Guy Mamou-Mani (Syntec Informatique ) "Pour les SSII, la suppression de la taxe professionnelle est un scandale"

Fraichement nommé à la tête de Syntec Informatique, le co-président de Groupe Open compte insuffler une nouvelle dynamique à la chambre syndicale. Il souhaite l'ouvrir aux secteurs du e-commerce et des télécoms.

JDN Solutions. Quel est le bilan de santé de vos adhérents ?

Guy Mamou-Mani. Les entreprises du secteur informatique, comme de très nombreuses dans bien d'autres secteurs, ont subi une véritable crise au cours de l'année 2009. 2010 se présente sous de meilleures auspices, mais on est loin encore de l'euphorie. Cela étant, on est aussi loin de la tempête de 2002 à l'époque de l'explosion de la bulle Internet. La situation aurait pu être pire encore.

Il n'en reste pas moins que le phénomène de crise a accentué les problèmes structurels de notre métier et l'effet de ciseau dans lequel nos SSII se trouvent. Elles sont en effet prises en étau entre la pression sur les prix d'une part avec la percée des enchères inversées, le durcissement des clauses contractuelles avec les clients, et d'autre part des coûts de plus en plus élevés et des contraintes externes de plus en plus fortes, au travers notamment du scandale de l'arrêt de la taxe professionnelle.

En quoi la suppression de la taxe professionnelle pose-t-elle un problème dans la mesure où son remplacement est assuré par une contribution sur la valeur ajoutée ?

Je n'ai pas peur de me battre pour défendre une refonte qui apparait totalement injuste et met les entreprises du secteur IT au devant de graves difficultés. Sur la question de l'arrêt de la taxe professionnelle, il y a un véritable malentendu. Si de nombreuses voix s'élèvent pour considérer que cette annulation constitue un progrès, elle sacrifie en réalité la croissance de nombreuses entreprises de notre secteur.

Certaines se retrouvent ainsi avec des augmentations considérables de leurs coûts, en moyenne de l'ordre de 20% mais qui peut atteindre dans certains cas les 100% voire 200%. Je ne crois pas du tout que son remplacement par une contribution sur la valeur ajoutée aille dans le bon sens. C'est pourquoi nous comptons mener une action auprès des pouvoirs publics pour faire entendre notre position et rappeler que ce sont nos entreprises qui créent des emplois qui sont pénalisées, et donc qu'il est urgent d'agir.

Quels sont vos leviers d'action pour 2010 ?

L'un des chantiers auquel on va s'atteler est celui lié à la problématique de croissance rencontrée par nos nombreuses entreprises. Prenons le cas des éditeurs par exemple avec le Truffle 100. Exceptés Dassault Systèmes et Cegid, rares sont les éditeurs français à dépasser les 20 millions d'euros de chiffre d'affaires. Ce n'est pas normal. Il faut que l'on arrive à briser ce plafond de verre d'une faible croissance pour trouver notre place parmi les grands acteurs mondiaux du logiciel.  

"Il faut que l'on arrive à briser ce plafond de verre d'une faible croissance de nos entreprises IT"

Pour cela, il est indispensable de s'appuyer sur les actions de l'Oseo pour leur permettre de trouver des voies de développement, mais aussi pousser nos entreprises à innover encore plus.

Nous avons également un projet de création d'un Syntec Numérique qui transcenderait le Syntec Informatique. Pour cela, on continuerait non seulement à représenter les SSII, éditeurs, cabinets de conseil et intégrateurs spécialisés, mais aussi de nouvelles professions comme la mobilité, l'e-commerce et les télécoms. Ce que nous souhaitions faire c'est créer un grand rassemblement pour peser davantage dans l'espace public et faire entendre notre voix.

Le passage de témoin avec Jean Mounet s'est-il inscrit dans un climat de rupture ou de changement dans la continuité ?

