Comment mesurer l'impact écologique de l'informatique ?

Quel est l'impact de l'économie immatérielle sur l'environnement ? C'est la question à laquelle les auteurs de " Ecologie des infrastructures numériques " (ed. Lavoisier 2007) tentent de répondre.

" En fait, l'impact environnemental des TIC reste largement ignoré. Il existe un courant de pensée dans l'opinion qui veut que les TIC parce qu'elles sont qualifiées d'immatérielles, ont un impact transparent sur l'environnement. Notre propos était de montrer au contraire que les TIC ont un impact matériel sur l'environnement. Des chiffres existent et il est tout à fait intéressant de les mettre en avant pour montrer quel peut être l'impact écologique de l'informatique." explique Fabrice Flipo, co-auteur de l'ouvrage, et enseignant-chercheur de l'Institut Télécom.

Si en 1997, la durée d'utilisation d'un ordinateur était de 6 ans, elle n'est plus que de deux ans en 2005. Cette obsolescence particulière se caractérise par le fait que les objets délaissés ne le sont pas parce qu'ils ne fonctionnent plus correctement, mais parce qu'ils sont jugés dépassés techniquement par les nouvelles générations d'appareils, aux performances estimées bien meilleures. A ce stade, il est intéressant de constater que la durée de vie technique d'un appareil téléphonique portable est de dix ans alors que son cycle d'usage n'est lui que de deux ans.

Une donnée qu'il faut prendre en considération avec un autre facteur qui est celui de la croissance des ventes de produits informatiques de par le monde. Il est prévu un nombre de 1,3 milliard d'ordinateurs dans le monde d'ici à 2013. Une croissance qui a vu entre 1993 et 2000 augmenter de 181% le nombre d'ordinateurs par habitant.

Performance et obsolescence

Une telle croissance liée au raccourcissement des cycles d'utilisation des appareil amène a se pencher sur l'impact écologique de ce secteur, sachant par ailleurs que la performance des machines s'améliore souvent au prix d'une consommation supplémentaire en énergie.

D'où l'idée des auteurs du livre de se pencher sur l'impact écologique global des appareils informatiques.

	La question du recyclage des déchets informatiques pose la question de la diversité des composants d'un ordinateur.

Car dès la conception et la construction d'un appareil informatique, la prise en compte globale de son impact écologique se calcule sur l'addition des composants qui le constituent, le poids des différentes consommations d'énergies nécessaire à son assemblage et enfin les consommations "grises", qui représentent l'ensemble des énergies nécessaires pour produire et acheminer les composants de l'appareil.

Il est à ce sujet frappant de noter qu'un PC classique contient 1500 à 2000 composants qui viennent du monde entier, en général par voie aérienne. Une étude réalisée par Nokia évalue à 5% de l'impact global le transport nécessaire à la constitution de chaque téléphone portable.

Au cours de son utilisation, les consommations en énergies seront reportées également dans le bilan écologique final ainsi que les différentes pièces de rechange nécessaires à sa maintenance.

Enfin, vient s'ajouter l'impact de l'appareil une fois qu'il n'est plus utilisé, et qu'il est " jeté " pour devenir un déchet. De là, plusieurs scenarii sont explorés, du retraitement dans le cadre des DEEE (Déchets d'Equipement Electriques et Electroniques), à l'exportation vers des pays en voie de développement. Ainsi, 60% à 80% des déchets informatiques des Etats-Unis seraient exportés en direction de pays comme la Chine, Hong Kong ou encore l'Irlande, qui stockent respectivement 47%, 16% et 12% des déchets dangereux de par le monde.

Avec un rythme de 6000 ordinateurs qui deviennent obsolètes par jour en Californie, le marché du retraitement des produits informatiques adresse des problématiques de taille en terme de gestion des déchets, de valorisation des matériaux qui constituent les appareils, voire de santé publique quant au stockage et au confinement des produits toxiques qui ne sont pas recyclables.

Au final, à défaut de chiffrer véritablement l'impact écologique des appareils informatiques, les auteurs dessinent avec une grande netteté les enjeux socio économiques de la production, de la consommation et du retraitement des appareils informatiques. Un bel essai qui devrait se poursuivre par un travail sur la réalité des mesures " vertes " des fabriquants en terme de baisse de la consommation d'énergie de leurs produits. " Nous voulons arriver à mesurer ces efforts, de manière à comprendre s'il s'agit dela part des fabricants d'une réelle volonté écologique, on s'il y a essentiellement une démarche marketing ", conclut Fabrice Flipo.