Affirmer un leadership français en matière de cybersécurité

La France a pris l’initiative d’organiser en avril 2017 une conférence mondiale aux Nations Unies sur la cyberpaix. Le/a président(e) élu(e) en mai 2017 devra s’approprier ce chantier qui mêle le business, la géopolitique, les technologies et les libertés individuelles.

La transformation numérique affecte l’ensemble des processus économiques. En accourcissant les distances, bouleversant les modes de production et de commercialisation et malmenant les règles juridiques établies, elle redessine les enjeux de puissance. C’est vrai pour les entreprises qui se voient concurrencées par des acteurs qui exploitent toute la fluidité des communications électroniques. La priorité est alors mise vers la numérisation des processus, avec une volonté de gagner toujours plus en réactivité et en interopérabilité. La sécurisation des échanges et des identités est souvent trop négligée, ce qui accroît d’autant l’exposition aux risques. Les usages offensifs bénéficient également des opportunités liées à cette numérisation intensive. 
Et c’est ainsi que prospèrent les cyberattaques qui bénéficient à plein de cette ouverture des organisations, quand celles-ci ne prennent pas en compte la nécessaire protection de leurs actifs essentiels.
Les Etats, en tant que structure mais aussi en tant qu’autorité, sont également menacés
Ceux qui étaient jusqu’alors les seuls détenteurs de la "violence légitime se trouvent exposés aux assauts de communautés d’hacktivistes, de filières criminelles et de commandos de mercenaires numériques. Sans oublier les actions conduites par certains gouvernements qui apprécient ce théâtre d’opérations où les coups portés peuvent viser à l’envi des pans étatiques, économiques, civils ou militaires de leurs adversaires. A l’initiative du Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN) et de l’Agence Nationale pour la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI) la France a fait le choix de la concertation en réunissant les 6 et 7 avril 2017 à l’UNESCO la première conférence planétaire pour "Construire la paix et la sécurité internationales de la sécurité numérique".  La démarche est intéressante car lucide et constructive. En réunissant des universitaires, des dirigeants d’entreprises, des représentants d’association et des hauts fonctionnaires, on perçoit bien la nécessaire implication de compétences diverses. Mais la contribution politique se fait attendre. Aucun décideur gouvernemental français n’a fait le déplacement à l’UNESCO et les programmes électoraux des onze candidats à la présidentielle de 2017 sont très timides sur cette question éminemment stratégique et structurante de la gouvernance de la cyberpaix et donc de la cybersécurité collective à venir.
Au regard de l’omniprésence de l’outillage numérique dans nos pratiques personnelles et professionnelles, de la multiplication des attaques informatiques identifiées (ce qui doit nous rappeler que nombre d’entre elles ne sont pas repérées), le 8ème Président de la Vème République ne pourra pas se permettre d’ignorer le sujet de la cybersécurité. Il/elle devra se faire une conviction sur le juste équilibre à trouver entre des mesures adaptées de sécurisation numérique et la nécessaire préservation du champ des libertés individuelles. La technologie permet beaucoup, il/elle lui reviendra donc de lui dessiner des limites. Ce qui suppose une appréciation fine de la multitude des enjeux techniques, économiques, stratégiques, culturelles et diplomatiques. Autant de subtilités qui ne se résument pas dans une fiche de synthèse rédigée hâtivement par un collaborateur de cabinet. Mais exige une appropriation à la hauteur des mutations profondes que créent les technologies de l’information dans nos existences. Il n’y aura pas trop de cinq ans pour continuer ensuite à la faire évoluer.
C’est la responsabilité du futur chef de l’Etat de prolonger cette dynamique insufflée à l’UNESCO. Au-delà de l’impérieuse nécessité technique d’avancer sur le sujet d’une cybersécurité renforcée, c’est également une opportunité stratégique pour notre pays. Ne la laissons pas passer.