Carrefour mise sur la blockchain pour optimiser sa chaîne logistique

Carrefour mise sur la blockchain pour optimiser sa chaîne logistique Le retailer s'est lancé dans un premier déploiement de la solution de la start-up française visible.digital, qui couvre toutes les étapes de la supply chain.

Comment assurer une traçabilité sans couture de la chaîne logistique ? La question est des plus épineuses pour les grands retailers dont la supply chain peut faire intervenir des centaines d'acteurs : producteurs, grossistes, transporteurs, entrepôts, etc. La problématique n'échappe pas au numéro 1 européen du secteur. A l'instar de ses concurrents, Carrefour est confronté à un environnement logistique des plus complexes engendrant nombre d'aléas : retards dus à une saturation des flux de véhicules à l'entrée des entrepôts, erreurs de routage de camions, portes frigorifiques mal fermées (entrainant des ruptures de la chaîne du froid), vols de marchandises...

Pour relever ce défi, Carrefour a décidé de se tourner il y a quelques mois vers une start-up française : visible.digital. Son offre ? Une plateforme basée sur une chaîne de blocs, taillée pour tracer les flux d'un bout à l'autre de la supply chain.

Au début de l'été, l'enseigne lance une première expérimentation de la solution sur son site de Salon de Provence. Enregistrant un départ de camion toutes les 90 secondes en haute saison, il s'agit de sa principale plateforme logistique dans l'Hexagone. Pas moins de 38 transporteurs y transitent chaque semaine. "C'est un site que nous avons du mal à gérer du fait de la très grande densité des flux. Les camions passent beaucoup de temps à attendre au poste de garde, à chercher la bonne porte de quai", explique Estelle Piot, chef de projet innovation chez Carrefour

Un déploiement amorcé

Portant sur une soixantaine de voyages, le test donne à Carrefour une première visibilité sur ces flux. "Le cas d'usage initial est simple mais puissant : si la durée de voyage d'un transport dépasse l'objectif, l'outil enregistre tous les détails. Ce qui nous permet ensuite de réaliser des optimisations et de savoir à qui facturer le retard", pointe Estelle Piot.

Estelle Piot est chef de projet innovation chez Carrefour. © visible.digital

Fort de cette première étape, Carrefour amorce en ce moment la mise en œuvre de l'environnement avec un premier producteur (toujours sur son site de Salon de Provence). Un certain nombre de transporteurs volontaires sont également mis dans la boucle ainsi qu'un échantillon de magasins dans l'optique de couvrir toute la chaine. Dans le cadre du projet, le groupe entend évoluer vers un pilotage temps réel. A chaque problème détecté, l'idée est d'envoyer des alertes au personnel sur le terrain et de reconfigurer automatiquement le workflow pour prendre en compte l'aléa. "Si le camion se positionne sur un mauvais quai par exemple, le conducteur sera notifié, et l'appli lui donnera des instructions sur l'endroit où aller", explique Estelle Piot. Ici, visible.digital fait appel à Salesforce myIoT pour orchestrer le processus en fonction du contexte et gérer les écarts avec le comportement attendu.

"Carrefour nous a aidé à construire notre technologie. C'était notre tout premier client", confie Sébastien Lemoine, fondateur et président exécutif de visible.digital. "Ce chantier de co-création a duré environ six mois, puis nous avons mis la solution entre les mains des utilisateurs internes de la logistique du groupe pour affiner. La spécificité de Carrefour est d'avoir choisi de partager beaucoup d'informations avec les différents intervenants dans l'optique de favoriser la gestion des problèmes en mode collaboratif."

"Le cas d'usage initial est simple mais puissant : si la durée de voyage d'un transport dépasse l'objectif, l'outil enregistre tous les détails"

Sous le capot, l'offre de visible.digital s'articule autour d'une blockchain privée via laquelle chaque maillon de la supply chain stocke les données de traçabilité sur un registre qui lui est propre. "Si besoin, nous pouvons faire intervenir en plus un tiers de confiance pour certifier le process", précise Sébastien Lemoine. Hébergé sur le cloud Azure de Microsoft, chaque registre est isolé dans un container Docker. En aval, un PaaS (Platform as a Service), basé sur le cloud Heroku de Salesforce, permet aux différents opérateurs IoT en présence de partager leurs données (géolocalisation des véhicules, températures des camions, détection des ouvertures de portes…), et de les revendre par la même occasion.

Pour collecter les informations en provenance des équipements, c'est la plateforme IoT de PTC qui entre dans la danse (alias ThingWorx). Par le biais d'API, le PaaS de visible.digital se connecte par ailleurs aux systèmes de gestion de transport (TMS) et de gestion d'entrepôts (WMS) des différents acteurs en lice. "C'est aussi une réelle valeur ajoutée pour les transporteurs qui obtiendront une vision sur les temps de trajet de leurs conducteurs, les pauses non-programmées, etc.", ajoute Sébastien Lemoine.

Vers des services BtoC

La start-up tarifie son offre auprès de l'ensemble des intervenants de la supply chain (et pas seulement des retailers) sous la forme d'un abonnement mensuel ou à l'année. "Sachant que chacun y retrouve son compte en termes de supervision opérationnelle", promet Sébastien Lemoine, avant de confier : "D'ici fin 2018, nous envisageons de lancer une application BtoC pour permettre aux enseignes de diffuser leurs données de traçabilité à leurs clients finaux."

Comptant 20 salariés, visible.digital a levé 1 million d'euros depuis sa création fin 2016. Installée à Puteaux en banlieue parisienne, la société est présente en Italie, Espagne, à Singapour et au Vietnam. Elle prévoit d'ouvrir un bureau aux Etats-Unis début 2018. Aux côtés de Carrefour, la jeune pousse affirme avoir signé avec d'autres grands retailers français.