Retour en grâce des solutions P2P en entreprise

Utilisés en masse depuis la fin des années 1990, les réseaux d'échange de point à point (peer-to-peer) constituent désormais une réelle offre à part en matière de logiciels d'entreprise. Produit de stockage, administration réseau, voix sur IP, vidéo et téléconférence : la gamme de produit se complète peu à peu, mais s'adresse encore principalement aux PME / TPE.

Le peer-to-peer est pourtant bien connu des éditeurs. Il leur permet sur Internet de diffuser massivement leurs logiciels aux internautes, ou de s'échanger en interne des versions de produits entre des filiales géographiquement distantes. Ce modèle a pour principal avantage de supprimer toute notion de serveur, car chaque poste client sert simultanément de serveur et constitue donc un maillon de la chaîne.

Pour palier ces risques, les éditeurs ont souvent fait appel à leur propre protocole d'échange point-à-point pour y inclure des fonctions d'authentification, de translation d'adresses et de contrôle de flux. Une étape indispensable pour que le client conserve les avantages du peer-to-peer tout en assurant un minimum de sécurité. Cette solution pose toutefois un problème de coût aux développeurs par rapport au traditionnel mode client / serveur, où l'architecture est mieux connue et maîtrisée et les communications circulent en sens unique.

Les pratiques évoluent toutefois et avec Windows Vista, Microsoft tente désormais de mettre le P2P à disposition de tous, en proposant aux éditeurs un framework de développement P2P qui se veut standard. Avec son architecture .Net 3.0 et Windows Vista, l'acteur propose un ensemble de composants pré-packagés incluant le protocole de résolution de noms dans un réseau peer-to-peer (PNRP), la gestion du voisinnage immédiat (PNM) et des architectures de réseaux maillés définies (PeerChannel).

Sun Microsystems, y va également de son propre framework, cette fois-ci en Java. Baptisé JXTA, il est Open Source et vise trois objectifs : l'interopérabilité, l'indépendance vis à vis des plates-formes logicielles et matérielles, ainsi que l'ubiquité. Il simplifie l'interconnexion, la localisation et la communication entre les différents noeuds du réseau maillé et tourne sur l'ensemble des plates-formes, du terminal mobile au routeur réseau. Il utilise le protocole ERP (Ending Routing Protocol) pour communiquer.

Autre signe de ce retour en grâce des solutions P2P en entreprise, des constructeurs importants s'intéressent désormais au peer-to-peer pour leur solution d'entreprise. Avaya et Siemens ont introduit en 2007 des solutions de téléphonie IP utilisant le peer-to-peer afin de remplacer les autocommutateurs IP lourds, et de proposer une alternative à l'abonnement Centrex IP où le PABX est déporté hors de l'entreprise et administré par un tiers. Chez Siemens, la solution s'appelle Hipath BizIP, et One-X Quick Edition chez Avaya.

Dans le cadre d'une utilisation de téléphonie sur IP, la distribution en mode point-à-point aura pour principal avantage de supprimer la phase d'installation des équipements réseaux et des téléphones, parfois très coûteuse pour les petites entreprises. La qualité de la voix, elle, est dépendante de la qualité du réseau LAN, mais reste supérieure à la qualité de la voix sur IP de type box de FAI.

Même si des solutions comme Skype ou Wengo existent depuis bien longtemps, elles restaient surtout connues et diffusées sur le Web mais moins ciblées pour les dirigeants d'entreprises ou les responsables informatiques.

La voix sur IP n'est toutefois pas la seule à envisager de nouveau le peer-to-peer comme une solution viable pour l'entreprise. Toujours en 2007, la société française UbiStorage a lancé une offre de stockage exotique. Elle fournit des boîtiers baptisés Noébox, qui se chargent de stocker les données de l'entreprise en local et d'envoyer des copies de ces données sur l'ensemble des autres Noébox, mais de manière cryptée et parcellaire.

C'est sans doute sur le terrain du travail collaboratif que les solutions P2P d'entreprise sont les plus avancées. Groove Networks, racheté depuis 2005 par Microsoft, met à disposition une solution de partage d'informations, d'agendas et de projets. Dans le même ordre d'idée, le projet Jybe permet aux salariés de partager les sessions de navigateur dans le cadre d'une conférence Web par exemple.

En France, l'éditeur L2T édite P2P Toolkit une plate-forme de développement pour la conception d'applications peer-to-peer administrés. Le P2P a également du sens dans le cadre de développements en équipe, afin de partager l'avancement du projet et des dernières versions.

NextPage, utilise enfin le peer-to-peer dans le cadre de la gestion du cycle de vie du contenu, afin d'attribuer des droits ou de placer des index sur tout document créé dans l'entreprise. Dans ce cadre, il est ainsi plus facile de remonter l'information présente sur chaque poste de travail de l'entreprise, sans avoir à les remonter périodiquement.

Avec les derniers frameworks Java et .Net, et l'imagination des développeurs, le P2P en entreprise a donc de beaux jours devant lui. Reste à franchir la barrière psychologique des responsables informatiques qui associent peut être encore ce type de modèle avec des produits d'entrée de gamme, grand public et difficiles à sécuriser.