Réseaux sociaux : le 3e palier d'immersion

La mise en œuvre d’une approche 2.0 correspond à une immersion graduelle de l’entreprise dans la culture Internet et le Web fonctionne à des vitesse et échelle prodigieuses. Et ces vitesse et échelle fascinent les entreprises.

Si l'on regarde un peu l'histoire de l'industrie informatique (celle au coeur de l'avènement de ces technologies) et de son immersion on se rend compte que cela commence par les fondations et que graduellement, par capillarité, cette culture  a imbibé les étages supérieurs de la maison entreprise.

En tant qu'activistes Entreprise 2.0, nous nous demandons parfois où trouver de l'expérience dans l'adoption de solutions et de culture internet. Le département informatique est probablement un des endroits les plus indiqués car il est déjà passé par les deux premiers paliers...

1- Les forces productives

Comme souvent, les forces productives sont à l'origine de cette révolution. Ayant la chance de travailler dans les systèmes d'information (la blague débile sur les ingénieurs informaticiens étant devenue depuis bien longtemps nulle et non avenue), j'ai pu assister en temps réel durant ces dix dernières années à une mutation spectaculaire de cette industrie.  Développé par des geeks sur leur temps personnel, dans des organisations à plat avec des responsables qui ont naturellement émergé, le Logiciel Libre a profondément transformé le business.

Qui aurait dit il y a 20 ans qu'un système d'exploitation crée par une engeance de hackers (Linux) aurait pris une telle part de marché sur les systèmes d'exploitation des serveurs des grandes banques et assurance ? Et il y a 10 ans que Firefox serait le compétiteur le plus coriace d'Internet Explorer ? Que le serveur HTTP (Apache Web Server) le plus utilisé dans le monde serait gratuit ? Que l'atelier logiciel le plus utilisé pour le développement d'applications d'entreprise serait Open Source (Eclipse). Que la Maison Blanche adopterait un système de gestion de contenu du portail Web (CMS) Open Source (Drupal) ? Certainement pas le conservatisme hardcore de 01Informatique.

Dans le monde du développement logiciel, les forces productives ont rapidement adopté la culture internet à travers le Logiciel Libre. Les raisons sont multiples, la principale étant le darwinisme implacable du Net : la solution qui survit est celle qui sait le mieux s'adapter au changement. Le Logiciel Libre étant ouvert à la participation de tous, il sera toujours plus adaptable qu'une solution vérouillée par un éditeur au nombre de développeurs limité.

On peut noter qu'en termes d'architecture logicielle, les solutions présentent de nombreuses similitudes. Ainsi, ce sont les softs les plus flexibles et modulaires qui ont naturellement survécu, ceux basés sur un noyau autour duquel on peut greffer un certain nombre de composants supplémentaires et optionnels, pour la simple raison que ce sont les solutions les plus propices à une évolution non centralisée. Ainsi, Linux bien entendu, mais aussi le serveur d'application JBoss (solution au coeur de vos impôts en ligne, leader du marché devant des éditeurs tels IBM ou Oracle), Eclipse ou Firefox.

2 - La gestion de projet

Fortes de la réussite de le mise en oeuvre des logiciels libres dans la société de connaissance, les forces productives ont commencé à réfléchir à la gestion des projets au sein de l'entreprise. Et un certain nombre de questions embarrassantes ont été posées.

Pourquoi se concentre-t-on tellement sur les processus et si peu sur la productivité ? Pourquoi tant de temps sur des documents (spécifications) qui restent sujet à l'interprétation alors que ces artefacts seront inutiles durant la vie du produit ? Pourquoi passe-t-on tant de temps à déterminer des contrats plutôt que collaborer entre nous ?

Pourquoi les phases d'étude, d'analyse, de développement et de validation des produits et des services sont-elles à ce point figées ?

Pourquoi faut-il attendre un effet tunnel de plusieurs mois avant de se rendre compte que ce que nous réalisons ne convient pas aux attentes ou qu'il convient aux attentes mais que la cible initiale a bougé ?

Pourquoi ne pas se concentrer sur la simplicité plutôt que concevoir des systèmes pour gérer la complexité ?

Pourquoi tout se passe si bien et si rapidement quand on développe des logiciels à la qualité reconnue sur internet et tout devient si lent et compliqué dès lors qu'on développe pour notre entreprise ?

Why not getting real, man ?

De grands acteurs du génie logiciel se réunissent alors en 2001 et rédigent le manifeste de développement agile.

Ce manifeste tombe mal. Il est considéré avec beaucoup de circonspection par une génération de managers qui vient juste de se mettre aux technos Web (sous l'impulsion des développeurs, ouille) et qui a dû s'adapter à la plateforme Java, représentant depuis le début du siècle le socle de 70% des nouveaux projets de SI. Une génération de managers plutôt peu encline à se remettre en cause malgré des résultats souvent médiocres : en 2003, entre 65 et 80% des projets Java en entreprise sont des échecs d'après Scott Ambler.

Cette génération va cependant être contrainte à se soumettre à cette agilité en raison du pragmatisme et des résultats remarquables : performance de la phase de réalisation, adéquation entre le produit réalisé et le produit attendu, visibilité pour tous de l'état d'avancement durant toute la phase de développement, bien-être des équipes pour qui leur métier fait d'avantage sens en raison des retours rapides des utilisateurs.

3- La communication et la gestion de la connaissance

Nous sommes au milieu du gué. C'est ici le point de basculement. En important ces outils qui vont naturellement questionner nos manières de collaborer, on passe de la gestion des choses (développements, produits, projets) à la gestion des personnes.

Ce qui me fait penser que cette transition est inexorable, malgré l'impact important, c'est qu'elle a aujourd'hui un nom : Entreprise 2.0. Et que, de fait, un peu comme dans la citation de Cocteau, les entreprises s'approprient le sujet et n'ont plus besoin de feindre d'en être les instigateurs : elles ont compris les enjeux. Ainsi, selon Forrester, 49% des initiatives 2008 des DSI des Fortune 500 se concentraient prioritairement sur la collaboration.

Il y a juste une hésitation car on ne sait pas trop comment appréhender la chose. En effet, le problème demeure celui de l'adoption en entreprise. Mais il y a des équipes au sein de l'organisation qui ont cette expérience et qui ont par 2 fois importé dans l'entreprise des solutions d'internet. 

Ce sont les gens de l'informatique : développeurs, testeurs, administrateurs etc ... Ils ont adoptés les solutions open source puis les méthodes agiles. Ce faisant ils ont testé la nature amphibienne de votre organisation, sa compatibilité avec la culture Web. Demandez-leur, je parie volontiers qu'ils ont de nombreuses histoires à vous raconter.