Bastien Galibert (SeLoger) "En 2020, SeLoger arrêtera l'open auction et la bannière display classique"

Le directeur du pôle advertising du groupe d'annonces immobilières explique pourquoi il mise sur les Deals ID et les native ads pour booster ses CPM.

JDN. L'inventaire publicitaire du groupe SeLoger ne sera plus accessible en RTB open auction d'ici fin 2020. Il faudra alors passer par sa régie pour l'acheter, en gré à gré ou en programmatique via du deal ID. Pourquoi cette décision à contre-courant du marché ?

Bastien Galibert est directeur du pôle advertising de SeLoger. © SeLoger

Bastien Galibert. C'est une décision qui est plus facile à prendre qu'il n'y parait, tout simplement parce que contrairement à beaucoup de nos régies concurrentes, la publicité n'est qu'une petite part de notre modèle économique. Aujourd'hui, 85% du chiffre d'affaires du groupe SeLoger provient des petites annonces. Sur les 15% restant, réalisés via la publicité, moins d'un tiers provient du RTB open auction. L'open auction est donc, dans les fait, déjà très minoritaire dans notre business. Cela n'a pas toujours été le cas… Il n'y a pas si longtemps, il contribuait à 80% de nos revenus publicitaires lorsqu'une régie externe s'occupait de commercialiser notre inventaire auprès de tous les types d'annonceurs. Mais le ratio avec la vente directe et le deal ID s'est inversé à mesure que nous avons structuré notre activité de régie pour convaincre les 15 000 professionnels de l'immobilier qui sont présents sur nos sites de petites annonces, SeLoger, Logic-Immo, Belles Demeures, d'investir chez nous en publicité.

Parce qu'ils achètent dans un contexte très affinitaire, et qu'ils obtiennent donc des performances bien supérieures à celles d'un annonceur lambda de la restauration rapide ou de la grande conso, ces annonceurs sont prêts à dépenser beaucoup plus en termes de CPM… Ces derniers sont 10 fois plus importants que ce que l'on obtient via l'open-auction, qui a donc grandement perdu en attractivité.

Quel est le comportement d'achat média de ces professionnels de l'immobilier ?

Ils se contentent de micro-campagnes, qui ne dépassent pas les quelques milliers d'impressions ultra-targetées, selon un critère de géolocalisation le plus souvent. Pour capter cette demande, aux exigences bien particulières, nous avons créé une interface permettant à notre centaine de commerciaux de vendre facilement des campagnes à des non spécialistes de l'achat média. Nous nous sommes également un peu inspirés d'Instagram, en simplifiant notre offre publicitaire qui se compose de format premiums en haut du fil de recherche et de formats intégrés de manière tactique, au cœur des résultats de recherche. De la vidéo ou du display, selon le besoin des annonceurs et, dans tous les cas, des formats natifs. Pas de possibilité d'achat en self-service pour l'instant mais cela viendra peut-être un jour.

Vous commercialisez également des segments d'audience dits "moments de vie", comme par exemple les internautes en situation de déménagement. Ce type de données intéresse beaucoup certains annonceurs hors immobilier. Est-ce toujours un sujet pour vous ?

Bien sûr. Nous voulons continuer à attirer les annonceurs semi-captifs, des annonceurs qui appartiennent à une dizaine de secteurs d'activité, dont la banque, l'assurance, l'énergie, les telco ou encore la décoration, qui peuvent être intéressés par la perspective de cibler des personnes en phase active de recherche d'un nouveau logement. Mais nous préférons que ces annonceurs viennent nous voir directement pour acheter, en gré à gré ou via des deals ID, des emplacements publicitaires que nous leur avons conseillés. Cela leur évite d'acheter des emplacements peu performants en open auction et d'être déçus au point de ne plus avoir envie de faire affaire avec nous.

L'arrêt de l'open auction s'accompagne d'un autre choix drastique, l'arrêt des formats classiques IAB…

"Les emplacement natif situé entre 2 annonces génèrent un taux de clic 10 fois supérieur aux pavés en colonne de droite"

70% de nos impressions publicitaires sont aujourd'hui des native ads. Les 30% restants sont constitués de formats IAB classique que nous vendons parce que c'est ce qui s'écoule le plus facilement en open auction. Mais ces formats sont beaucoup moins performants que les native ads. Les emplacement natif situé entre 2 annonces génèrent un taux de clic 10 fois supérieur aux pavés en colonne de droite... L'arrêt de l'open auction justifie donc aussi celui de la bannière classique.

Quelles conséquences ces changements ont-ils sur votre organisation ?

Nous passons d'un statut de régie classique à celui d'une régie retail. Notre offre se rapproche désormais plus de celle d'un Amazon et sa logique de posts sponsorisés que des régies médias qui vendent de la bannière display. Nous nous appuyons sur notre force commerciale existante pour démarcher les agences immobilières et sur une équipe dédiée pour les annonceurs semi-captifs. Cette équipe dédiée a vu son effectif multiplié par trois en l'espace d'un an, elle est désormais composée de 15 collaborateurs.

Quelle a été la croissance de votre chiffre d'affaires publicitaire en 2019 ?

Si la publicité représente à peine 15% du chiffre d'affaires du groupe SeLoger, elle correspond au tiers de la croissance que le groupe réalise chaque année.

On parle en ce moment beaucoup de la disparition des cookies tiers. Dans quelle mesure serez-vous impactés ?

Un tiers de nos revenus publicitaires provient d'une offre d'extension d'audience qui permet à nos clients de recibler les internautes qui ont vu leur annonce via des emplacements pubs achetés chez d'autres sites médias. Cette offre est opérée par notre partenaire Criteo. Nous lui faisons confiance pour trouver une alternative au cookie tiers. S'il le faut, nous pourrons toujours trouver une parade nous-mêmes, en passant par des cookies 1st party. Nous avons déjà mis en place une délégation de domaine avec notre DMP Mediarithmics. Nous vendons avant tout de la performance à nos clients. Ces derniers se préoccupent peu de savoir d'où elle vient, extension d'audience ou inventaire du groupe SeLoger, du moment qu'elle est au rendez-vous. Nous trouverons toujours un moyen de compenser un éventuel arrêt de l'extension d'audience. Mais je peux vous assurer que ce n'est pour l'instant pas le cas, bien au contraire. C'est un driver de notre croissance.