INTERVIEW 
 
Didier Lambert
Président
Cigref
Didier Lambert
"Nous n'accordons pas assez d'importance aux TIC dans nos cycles de formation"
Le président du Cigref, à l'occasion de la campagne présidentielle, demande au futur gouvernement de s'impliquer davantage dans les TIC en matière d'éducation, d'intelligence économique, et dans le soutien à l'innovation.
05/04/2007
 
JDN Solutions. Le secteur des TIC est-il aujourd'hui bien représenté dans la campagne présidentielle ?
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Didier Lambert. Non pas vraiment, surtout quand on sait qu'à l'horizon 2010/2011, il y aura en France plus d'informaticiens que d'agriculteurs. Et si l'on compare la place que prend l'un par rapport à l'autre dans la campagne présidentielle, cela laisse perplexe. Mais je dirais que d'une façon générale, hors campagne électorale donc, l'informatique n'est pas suffisamment présente dans le discours politique.

En revanche, nous constatons l'introduction massive d'outils de communication issus des technologies de l'information dans la campagne électorale, ce qui est très positif à mon avis. Certains candidats sont par exemple présents sur Second Life [ndlr : un univers virtuel où les internautes peuvent discuter par l'intermédiaire d'avatars], utilisent des sites Internet pour communiquer, participent à des chats ou ont leurs blogs. L'usage de ces outils devient important même si ce n'est que le début.

Vous avez préparé 6 propositions pour les candidats. Sur quels sujets portent-elles ?
Elles concernent des aspects juridiques, les ressources humaines, l'environnement économique, le développement durable, la société de l'information et la sécurité.

Parmi ces sujets, lequel vous semble le plus important ?
Certainement les ressources humaines. Le problème à résoudre est d'améliorer l'usage professionnel et grand public des technologies de l'information. Un moyen de le faire consiste à développer les relations entre l'éducation nationale et les entreprises. Aux Etats-Unis, à partir de 8-9 ans, les enfants doivent rendre leurs devoirs sur fichiers et non plus sur papier. De même, si je compare la vitesse de frappe aux claviers entre un ingénieur français et un ingénieur américain en sortie d'école, il y a une grosse différence qui n'est pas en notre faveur. Ce sont des anecdotes mais elles prouvent que nous n'accordons pas assez d'importance aux TIC dans nos cycles de formation.

Il faudrait faire en sorte que nos meilleurs cerveaux préfèrent se diriger vers l'informatique plutôt que dans le marketing ou la finance"
Il y a aussi beaucoup de choses à faire pour la formation des professionnels. Les écoles en informatique ne font pas le plein en France, les spécialisations non plus et notre déficit d'informaticiens ne fait que se creuser. Il faut susciter davantage de vocations. Une réconciliation est nécessaire entre l'usage ludique / personnel de l'informatique et l'usage professionnel et productif. Il faudrait également faire en sorte que nos meilleurs cerveaux préfèrent se diriger vers l'informatique plutôt que dans le marketing ou la finance.

Pourquoi la gouvernance d'Internet vous semble-t-elle être un sujet majeur également ?
L'Europe et la France sont absents des problèmes de gouvernance d'Internet, confiés jusqu'à présent aux Etats-Unis. Cela nous paraît à terme être un gros problème au niveau de l'activité économique que ce soit pour bénéficier des évolutions en avance, ou faire en sorte que le très haut débit arrive plus rapidement. La France est l'un des pays les mieux équipés en haut débit et cet effort, il faut le poursuivre.

Que pensez-vous des projets de moteur de recherche européen ou de bibliothèque numérique européenne ?
Ma position sur ce sujet est personnelle, je ne parlerais donc pas en tant que président du Cigref. Sur le projet de moteur de recherche européen, on se rend compte que l'idée est vite devenue seulement franco-française. Dans ce cas de figure, nous nous retrouvons tout seul. Cet exemple montre toute la difficulté d'agir en commun en Europe, un peu comme le cas d'Airbus. Ce sont des projets intéressants bien sur, mais je pense que nous nous y prenons de la mauvaise façon.

Le constat, c'est que nous manquons d'acteurs européens de taille sur le Web. Après le monopole de Microsoft, savoir que je vais me retrouver sous le monopole de Google ne m'intéresse pas. Cependant, subventionner des idées ne me parait la bonne façon de voir émerger des champions européens. Google ne s'est pas monté grâce aux subventions.

