L'intérêt de créer un club utilisateurs n'est plus à démontrer pour un éditeur. Par des rencontres fréquentes avec les sociétés ayant choisi ses solutions, l'éditeur peut diffuser dans des conditions privilégiées certains de ses messages et prouver son expertise. Il peut aussi proposer, le cas échéant, des tarifs préférentiels pour l'adoption de nouveaux modules, mais surtout rester en contact étroit avec le terrain.
Il est ainsi
en mesure de faire plus facilement remonter des dysfonctionnements, analyser les demandes d'évolution de ses clients et par là-même anticiper les fonctionnalités qu'il doit développer en priorité, ce qui contribue à fidéliser sa clientèle et - cercle vertueux oblige - convaincre ses prospects de le préférer à la concurrence.
Créé au début des années 1980, le club utilisateur "Club IDMS" a réuni dès le début les utilisateurs du SGBD IDMS en France, avant que Computer Associates ne rachète le produit en
1988. Au moment de ce rachat, il a joué un rôle déterminant : "avant que la transaction ne se fasse, le club a eu un rôle important de discussion sur les plans de développement. Nous avons eu des discussions très fréquentes, le logiciel étant stratégique pour les clients puisque c'est sur lui que reposaient leurs données", déclare Philippe Delaval, directeur des relations publiques chez CA.
Chez SAP, le club fonctionne avec 16 commissions qui se réunissent une fois par trimestre. Les thèmes traités sont liés à l'automobile, à la BI, à la gestion du cycle de vie des produits, à la gestion financière... Des thèmes régionaux sont également abordés, ainsi que la gouvernance et les services publics. Une commission pour les PME est en cours d'élaboration. Entre chaque commission, des groupes de travail de 20 à 80 personnes se réunissent.
Obtenir de l'information stratégique, c'est aussi et surtout à cela que servent les clubs |
"Un deuxième cercle de réflexion stratégique a été créé à notre initiative, pour mettre en avant et valoriser le groupe utilisateurs, à destination des directions opérationnelles et fonctionnelles. Ce sont les directeurs qui y viennent, on ne leur parle pas de technologie mais d'organisation, de méthodes. Nous favorisons les retours d'expérience entre eux, nous les aidons à connaître les best practices de leur domaine et nous leur fournissons de l'information stratégique et non stratégique", précise Gilles Lambret, responsable du développement chez SAP.
Obtenir de l'information stratégique, c'est aussi et surtout à cela que servent les clubs utilisateurs, mais pas toujours en provenance de la bouche de l'éditeur. "Pour les clients, obtenir de l'information non officielle, venant de l'utilisateur, fait partie des avantages du club. Sur des sujets techniques, l'avis de celui qui a mis en place la solution est plus important que celui du vendeur. Les échanges, les commentaires d'actualité, voilà ce qui intéresse les clients. C'est un relais vis-à-vis de l'éditeur, une voix unifiée, pour soulever des problèmes sur la hot line ou les prix", note Eric Sarzana, secrétaire du CUP, le club utilisateurs de Progress Software.
Quelques exemples de
clubs utilisateurs
présents en France
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Editeur
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Membres
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Création
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Fréquence, avantages, méthodes...
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Business Objects
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150
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1993
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Séminaires techniques et 4 journées de travail dans l'année, auxquelles les non-adhérents peuvent participer. Des réunions de travail en province sont en préparation.
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Cartesis
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150
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2000
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Assemblée plénière 2 fois par an (une fois au niveau français, une fois à l'international) + le Bureau (10 à 15 membres) qui s'implique dans la stratégie de l'entreprise (réunions 3 fois par an).
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Cognos
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170
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1987
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Ateliers techniques et réunions générales 2 fois par an.
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Computer Associates (AUI)
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40
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1980
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Réunions 1 fois par trimestre et en assemblée
générale plénière 1 fois par an.
Intervention d'experts, échanges d'expérience. Le président du club participe tous les ans à la
CARE Conférence aux USA, qui fédère l'ensemble des
clubs utilisateurs de CA.
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Informatica
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60
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2003
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Réunion 1 fois par trimestre. Participation gratuite pour les membres et participation au PEP (product enhancement program).
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Jobpartners
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150
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2003
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Réunions semestrielles (demi-journée ou journée) avec témoignages de clients, présentation des nouvelles fonctionnalités, témoignage de partenaires et ateliers pratiques.
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Legisway
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200
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2001
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Se réunit annuellement. Remises sur les derniers modules sortis, forfaits pour de nouveaux paramétrages... Partage d'expérience.
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Linedata Services (Chorus)
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50
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1995
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Le club des utilisateurs de la solution Chorus se réunit 3 fois par an. 8 ateliers, lors de chaque forum, sont dédiés à des utilisateurs ciblés sur des thématiques plus pointues.
