Jonathan Angel (Asus France) "Les attentes des annonceurs vis-à-vis de la publicité TV segmentée me semblent trop élevées"

Le directeur marketing et communication d'Asus revient sur l'importance de la data et de la personnalisation dans le cadre du lancement du dernier modèle de la marque : le Zenbook.

JDN. Selon une enquête de Gartner, 80% des professionnels ayant investi dans la personnalisation marketing abandonneront leurs efforts d'ici 2025. La faute au manque de retour sur investissement et aux dangers de la gestion des données clients. Que vous inspire ce constat ?

Jonathan Angel est directeur marketing d'Asus France. © S. de P. Asus

Jonathan Angel. Il m'étonne… Parce que la personnalisation est une des tendances majeures en matière d'achat média et que j'ai l'impression, au contraire, que les marketeurs ont des efforts à faire là-dessus. Le RGPD n'entrave, d'ailleurs, en rien la bonne marche du ciblage média. Il faut simplement l'opérer dans les règles, en s'assurant de la confidentialité des données exploitées. La personnalisation poussée à son paroxysme peut effectivement coûter très cher, avec un ROI pas toujours évident à mesurer. Mais il est impossible d'y échapper quand on fait du digital.

Surtout quand, comme Asus, on vend des smartphones et des ordinateurs, des produits pour lesquels la période de renouvellement ne cesse de s'allonger (de 2 à 5 ans) et où il est donc devenu plus compliqué de trouver des intentionnistes. La data nous est, par exemple, indispensable pour identifier les profils auprès desquels nous pouvons faire de l'upsell, c'est à dire les inciter à upgrader vers un modèle plus performant. Le message publicitaire standard matraqué comme dans les années 50 me semble, dans tous les cas, passé de mode. Je pense qu'il faut simplement placer le curseur quelque part entre le mass media et l'hyper personnalisation.

Où avez-vous placé ce curseur dans le cadre du lancement de votre nouveau modèle d'ordinateur portable, le Zenbook ?

Le ciblage média, via de la donnée 1st et 3d party, est aujourd'hui au cœur de nos campagnes d'acquisition pour toucher les intentionnistes et adapter les messages que nous leur diffusons, en fonction de leurs attentes et de leurs codes. D'où l'importance de l'AB testing pour trouver la bonne formule (choix des mots, créations…) en termes de clics générés. C'est ce que nous avons mis en place dans le cadre du lancement du Zenbook. Pour cet ordinateur équipé de la technologie du ScreenPad, qui permet de bénéficier d'un double affichage d'écran sur un seul et même appareil, il nous fallait toucher plusieurs typologies d'audiences : le technophile, l'early adopter mais aussi le pro, type graphiste, pour lequel une option second écran est un vrai plus.

Lors de la période du Black Friday, vous avez également mis en place un dispositif plus classique, dit mass-media…

Nous avons effectivement voulu profiter de ce lancement pour montrer à un plus large public que nous sommes une marque très innovante. C'est important dans un marché des PC où les acteurs sont nombreux à proposer plus ou moins la même chose. Nous avons donc mis en avant toute notre gamme équipée d'un Screenpad à l'occasion du Black Friday, avec à la clé un bon de réduction de 100 euros. C'était un moyen de se démarquer lors de cet événement où tout le monde casse les prix en proposant du haut de gamme. A la clé, une landing page qui permettait à l'internaute de choisir le produit Screenpad qu'il désirait acquérir et le site (e-commerçant ou site Asus) auprès duquel il voulait acheter.

Pas de télévision en revanche dans ce plan mass-media. Pourquoi ?

La télévision n'est historiquement pas un média que nous utilisons beaucoup. Notamment parce que le ticket d'entrée, même s'il est réduit avec l'arrivée des chaînes de la TNT et la mise en place de sponsoring d'émission, reste important. Nous estimons par ailleurs que notre taux de notoriété est suffisamment important pour nous affranchir de ce média. Nous lui avons préféré, dans le cadre du lancement du Zenbook, les salles de cinéma, où le contexte d'attention est bien plus fort et l'écrin proposé en adéquation avec le positionnement premium de notre produit.

"La grande force de Facebook est d'introduire une dimension conversationnelle à la publicité"

Sur le Web, nous avons bien évidemment diffusé des campagnes sur Youtube, via du Trueview, et Facebook. Les performances ont été très bonnes sur ce dernier, notamment en matière de taux de complétion. La grande force de Facebook est d'introduire une dimension conversationnelle à la publicité. Les spots vidéos sont commentés et partagés. Tout cela nous permet de récupérer des verbatims sur lesquels nos community managers peuvent rebondir.

L'arrivée de la TV segmentée pourrait-elle vous inciter à revoir votre jugement sur ce canal ?

Les bénéfices sont évidents… mais j'ai peur que les attentes des annonceurs soient trop élevées par rapport à ce qui pourra être proposé en matière de segmentation. Cette dernière, qui s'effectue par foyer, est forcément moins fine qu'un ciblage par utilisateur, comme le smartphone ou l'ordinateur le permettent… Même si ces derniers sont parfois partagés. L'autre interrogation concerne les données qui seront proposées. Le socio-démo et la géolocalisation, dont on parle pour l'instant, ne m'intéressent pas beaucoup. Ce sont plutôt des intentionnistes que nous recherchons chez Asus et il me semble compliqué d'en trouver en TV.

Certains annonceurs se défient aujourd'hui du digital qu'ils accusent, parce qu'il se focalise sur des KPI comme les leads et les ventes, de leur faire négliger l'awareness. Qu'est-ce que vous en pensez ?

"Nous avons réduit les investissements alloués au Google Display Network en fin d'année"

C'est une erreur de se focaliser sur le bas du tunnel de conversion et de ne raisonner qu'en taux de rebond ou en ajout en panier. Il est important de bien travailler le haut du tunnel, via des campagnes de branding, même si l'efficacité de ces dernières n'est pas toujours évidente à mesurer. Sur le digital, on a peut-être fait l'erreur d'appliquer des réflexes hérités de la TV, où on ne jure que par l'audience et le coût GRP, en raisonnant en nombre de personnes touchées. L'intérêt témoigné à une campagne de branding peut être défini via des signaux faibles, comme le temps passé sur la landing page ou le nombre de pages consultées suite à une exposition publicitaire. Tout cela est accessible depuis Google Analytics. On ne peut pas se contenter d'impressions et de visibilité.

On dit que, sur le digital, les annonceurs font trop confiance à Google et Faceook. Qu'en pensez-vous ?

Ma problématique première, c'est la performance. Il est difficile de se passer de search, et donc de Google, au regard de l'importance de la recherche lors d'un parcours d'achat. Mais, sur les conseils de notre agence media, My Media, nous travaillons avec énormément d'acteurs français, comme Ogury, Keymantics ou Emoteev, pour trouver ces fameux intentionnistes. Car Google n'est pas toujours l'environnement idoine. Nous avons réduit les investissements alloués au Google Display Network en fin d'année car ses performances nous avaient déçus au troisième trimestre.

Cet article a également été publié dans Adtech News, supplément papier du magazine CB News, dédié à l'adtech et au martech. Dans l'édition de février, un dossier sur la data et la créativité, un autre sur l'influence marketing, un baromètre du programmatique et une présentation des start-up membre du programme Start-up your brand de l'Udecam.