La "fin de la publicité" est-elle le futur de la publicité ?
Afin de prouver leur engagement en faveur d'un monde durable, serait-il temps pour les marques de finir par se taire une bonne fois pour toutes ?
Un titre racoleur, certes, mais une question néanmoins pertinente. L’histoire de la publicité est marquée par des évolutions successives. Au début du marketing de masse, la publicité, considérait les consommateurs comme une masse uniforme, touchée par de la publicité de masse à travers des médias de masse. La « réclame » ne cherchait alors que de la pure notoriété pour ses produits et ses marques. Plus tard, les marques se sont mises à travailler leurs démonstrations produit, leurs fonctionnalités. Ensuite, elles se sont concentrées sur les bénéfices clients. Aujourd’hui, pour beaucoup elles abandonnent leurs communications sur les bénéfices pour parler du fameux « purpose ».
Mais, comme nous le savons, le marketing, et plus particulièrement encore la publicité, sont largement considérés aujourd’hui comme les bras armés et visibles des dérives consuméristes et de leur impact sur le changement climatique. Il n’est donc pas inopportun de se demander si la prochaine étape - pour que les marques démontrent leur engagement en faveur d’un développement durable - n’est pas tout simplement… de finir par se taire une bonne fois pour toutes !
Des signaux pas si faibles…
- Les marques et les entreprises abandonnent progressivement des communications centrées produit/bénéfice, pour des communications centrées sur le sens… mais les allégations de greenwashing par les ONG, les associations de consommateurs et les activistes n’ont jamais été aussi nombreuses
- Dans un contexte d’inflation forte que nous vivons actuellement, les stratégies de création de valeur basées uniquement sur de la préférence de marque semblent avoir des effets plus que limités. Davantage encore pour les marques de grande consommation où tous les produits sans valeur ajoutée spécifique sont plus « commoditisés » que jamais.
- La pression publicitaire et les hauts niveaux de GRP (gross rating point media) ont un effet bien plus contre-productif qu’il y a quelques années.
- Les jeunes générations sont des adeptes des adblockers, et encore plus dans une Europe où, parallèlement, la consommation de plateformes de contenus sans publicité a explosé ses dernières années et continue de croître.
- la sensibilité à l’exploitation des données personnelles est au cœur des préoccupations des institutions publiques et d’un nombre important de citoyens. Mais en même temps, les modèles publicitaires les plus efficaces sont justement basés sur la collecte de ces mêmes données personnelles.
Dans une ère de post-croissance, la fin du marketing sera-t-elle le futur du marketing ?
C’est désormais clair en Europe, les politiques et la société en général font un lien direct entre consommation et impact environnemental. Le marketing et la publicité sont souvent pointés du doigt comme des facteurs ayant, non plus une influence uniquement sur les comportements et la santé, mais désormais aussi sur l’environnement. En France, la Loi Climat a clairement levé ce tabou.
Il est donc désormais possible d’imaginer un durcissement de l’environnement légal pour le marketing en France et en Europe. Imaginons la déflagration que pourrait représenter dans une futur proche l’imposition de packs neutres pour les produits de grande consommation, comme cela a été le cas pour les cigarettes il y a quelques années.
Pour résumer, si les marques sont concernées par le changement climatique, elles doivent s’attendre à revoir sérieusement le concept même de marketing.
Une opportunité pour se concentrer sur la proposition de valeur.
Si la publicité disparaît, tous les professionnels du marketing considéreront immédiatement d’autres leviers de visibilité (relations média, influenceurs, sponsoring, contenu marketing). Mais la pression sur ces leviers sera alors telle qu’ils en deviendront inopérants, et par ailleurs, toujours perçus de manière contre-productive comme des énièmes « trucs marketing » par les consommateurs.
Si la prochaine étape, pour les marques, en vient à devoir « calmer le jeu » et à se rendre moins visibles pour éviter d’être contre-productives, viendra le moment de réinvestir sur les autres dimensions du marketing mix. Et plus spécialement réinvestir sur leur véritable proposition de valeur : le produit, les services, leur qualité, leur disponibilité, serviciser leur produits, favoriser leur recyclabilité, responsabiliser leur sourcing… bref, faire croître autrement leur valeur perçue.
En un mot : revenir aux fondamentaux de ce pourquoi le marketing est fait.