Jean Mounet ne trouverait rien à redire sur l'ensemble des idées et projets actuels du Syntec Informatique, et mon programme n'est en aucun cas en rupture avec celui qui a été mené jusqu'à présent, contrairement à ce que j'ai pu lire ci et là dans la presse. Bien entendu, nous avons chacun notre propre style d'expression, même si je souhaite insuffler une nouvelle énergie au Syntec. Sur le fond, le consensus est total avec mon prédécesseur, sachant que l'ensemble des administrateurs de Syntec Informatique ont bien validé ma candidature.

Avez-vous des appréhensions particulières quant au mandat qu'ils vous ont confié ?

Vous savez, mon élection remonte à la semaine dernière et tout reste à faire. Je ne vais pas laisser la profession se dégrader et attendre que la situation se décante. Si j'ai décidé de sacrifier une partie de mon temps pour l'intérêt général, c'est que je pense que ces sujets sont cruciaux pour l'avenir de notre industrie. Il y a de nombreuses choses que je compte mettre sur le tapis là où d'autres les auraient mis dessous.

"Je ne vois rien dans les propositions de l'Afdel qui soit incompatible avec la vision du Syntec"

Commment comptez-vous vous y prendre pour réchauffer vos relations avec l'Afdel ?

J'ai la chance d'être tout neuf et d'être un homme qui connaît bien à la fois les mondes de l'édition et des SSII de toutes tailles. Je me projette dans l'avenir, et je crois bien que mon élection est à mettre au crédit de cet ensemble de paramètres. Toutes les conditions sont donc réunies pour préparer le futur, aux côtés de l'Afdel, mais aussi d'autres associations.

D'ailleurs, je ne vois rien dans les propositions de l'Afdel qui soit incompatible avec la vision du Syntec. Je ne cherche pas à exhumer les divergences du passé mais plutôt à construire un projet cohérent dans le temps, qui soit fédérateur, et dans lequel chaque adhérent puisse se retrouver. Nous allons dans les mois qui viennent organiser de nouveaux Collèges afin d'améliorer la représentativité des métiers au sein du Syntec Informatique, en particulier celle des éditeurs.

La retraite à 62 ans est-elle une bonne nouvelle pour les informaticiens ?

C'est une question qu'il faut leur poser ! Nos entreprises montrent qu'elles sont très actives et exemplaires sur bien des points en matière de responsabilité sociétale, de diversité, de processus de gestion des CV anonymes...  

Je ne pense pas que la population des informaticiens soit la plus touchée par l'élévation de l'âge de la retraite même si pour autant nos métiers ne sont jamais faciles. La mobilisation n'est à mon sens pas tant sur cette question plutôt que sur notre capacité à sortir de l'effet ciseau dont je vous parlais tout à l'heure et des moyens à mettre en œuvre pour valoriser davantage la profession.

Pourquoi avoir signé une convention de partenariat avec l'Apec ?

L'Apec est le premier recruteur de cadres en France, et nous avons souhaité formaliser avec cet organisme un certain nombre de rapprochements. Pour nous permettre de continuer à développer les recrutements de cadres, il nous a semblé nécessaire de garantir l'adéquation entre les profils recherchés par les entreprises et les candidats.  

C'est pourquoi cette convention de partenariat prévoit d'établir un dialogue avec les experts métiers des branches à travers les évènementiels de l'Apec, favoriser l'efficience du marché de l'emploi en incitant les entreprises à utiliser les services et outils de l'Apec les mieux adaptés à leurs besoins de recrutement et promouvoir les bonnes pratiques en matière de transparence et de diversité dans les recrutements.

Guy Mamou-Mani est président de Syntec Informatique depuis le 9 juin dernier. Agé de 53 ans, il est également co-président du Groupe Open. Après avoir démarré sa carrière chez CSC-Go International, il a occupé la direction du pôle solutions de CSC France. En 1995, il a créé et dirigé la filiale française de Manugistics. Guy Mamou-Mani est diplômé d'une licence de Mathématiques, et est un ancien professeur.