Souhaiteriez-vous des réformes concernant l'environnement économique ?
Le pacte PME devrait aller plus loin"
Oui, nous estimons qu'il faudrait disposer de cadres communs pour favoriser la R&D et développer la compétitivité de nos entreprises. Je suis très frappé par l'idée du Small Business Act. Pour nous, le pacte PME devrait aller plus loin qu'actuellement en pratiquant de l'incitation fiscale ou des dégrèvements de taxes pour les entreprises innovantes et leurs clients.

De même, concernant les brevets logiciels, la situation en Europe est encore peu claire. L'idée globale derrière ces réformes, serait d'aider les grandes entreprises à travailler avec les PME innovantes pour limiter les risques.

Vous demandez une harmonisation législative au niveau européen. Dans quels domaines ?
Prenons l'exemple de la gestion des données à caractère personnel. Nos grands groupes présents à l'international doivent gérer une durée légale de conservation des données différente dans chaque pays européen, mais aussi des règles de transferts de données différentes entre les frontières. Ces règles rendent complexes le développement d'applications internationales en Europe, un problème que n'ont pas les Etats-Unis. Il faut régler cette situation en simplifiant et en harmonisant le droit européen, sinon cela nous retarde dans la compétition internationale.

En matière de sécurité, qu'attendez-vous du prochain gouvernement ?
Une politique de protection du patrimoine de l'entreprise plus affirmée. Nous pensons sincèrement que les systèmes d'information des entreprises constituent un patrimoine qu'il faut protéger. Aujourd'hui, nous avons l'impression que le niveau d'intervention des pouvoirs publics en Europe est différent de celui des Etats-Unis. La sécurité est une affaire générale de sensibilisation et de formation. Je parle ici de protection du territoire ! Nous avons dans nos grandes entreprises des histoires horribles de concurrents qui pratiquent de l'espionnage industriel sous couvert d'une puissance étrangère.

Aujourd'hui, tout n'est pas noir. Il y a bien sur des choses qui sont faîtes en matière d'intelligence économique, mais nous estimons que ce n'est pas au niveau où cela devrait être. Pourtant les ministères s'intéressent de plus en plus à la question des chevaux de Troie sur les logiciels. C'est un réel problème pour nos entreprises lorsqu'il est impossible d'analyser le code source d'un programme, surtout que l'industrie du logiciel est majoritairement d'origine étrangère. Personne ne sait par exemple ce qu'il y a dans Windows, et si des portes dérobées sont présentes ou non.

Et dans le domaine du développement durable, que préconisez-vous ?
Nous pensons qu'il serait bon de convenir de bonnes pratiques en matière de système d'information pour assurer le développement durable. Certaines entreprises sont soumises à Sarbanes Oxley et d'autres pas. Nous avons déjà à gérer tellement de contraintes différentes, de réglementations différentes que cela devient infernal. Il est impossible de dire si ces réglementations sont efficaces ou non. Déjà par rapport aux concurrents chinois, les Etats-Unis et l'Europe ont un désavantage, celui du salaire, alors inutile d'en rajouter avec des règles trop rigides.

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Nous pensons également, pour parler développement durable au sens environnemental, que nos entreprises peuvent être à la pointe dans ce domaine. Cela passe par le développement de la vidéo conférence de manière à réduire les voyages en avion. Je pense aussi à l'optimisation des processus de production de manière à réduire les matières premières consommées, ce que nous faisons chez Essilor par exemple pour limiter la consommation de verre. Beaucoup de choses sont encore à inventer, mais nous pourrions obtenir des pouvoirs publics une anticipation du phénomène, avec une campagne de promotion des TIC comme étant un outil d'économie d'énergie et d'aide au développement durable.

Certains acteurs comme Dell commencent d'ailleurs à en faire un argument marketing.

 
Propos recueillis par Yves DROTHIER, JDN Solutions

PARCOURS
 
 
Didier Lambert, 60 ans, est président du Cigref (Club informatique des grandes entreprises françaises) depuis juillet 2006. Il occupait précédemment la place de vice-président du Cigref. Didier Lambert est par ailleurs directeur des systèmes d'information chez Essilor.xxxx

   
 
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