27/09/01
L'économie
du Libre pas encore aussi mûre que son mode de développement
Les logiciels libres se sont
constitués, tirant profit de l'explosion de l'Internet,
autour d'un modèle de développement qui, de plus en plus,
s'accompagne d'un modèle économique basé sur l'offre de
services (intégration, support, formation
). L'examen
de ce double modèle a fait l'objet, lors du forum organisé
par Benchmark Group (éditeur du Journal du Net)
en partenariat avec Alcôve, de l'essentiel des débats
de l'après-midi (voir
aussi notre compte-rendu de la matinée) : les pratiques
collaboratives, les prestations associées, mais aussi
leurs enjeux (financiers, juridiques et de sécurité) ont
ainsi été mis en avant.
De
l'efficacité dans le développement collaboratif
Dixit Christophe Le Bars, directeur technique d'Alcôve,
les principaux atouts du logiciel libres sont la qualité
des outils (en particulier leur faible nombre de bogues),
la sécurité, la pérennité et l'interopérabilité. Les raisons
? Essentiellement la démarche sous-jacente à l'élaboration
des projets : participation volontaire des contributeurs,
motivés par le souci de répondre à un besoin bien identifié
; utilisation intensive d'Internet et des outils collaboratifs
que sont CVS, Bugzilla, ou des plates-formes comme Sourceforge
et Savannah ; communication en anglais, etc. Face à la
multiplicité des projets, et leur éventuelle mise en concurrence,
Christophe Le Bars, établissant un parallélisme avec les
théories darwiniennes, parle de "sélection naturelle"
autour des critères que sont la qualité et la sécurité.
Un point de vue d'où se dégage l'idée d'un réel apport
du logiciel libre dans le domaine du développement collaboratif,
dont bénéficient aujourd'hui les entreprises en termes
de méthode (et qui, en retour, supportent ou initient
de plus en plus les projets libres).
La viabilité des projets libres passe par les services
Comme le note Jean-Noël de Galzain, PDG de la web agency
opensource Aurora,
"les services disponibles dans le monde du logiciel libre
sont globalement assez proches [des services du monde
"propriétaire"], à savoir le conseil - audit, analyse
fonctionnelle, architecture -, le développement d'applications
ou de solutions, enfin la formation et le support (technique
et utilisateur) ou encore la maintenance". David Lacan,
de Linux@Business, précise " le besoin se trouve au niveau
de la fourniture de solutions plutôt que de la fourniture
de main-d'uvre". Mais si aujourd'hui 82% des utilisateurs
de logiciels libres en France font appel à des prestataires,
l'expertise en matière de logiciel libre, encore rare,
est amenée à se développer, et les sociétés de services,
jeunes pour la plupart, subiront sans doute de plus en
plus de concurrence.
Des spécificités qui soulèvent certaines interrogations
Les questions en suspens sont d'abord financières : le
modèle économique du logiciel libre est-il viable ? On
ne peut pas ne pas avoir en tête les difficultés de sociétés
comme VA Linux (qui édite Sourceforge), SuSE (éditeur
d'une distribution Linux) ou Ximian (qui maintient le
projet GNOME) mais il est encore trop tôt pour savoir
si le modèle lui-même est en cause, ou si l'on observe
là des conséquences de la crise globale du secteur high-tech.
Les questions sont ensuite de nature juridique : si les
logiciels libres peuvent comporter, de par leurs licences,
certains risques, notamment pour l'entreprise utilisant
un logiciel libre contrefaisant un logiciel existant,
ils ne constituent aucunement, comme l'a rappelé Isabelle
Renard, avocate associée chez Andersen Legal, une atteinte
aux principes des droits d'auteur.
Enfin, les questions concernent la sécurité des systèmes
libres : leur modèle ouvert ne favorise t-il pas les trous
de sécurité (backdoor). Sur ce point, intégrateurs, comme
Hugues Obolonsky d'OpenCare, et utilisateurs, comme Daniel
Viñar de Siticom, sont d'accord : les outils libres, par
leur mode de développement, sont au contraire plus sûrs
que leurs homologues propriétaires : les failles sont
plus facilement détectées, et les correctifs appropriés
publiés très rapidement. Les logiciels libres ont donc
une grande partie de leurs signaux dans le vert : leur
pérennité semble acquise, et leur apport au développement
de projets tangible. Malgré ces réussites, la croissance
des sociétés commerciales qui se sont bâties autour d'eux
apparaît, sinon incertaine, du moins freinée. Reste à
savoir si ce constat correspond à une réalité conjoncturelle
ou structurelle.
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