Google change les règles du jeu de la publicité digitale : est-ce si grave pour les acteurs du secteur ?

Le secteur ultra-dynamique de la pub vit des changements complexes et sans précédent. Google a (enfin) mis en œuvre un engagement maintes fois reporté : la suppression sur Chrome des cookies tiers.

Au nom de la protection des données personnelles, Google a souhaité mettre fin à ces petits fichiers qui permettent aux annonceurs de suivre l’activité des internautes sur son navigateur web Chrome. Un vrai changement de paradigme compte tenu de la position hégémonique du navigateur. Un changement qui fait naître bien des inquiétudes et qui signe certainement la fin d’une ère. Mais pour qui ? Pour le secteur ou pour Google ?

Qu’était-on en droit d’attendre d’un acteur comme Google…et de quoi a-t-il accouché ?

Pourquoi certains grands acteurs de l’IT ou de l’automobile sont-ils devenus les leaders incontestés de leur secteur ? Parce qu’ils ont su changer la donne et ont montré à l’ensemble de leur secteur qu’un autre chemin, plus innovant, était possible.

On n’en attendait pas moins d’un acteur qui pèse 2 000 milliards de dollars. Mais au lieu d’améliorer la publicité digitale et l’identité sur internet, Google a créé un chaos pour les annonceurs et les éditeurs qui présente peu d'avantages apparents pour le secteur. La Privacy Sandbox de Google Chrome, une suite de technologies et d’outils pour remplacer les cookies tiers, avait pourtant le potentiel de tirer l’ensemble du secteur vers le haut. Des milliers d'ingénieurs, les plus brillants au monde, ont passé plus de trois ans à créer un produit décevant, qui fait reculer le marché. Non seulement, la solution n’est - sans surprise - pas bénéfique pour l’internet ouvert (le reste du secteur en dehors des GAFAM), mais elle n’est tout simplement pas innovante.

Telle qu’elle est, la Privacy Sandbox limite le ciblage d'audience, obscurcit les données d’identification d’un utilisateur individuel, rendant ainsi la publicité multi-devices, la mesure et l’optimisation de la performance plus complexes, plus opaques et moins vérifiables. Cette approche, plus primitive, pourrait s’avérer être une régression pour les annonceurs. Avec pour conséquence pour les éditeurs de site web le risque de voir leurs revenus baisser, et donc la qualité de leurs contenus. Rappelons que le business model de la majorité des éditeurs en ligne repose sur cette source de revenus.

Tout leadership oblige ; ainsi l’intention de Google aurait dû être universelle et inspirante. Il aurait pu développer un écosystème florissant axé sur l’innovation et les opportunités de croissance. Mais ces concepts semblent aujourd’hui bien éloignés de la stratégie de Chrome. La plupart des experts du secteur considèrent que le géant se cache derrière la confidentialité et la complexité pour faire transiter plus de données par Google et qu’il espère en faire juste assez pour éviter de s’attirer l’attention des autorités antitrust.

Mais pour protéger la confidentialité des utilisateurs, il n'est pas nécessaire de créer un système qui entrave la génération de revenus des éditeurs de l’internet ouvert. Alors que les jardins clos continuent de construire des murs toujours plus haut - soi-disant au nom du respect de la vie privée - à bien des égards, il s’agit d’une formidable opportunité pour les acteurs de l’open internet de prendre l’initiative de construire quelque chose de mieux, une technologie interopérable et accessible à tous. Bonne nouvelle : le changement est déjà à l’œuvre.

Accueillons le changement

Le secteur de la publicité devrait accueillir les évolutions, plutôt que de les redouter.

Pendant que Google s’efforce de démanteler les anciennes infrastructures, d'autres entreprises créent de meilleurs outils qui améliorent l'échange de valeur entre la publicité pertinente et le contenu gratuit, tout en renforçant la protection de la vie privée des consommateurs. Ces pionniers développent des solutions d'identité alternatives, comme les ID authentifiées, qui fonctionnent sur tous les canaux publicitaires (télé connectée, audio, DOOH…) et répondent aux besoins de modélisation d’audience des annonceurs d'aujourd'hui.

Comme toute révolution technologique, il y aura des gagnants et des perdants. La fin des cookies tiers peut être un défi, mais aussi une chance pour un secteur qui sait saisir les opportunités et qui aspire à un internet nouveau et meilleur. L’histoire récente nous a d’ailleurs montré que les défis engendrent des opportunités.

2024 sera, à n’en pas douter, une année de changement, marquée par l'innovation et non la dépréciation. Tous les acteurs, annonceurs, éditeurs et entreprises de l’adtech devront s'adapter et innover s’ils veulent prospérer.