crypto-monnaies fait écho à la Tulipomanie qui a sévi au 17e siècle et à penser qu'il y a là davantage matière à spéculer qu'à révolutionner toutes les strates de l'économie. Warren Buffett, Jamie Dimon, le patron de JPMorgan, ou Ben Bernanke, l'ancien président de la Fed, pour ne citer que quelques noms, font partie des crypto-sceptiques.

"Bitcoin reste la crypto-monnaie la moins spéculative et la plus liquide"

Au cabinet de conseil en gestion de patrimoine Herez, on ne partage pas l'avis de ces grands noms de la finance, comme l'explique le président Patrick Ganansia : "Notre conviction, c'est que ce sont des monnaies qui, demain, compteront énormément dans les activités commerciales, donc nous tenons à ce que nos clients profitent de l'évolution et de l'introduction de ces monnaies dans l'économie". Il les encourage donc à se positionner sur ces sujets mais pas n'importe comment. "Cela ne doit pas représenter plus de 2% de leur patrimoine financier, ce qui engage déjà des montants considérables". Sur le choix des crypto-monnaies aussi, le professionnel du conseil financier a des idées bien arrêtées : "Je préfère prendre la moins spéculative a priori, c'est-à-dire le bitcoin. C'est aussi la plus liquide et les différents véhicules d'investissement qui existent sont plus nombreux sur le bitcoin que sur les autres monnaies".

"On assiste à un début d'institutionnalisation de la classe d'actifs", commente Karim Sabba. Le Chicago mercantile exchange (CME), l'un des deux principaux marchés à terme américain, devrait en effet coter des contrats futures sur le bitcoin début décembre 2017. "Cela veut dire que, probablement d'autres projets de contrats futures seront lancés par des institutions américaines sur les autres crypto-monnaies, notamment Ethereum, vu les volumes de transactions", anticipe le cofondateur de l'AFGC.

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