Big Data : Big cata ?

Le Big Data ce n'est pas juste du décisionnel en plus grand, conjugué aux autres évolutions technologiques en cours c'est peut être l'amorce de la révolution d'un processus jusqu'alors apanage des chefs et de l'élite : la prise de décision.

Bientôt avec le Big Data, l'ordinateur sera en mesure de prendre des décisions rapides, structurées, argumentées.

Que restera-t-il au cerveau si ce n'est un petit supplément d'humanité ?

Il ne se passe pas un jour sans que plusieurs articles soient publiés au sujet du Big Data, cette technologie figure parmi les axes fort de développement préconisés par la commission Innovation 2030 qui vient de remettre son rapport au Chef de l’Etat et certainement parmi celles susceptibles de transformer durablement le monde de l’IT, de l’entreprise, voire la société toute entière.
Comme bien souvent lorsqu’apparait une nouveauté prometteuse, celle-ci suscite bon nombre de spéculations et son lot d’illusions. S’agissant du Big Data, les éditeurs de solutions informatiques, les entreprises de services numériques, mais aussi les marketeurs et bon nombres d’acteurs disposant d’ores et déjà de masses de données (banques, telecom, internet…) y voient une nouvelle manne d’informations susceptibles d’être monnayées, que ce soit sous la forme de données brutes ou d'analyses sophistiquées.
Le big data est d’abord une technologie qui permet de gérer des bases de données de plus en plus volumineuses et surtout d’exploiter ces données, grâce à une puissance de calcul accrue des machines et à des algorithmes complexes qui étendent le périmètre d’analyse aux données non structurées. Cette extension en particulier, qui a elle seule fait plus que quadrupler le volume immédiatement disponible, fait naître des opportunités qui apparaissent formidables à certains, même si elles semblent du domaine de la science fiction pour d’autres. Car beaucoup de données signifie potentiellement beaucoup d’informations, et l’information représente indéniablement de la valeur. Mais si les possibilités technologiques sont aujourd’hui maîtrisées, nous sommes encore loin de l’apparition du business model créateur de valeur. Alors nombreux sont les détenteurs de données qui ont le sentiment de disposer d’un tas d’or à faire fructifier, mais bien peu savent déjà comment l’exploiter. 

Il est intéressant de suivre la progression du Big Data dans le fameux « hype cycle » du Gartner ; entré en 2011, la technologie atteint le sommet du « pic de l’espérance » dans le dernier baromètre (publié en juillet 2013) et les prévisions de l’institut le voient atteindre le « plateau de la généralisation » à un horizon de 3 à 5 ans. Il reste donc encore à faire pour que la technologie Big Data s'impose comme un standard et surtout beaucoup de désillusions naîtront dans l’intervalle. 

C’est pourtant bien à une révolution que nous pourrions assister, car la maîtrise des techniques permettant de stocker et d’analyser d’énormes volumes de données vont trouver une résonance bien plus importante une fois conjuguées à d’autres phénomènes en cours.
Tout d’abord le volume de données non structurées va continuer de croitre de manière exponentielle, aux réseaux sociaux déjà gros pourvoyeurs, vont s’ajouter selon une tendance qui s’amplifie, le partage des données publiques ou privées (l’open data, servi par les prémices de standardisation des « connecteurs » API facilitant les échanges), mais aussi le développement à venir de l’internet des objets.
Ensuite, les technologies permettant l’exploitation de ces données vont continuer à progresser, l’analyse de la voix et celle de la vidéo sont en passe d’être complètement maîtrisées pour étendre encore plus le périmètre de données analysables qui couvrira bientôt la totalité de ce qui est numérisé. Enfin les ordinateurs, de plus en plus puissants, sont appelés à accéder à la cognition, c'est-à-dire qu’ils seront en mesure d’apprendre par eux même et de développer des raisonnements structurés.
Bien plus que des analyses marketing, des tendances d’opinions ou que l’étude des flux de déplacement basés sur les données des cartes SIM, c'est la conjonction de ces phénomènes qui pourrait bientôt révolutionner une fonction qui est l’apanage de l'élite, cadres supérieurs, patrons et chefs d'entreprises, hommes politiques : la prise de décision. 

On connait déjà Watson, l’ordinateur d’IBM qui en 2011 a battu les meilleurs joueurs américains du jeu Jeopardy. Durant les parties, Watson analysait les questions qui lui étaient posées afin d’en saisir le sens et d’identifier ce qui lui était demandé. Il se plongeait ensuite dans les 200 millions de pages de langage naturel que contient sa mémoire dans le but de trouver la réponse exacte à la question. Et il effectuait tout cela en moins de trois secondes. La performance est passée quelque peu inaperçu du grand public, mais Watson n’en est pas resté là.
Depuis cette date il a continué d’apprendre, et IBM a perfectionné ses algorithmes, de sorte qu’il peut désormais être utilisé, par exemple, dans le domaine de la cancérologie. Watson est en mesure d’analyser toutes les données rassemblées autour d’un patient : symptômes, découvertes, remarques du praticien, entrevues avec le patient, antécédents familiaux, dans le but de déterminer le diagnostic le plus vraisemblable et les options de traitement. 

L’ordinateur jusqu’à présent produisait des informations qui permettaient à l’Homme de décider

Watson est en mesure de supplanter l’homme grâce à sa puissance d’analyse et sa capacité d’accéder en quelques seconde à une masse de données extraordinaire. Demain c’est sur la qualité des décisions que l’homme sera challengé, les décisions humaines, aussi réfléchies et structurées soient elles, restent avant tout… humaines, comme l’erreur du même nom ! 
De plus en plus rapides, avec de plus en plus de données analysées et débarrassé de ce que certains appelleront l’intuition, et que d’autres qualifieront de biais cognitif, l’ordinateur remplacera t’il demain l’humain dans la prise de décision ? 
Watson sera-t-il manager de l’année ? Préfet ? Magistrat ? Et sera-t-il capable de faire preuve d’humanité ? 
A l'heure ou de plus en plus de manager se préoccupent de redonner à l'humain sa juste place dans l'entreprise, la machine n'a décidément pas encore dit son dernier mot.