Denis Gaucher (Kantar Media) "Chez Kantar Media, l'IA générative est intégrée aux process de qualification des campagnes publicitaires digitales"
Impact de l'IA générative, nouvelle mesure du display, chantiers sur le retail media et la CTV. De passage au Cannes Lions, Denis Gaucher, CEO de Kantar Media, a partagé avec le JDN les premiers résultats d'une roadmap chargée.
JDN. Vous faites évoluer votre méthodologie de veille des campagnes publicitaires en display sur le web. Le lancement de votre nouvelle mesure est imminent. Où en êtes-vous ?

Denis Gaucher. L'année dernière nous avons décidé de développer un algorithme spécifique au marché français et non plus commun à la cinquantaine de pays où Kantar Media est présent. Cela nous permettra d'être plus agiles et d'intégrer toute la spécificité et la richesse des données auxquelles nous avons accès ici du fait de notre forte empreinte locale. C'est aussi un excellent moyen pour nous de collaborer étroitement avec le marché, sachant que le CESP (Centre d'Étude des Supports de Publicité, ndlr) nous accompagne dans ce processus. Dès cet été, nous allons commencer à communiquer plus activement sur cette nouvelle méthode de mesure. Nous espérons aboutir à une version finalisée d'ici à la fin de l'année.
Kantar Media ne fait pas encore de veille spécifique au retail media. Quand allez-vous vous lancer ?
La mesure de la pression publicitaire sur le retail media est en R&D chez nous et devrait être live d'ici la fin de l'année. Nous développons une technologie qui verra le jour dès la rentrée. Elle nous permettra de collecter de la donnée directement sur les sites des régies d'e-retail. Plusieurs régies collaborent avec nous. Nous proposerons ensuite avec l'Alliance Digitale une à deux fois par an un baromètre de l'e-retail media pour donner les grandes tendances de ce secteur.
Mais il y a un autre secteur qui me tient à cœur et sur lequel nos équipes R&D vont commencer à travailler dans les mois à venir : la mesure des campagnes publicitaires sur les plateformes de streaming vidéo sur l'OTT.
L'IA générative modifie-t-il votre manière de travailler ?
L'IA générative change la donne pour nous, tout d'abord en transformant radicalement l'analyse que nous pouvons faire des créations publicitaires sur le web et sur les réseaux sociaux. Notre métier consiste, entre autres, à collecter chaque campagne publicitaire, les qualifier et les indexer afin de mesurer la pression publicitaire. Je vous laisse imaginer la valeur que l'IA générative pourra représenter pour nous. Sans IA générative nous arrivions à la limite du système car nous ne disposions plus des ressources nécessaires pour qualifier cette masse infinie d'informations.
Cela fait un an que nous travaillons dessus. Nous avons commencé par sensibiliser tous nos collaborateurs, définir une charte puis développer des outils. Nous avons lancé des tests l'été dernier pour qualifier un volume très important de campagnes afin de renforcer nos estimations. Nous sommes en train de l'intégrer dans nos process. C'est une avancée considérable pour la qualité de nos données. Un point important à noter est que le coût de l'IA pour traiter ces informations, et notamment les vidéos, a considérablement baissé depuis un an, et devient beaucoup plus abordable.
L'autre volet de notre activité qui bénéficie de l'IA générative est la manipulation de notre base de données qui rassemble toutes les campagnes publicitaires et qui sert à nos planneurs stratégiques pour analyser les tendances de la pub à la demande des annonceurs. Ces professionnels perdaient un temps considérable à formuler les requêtes et à collecter l'information. Nous avons mis en place une IA qui mâche ce travail pour eux en leur donnant les grandes tendances et en les libérant pour des tâches d'analyse, beaucoup. L'impact sur l'activité est direct puisqu'en libérant du temps à nos équipes, nous pourrons répondre à davantage de demande et générer plus de croissance pour l'entreprise.
Vous êtes également une référence en matière de données par panel faisant le lien entre les profils des consommateurs et leurs préférences en termes de médias avec votre étude TGI. Vos données alimentent le ciblage contextuel des campagnes sur les plateformes d'achat média. La perspective de l'abandon des cookies tiers booste-t-elle le business de Kantar Media en France ?
Nous observons depuis un an une très forte augmentation de la demande pour ces segments de données de la part des annonceurs, qui viennent travailler directement avec nous. Comme par exemple L'Oréal, alors que jusque-là nous servions plutôt les agences et les plateformes. Au-delà du volet achat média, TGI est une mine d'informations pour l'étude du positionnement des marques et des produits et pour une meilleure compréhension des consommateurs potentiels. Du côté des plateformes en revanche, nous n'observons pas de pic de consommation de nos données pour l'instant. Mais cette explosion aura lieu parce que la donnée TGI est très détaillée et pointue et que le marché aura davantage besoin de ce type de data pour améliorer ses capacités de ciblage en l'absence des cookies tiers.
Vous avez trois activités. La veille et analyse publicitaire, l'étude consommateurs à travers TGI, et le conseil pour le sponsoring sportif. Laquelle est la plus dynamique ?
Les trois sont assez dynamiques, la veille des investissements et des créations publicitaires étant la plus importante, comptant grosso modo pour 70% de nos recettes, suivie des études consommateurs (TGI), 20%, et de l'analyse du sponsoring sportif, 5%. C'est un exploit de rester dynamique dans un marché qui est très fluctuant avec tout ce que nous traversons depuis quelques années. Nous sommes en croissance à un rythme similaire à celui de l'inflation ces dernières années après une période de légère décroissance vécue durant la crise sanitaire. Nous avons depuis dépassé nos niveaux de 2019. Nous avons aujourd'hui près de 300 collaborateurs et 600 clients en France, dont des agences média et créatives, des médias et une majorité d'annonceurs.