14/11/01
"Mon
principal souci en tant qu'utilisateur est la prévisibilité
de mes coûts"
Malgré
une tentative de rénovation, les modèles
de licences d'Oracle
ne satisfont pas vraiment les utilisateurs. Sur ce sujet,
nous avons interrogé Didier Lambert, président
de l'AUFO (Association des utilisateurs français
d'Oracle) et directeur des systèmes d'information
(DSI) d'Essilor. Un témoignage d'utilisateur
donc qui prolonge notre enquête sur les licences
logicielles.
Lire
notre article sur le modèle de licences d'Oracle
L'AUFO
est une association sous l'égide de la Loi
1901, qui regroupe aujourd'hui quelque 500 sociétés
françaises utilisatrices d'Oracle. Son objectif
est de faciliter le partage d'expérience entre
utilisateurs. Mais aussi, dans la mesure du possible,
faire remonter "les besoins et les souhaits",
dixit Didier Lambert, des utilisateurs vers le siège
d'Oracle aux Etats-Unis. Un seul chiffre montre assez
clairement les limites de cette démarche : la
France constitue environ 5 % du marché international
de l'éditeur, autant dire une goutte d'eau quand
il s'agit de faire prendre en compte un cahier de doléances.
Sauf si ces récriminations s'aggrègent
à d'autres, issues de différents points
du globe...
Lorsqu'en mai
2000, Oracle a décidé d'abandonner son
ancien modèle de licences pour adopter une politique
de tarification en fonction de la puissance des processeurs,
l'éditeur s'est heurté à une violente
levée de boucliers de la part des utilisateurs.
Le club des utilisateurs américains d'Oracle
notamment, soutenu par de nombreux autres clubs outre-Atlantique,
a pesé de tout son poids pour obliger l'éditeur
à revenir sur sa décision. Résultat
: un an à peine après l'annonce de son
projet, Oracle a du faire marche arrière et trouver
un compromis, qui s'est soldé par l'adoption
d'un principe de licences calculées par rapport
au nombre - et non plus à la puissance - des
processeurs installés.
Un système
tarifaire doublement coûteux
Le système qu'Oracle a maladroitement
tenté d'imposer à ses utilisateurs comportait
deux conséquences majeures inacceptables pour
les entreprises, ainsi que l'explique le président
de l'AUFO. "En vertu de la loi de Moore
qui veut que la puissance des processeurs double tous
les 18 mois environ, nous nous retrouvions face à
une croissance exponentielle de nos dépenses
parfaitement insupportable". "Par ailleurs,
renchérit Didier Lambert, sur certaines machines,
il est parfaitement impossible de savoir quelle puissance
est spécifiquement attribuée à
tel ou tel type d'application". En conséquence,
pour satisfaire aux exigences d'Oracle, nombre d'entreprises
auraient du modifier l'architecture de leur système
d'information et adopter des serveurs dédiés,
enregistrant un nouveau surcoût, sans bénéficier
d'aucune contrepartie en retour.
Lorque nous demandons au président de l'AUFO
ce qu'il pense des licences temporaires instituées
par Oracle - et par exemple de la licence de quatre
ans - sa réponse est mitigée. "Les
60 % annoncés sont à relativiser,
notamment pour les grandes entreprises. Avec un contrat
de maintenance de 22 % par an en sus de ce taux,
on atteint presque le niveau d'une licence perpétuelle
au bout de seulement cinq ans", regrette Didier
Lambert qui utilise chez
Essilor France plus
de 500 licences pour la partie SGBD (Systèmes
de gestion de bases de données) de l'offre d'Oracle
.
800
patchs à appliquer pour Oracle Applications 11
Cependant, le problème
du coût en lui-même ne semble pas être
le reproche principal adressé à Oracle
ou aux éditeurs de logiciels considérés
plus généralement. "Ma problématique
centrale en tant qu'utilisateur est la prévisibilité
de mes coûts, et rien ne peut être envisagé
à cet égard tant que les éditeurs
ne garantiront pas des modèles tarifaires suivis
dans le temps", explique Didier Lambert. Un changement
sur lequel notre interlocuteur émet de lourdes
hypothèques : "poussés par des modèles
d'affaires et des obligations de croissance de plus
en plus délirantes, les éditeurs accélérent
le cycle d'obsolescence de leurs produits et lancent
sur le marché des logiciels qui ne sont pas mûrs.
Nous venons de recevoir 800 correctifs pour Oracle
Applications 11, que nous sommes en train de mettre
en place dans notre division US !", s'emporte le
DSI d'Essilor. "Si cela continue, il faudra songer
à développer nous-mêmes nos solutions"...
Quant à croire que la concurrence puisse constituer
un argument de pression pour les utilisateurs mécontents,
Didier Lambert écarte l'idée. "Le
ticket de sortie dans le cas des grandes entreprises
est tellement élevé qu'il est difficile
de faire jouer la concurrence dans le secteur des applications.
Ce qui est vrai pour de nouveaux projets ne l'est plus
dès lors que vous avez un historique long avec
un éditeur de logiciels, et c'est pourquoi les
clubs d'utilisateurs sont importants". Lobbying
contre "pratiques tarifaires unilatérales"
pour reprendre les mots du président du Cigref
:il y a quelques semaines, le combat s'annonce serré.
Note:
Le titre de cet article a été modifié
le 15 novembre 2001
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