Yohann Dupasquier (Tradelab) "Avec Jellyfish, nous créons un ensemble de 200 millions d'euros de chiffre d'affaires"

PDG et fondateur de Tradelab, Yohann Dupasquier rejoint le conseil de surveillance de la nouvelle acquisition de Fimalac. Il y supervisera des sujets comme l'innovation data et la stratégie de développement.

Yohann Dupasquier est fondateur de Tradelab. © S. de P. Tradelab

JDN. Le groupe Fimalac devient actionnaire majoritaire de Jellyfish, un  spécialiste anglais du digital marketing, et le rapproche de ses filiales Tradelab et Uptilab pour donner naissance à un ensemble valorisé près de 500 millions de livres. Pourquoi ?

Yohann Dupasquier. Créé à Londres en 2005, Jellyfish était un des plus gros groupes indépendants de marketing digital dans le monde, avec près de 780 collaborateurs répartis dans 13 pays. Ce rapprochement s'est fait naturellement car nous partageons un même constat : l'industrie publicitaire a besoin d'un changement profond. Les marques veulent reprendre le contrôle de leurs actions de marketing digital. On évoque souvent l'exemple de Marc Pritchard, chief brand officer de P&G, qui se plaint du fait qu'il y a trop d'intermédiaires entre la marque et le consommateur, mais il est loin d'être le seul à formuler cette critique.

Aux US, près de 65% des directeurs marketing se posent la question de mettre un terme à cette intermédiation. Aujourd'hui, la majorité de la croissance de Tradelab et de Jellyfish provient de l'accompagnement des marques dans cette reprise de contrôle. Il s'agit de leur donner les outils nécessaires et de les implémenter, pour qu'elles gagnent en maturité sur les sujets digitaux.

Allez-vous réunir toutes ces entités sous une marque ombrelle ?

Pour l'instant, les marques vont perdurer en parallèle, au moins les prochains mois. D'autant que nous sommes très complémentaires en ce qui concerne l'implémentation géographique. Jellyfish a un fort ancrage aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, là où Tradelab est présent en France, en Allemagne, en Italie et au Brésil. On retrouve cette complémentarité dans nos offres respectives. Jellyfish est bien évidemment beaucoup plus gros, mais Tradelab plus calé côté techno. Jellyfish va nous permettre de proposer un éventail de services beaucoup plus large sur tout ce qui touche à la formation des annonceurs, à l'activation social media, même si on en faisait déjà, et au sujet de la créativité data-driven. A l'inverse, nous avons développé des solutions qui permettront aux équipes de Jellyfish d'augmenter la robustesse de leur offre sur tout ce qui touche à l'automatisation du trading et la modélisation data…. En résumé, Tradelab sera le spécialiste techno du groupe et Jellyfish plutôt porteur du volet conseil digital.

Ce rapprochement donne naissance à un groupe de près de 1 200 collaborateurs, qui a réalisé près de 200 millions d'euros de chiffre d'affaires et pèse 500 millions de livres de valorisation. Un groupe qui n'opère pas selon le modèle traditionnel d'agence mais via une approche conseil et partenaire technologique innovante.

L'approche n'est tout de même pas si innovante que ça… Artefact, qui a racheté Netbooster, et Accenture Interactive, qui a récemment mis la main sur Sutter Mills, portent le même discours. En quoi êtes-vous différent de ces acteurs ?

Vous mentionnez des acteurs qui viennent du monde du conseil et sont redescendus vers le produit, dans une approche top-down. En ce qui nous concerne, c'est tout le contraire. Nous venons de la techno et nous nous plongeons depuis des années déjà dans les entrailles des différents stacks pour optimiser les analytics, le bidding… C'est sur cette connaissance profonde du terrain que nous avons construit notre offre de conseil opérationnel. Et je pense qu'il est plus facile de partir de la base que de faire le chemin inverse. Pour être à même de conseiller, il faut comprendre ce qui est en train de se passer.

Fimalac insiste sur le fait que Jellyfish est un des très rares groupes labellisés "Global Google marketing partner". En quoi est-ce que ça le rend plus attractif ?

"La suite technologique de Google est une des meilleures solutions du marché, si ce n'est la meilleure, pour les marques qui veulent optimiser leur stratégie média"

Tout simplement parce que, comme vous le dites, ils sont très peu nombreux dans ce cas. Il faut pouvoir coupler une empreinte globale à une véritable expertise dans l'implémentation des outils Google pour pouvoir bénéficier du label. Aujourd'hui, force est de constater que la suite technologique de Google est une des meilleures solutions du marché, si ce n'est la meilleure, pour les marques qui veulent optimiser leur stratégie média.

La plateforme a beaucoup évolué ces dernières années. On peut désormais facilement customiser le DSP via les API, ce qui n'était pas le cas il y a quelques années. On peut créer des passerelles entre les différents outils de Google (Analytics, Campaign Manager, Adwords…), voire même avec d'autres solutions, comme en témoigne le partenariat noué avec Salesforce, côté CRM. C'est indispensable pour les marques, car elles ne peuvent créer de la valeur que par la transversalité des outils. Il est indispensable aujourd'hui de pouvoir réconcilier ce qui se passe sur votre site, les données site-centric, avec ce qui se passe au sein de vos publicités, les données ad-centric.

Google a beaucoup évolué mais reste une plateforme fermée. Un walled garden, qui permet d'acheter du média mais en vend aussi, via Google Adex et Youtube. C'est problématique non ?

C'est évidemment la limite et c'est à nous d'être vigilant là-dessus. Nous continuons d'ailleurs de travailler avec d'autres partenaires comme Xandr, Amazon et Facebook. Mais je pense que, malheureusement, il n'y a pas d'alternative sérieuse pour accompagner les marques dans leur prise de contrôle sur toute la chaîne. C'est à nous de compenser cette dimension walled garden, juge et partie, en customisant le bidder de façon à ce que Youtube ne soit pas favorisé outre-mesure quand un annonceur veut acheter de la vidéo ou en lui offrant des alternatives à la data Google, dont on sait qu'elle favorise l'univers Google Adex, en améliorant les passerelles entre les datas des annonceurs et celles des éditeurs.

L'objectif c'est de passer de 1 200 à 3 000 personnes d'ici deux ans, pour quoi faire ?

Nous opérons des métiers de services, et donc d'hommes. Ces prévisions ont été établies en fonction des perspectives de croissance que nous attendons de ce rapprochement.