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Microsoft
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57 000
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2003
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Outre ses communautés d'utilisateurs, très actives en ligne, Microsoft développe depuis 2003 des services destinés aux groupes d'utilisateurs déjà formés (clubs informatiques de grandes entreprises, regroupements informels, associations de spécialistes centrées sur une solution Microsoft précise...). En plus des newsgroups, Microsoft leur propose des espaces de portail dédiés, des journées de rencontre dans ses locaux, un soutien logistique au cas par cas et des rencontres en face à face.
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Oracle
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406
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1994
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Plusieurs commission par mois, sur des thèmes variés (e-Procurement, outils de développement, gestion de données techniques...).
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Progress Software
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50
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1993
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Réunion 1 fois par an et 1 à 2 séminaires technologiques
par an. Réductions lors des inscription à la
conférence annuelle. Publication d'un journal trimestriel.
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SAP
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1 300
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1989
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16 commissions, 1 fois par trimestre (automobile, BI, PLM, gestion financière, RH...) + 3 cercles de réflexion stratégique (automotive, retail, supply chain) : 1 réunion par trimestre, suivie d'un dîner.
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SAS
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1 000
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1983
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Le club se réunit 1 fois par an mais a
parfois 1 à 2 réunions plus petites en cours d'année.
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Staff & Line (AMI)
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60
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1997
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Une dizaine de tables rondes métier par an, groupes de travail sur l'évolution des fonctionnalités, forum de discussion.
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SynerDeal
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56
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2004
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Réunions trimestrielles. Echanges d'expérience et de meilleures pratiques achats, présentation des évolutions de la solution en exclusivité,
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Editeur
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Membres
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Création
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Fréquence, avantages, méthodes...
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Un exemple concret ? Il y a 5 ans, lorsque la hot line de Progress a été centralisée au niveau européen, quittant de ce fait la France, les clients n'ont pas tardé à réagir. "Une lettre a été envoyée et il y a eu réunion du bureau. Ils ont réagi en nous envoyant le responsable de la hot line francophone qui nous a expliqué les difficultés qu'il avait rencontrées. Six mois après, les choses allaient mieux", explique Eric Sarzana.
En termes de prix, en revanche, c'est plus difficile de faire changer les choses, au niveau de la direction européenne. "Tout est très centralisé aux Etats-Unis, l'Europe applique
les directives. Nous n'arrivons pas à les faire changer de politique. Mais les directions pays sont toujours assez inventives pour des cas particuliers", précise Eric Sarzana.
Alors, contre pouvoir, le club utilisateurs ? "C'est pour les utilisateurs une manière de mutualiser une information, de fédérer des demandes, d'avoir un dialogue plus rapide avec l'éditeur, plus représentatif de la synthèse des souhaits et des besoins des utilisateurs", affirme Philippe Delaval (CA). "Les clients nous fixent leurs priorités, nous réalisons des travaux en priorité en fonction, et nous travaillons
à l'amélioration du support au sein d'un groupe commun entre les clients et SAP", témoigne
Gilles Lambret (SAP).
L'indépendance du club illustre la maturité avec laquelle un éditeur travaille avec ses clients |
Mais pour qu'un club utilisateurs fonctionne au mieux, encore faut-il lui donner des conditions d'existence qui répondent à un certain nombre de critères, au premier rang desquels figure l'indépendance. "Notre club est une association loi 1901, complètement indépendante de Progress, financée par les cotisations des membres", note Eric Sarzana (CUP).
"Nous fonctionnons grâce aux cotisations de nos membres, nous sommes complètement indépendants de Business Objects, pour éviter les quiproquos marketing", ajoute Emmanuel Libaudière, délégué général
du club utilisateurs de Business Objects.
Cet éditeur a choisi une formule particulière pour faire vivre son club : déléguer sa partie opérationnelle à un prestataire, en l'occurrence Mar-Tech & Finance. "Pour bien faire vivre un club, il faut une délégation générale, le bénévolat ne marche que difficilement. Cela assure également une complète indépendance, ce qui illustre la maturité avec laquelle un éditeur travaille avec ses clients", note Emmanuel Libaudière.
Le club utilisateurs d'Oracle (Association des Utilisateurs Français d'Oracle / AUFO) est lui aussi géré par une entreprise extérieure qui en assure la délégation générale.
Enfin, derniers secrets pour assurer une bonne animation d'un club utilisateur :
"les clés d'une bonne animation d'une communauté sont de proposer une relation personnalisée au cas par cas avec l'éditeur, de favoriser l'esprit d'entraide et le partage des connaissances et de prendre en compte les demandes d'améliorations et/ou de corrections de nos produits ou de nos modes de licences", conclut Joel Chaudy, responsable des relations avec les communautés techniques Microsoft France. |