Etats-Unis, UE, GB... Les 4 procédures qui menacent Google d'un démantèlement

Etats-Unis, UE, GB... Les 4 procédures qui menacent Google d'un démantèlement La décision la plus radicale viendra sans doute des Etats-Unis, où les autorités ont accès à des informations beaucoup plus détaillées qu'en Europe.

Des deux côtés de l'Atlantique, l'étau se resserre fortement contre Google. Quatre procédures administratives et judiciaires d'envergure pour abus de position dominante en cours visent à forcer le géant à mettre fin à ses pratiques anticoncurrentielles. Dans trois d'entre elles, aux Etats-Unis, en Europe et au Royaume-Uni, l'entreprise est accusée d'abus de position dominante dans le marché publicitaire. Un quatrième procès, aux Etats-Unis, tranché le 5 août dernier par une décision qualifiée d'historique, reconnait sa culpabilité pour monopole dans le marché de la recherche en ligne.

Toutes ces procédures viennent s'ajouter à une décision déjà prise par l'Autorité de la concurrence française le 7 juin 2021, première au monde à reconnaître Google coupable d'abus de position dominante sur le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites en ligne et applications mobiles, mais qui s'est soldée par un accord à l'amiable et des remèdes non-structurels jugés insuffisants sur le long terme.

Désormais, toutes ces actions d'envergure, même si elles ont lieu dans des pays et continents différents, ont en commun de pointer les pratiques abusives de Google et de vouloir lui imposer des solutions structurelles pour en finir. "Des deux côtés de l'Atlantique, il y a une réflexion sur le démantèlement de Google. Mais la décision la plus radicale viendra sans doute des Etats-Unis, berceau de Google, où les autorités ont accès à des informations beaucoup plus détaillées qu'en Europe. Toute décision sera en revanche pondérée par la volonté de préserver la capacité d'innovation de Google. Et c'est ce qu'irriguera le monde ensuite. En Europe, les décisions, même les plus offensives, seront probablement plus ciblées", analyse Me Fayrouze Masmi-Dazi.

Une échéance de taille qui pourrait vite devenir palpable, dès la fin de l'année prochaine voire début 2026. Petit récap.

Le procès de Washington et sa décision historique

Le 5 août dernier, Google a été reconnu coupable par le juge Amith Mehta du tribunal fédéral de Washington de monopole dans la recherche en ligne, pratiques anticoncurrentielles afin de maintenir sa position et surfacturation de la publicité SEA. La phase de plaidoirie, débutée le 12 septembre 2023 et achevée en mai, faisait suite à une plainte déposée par le ministère de la Justice et 11 Etats américains le 20 octobre 2020.

Ils reprochent à Google d'avoir organisé sa position dominante dans le marché des moteurs de recherche en payant des dizaines de milliards de dollars les constructeurs de smartphones et fournisseurs de navigateurs et de moteurs de recherche pour s'assurer de l'installation par défaut de ses produits. De quoi lui garantir une domination sur le marché publicitaire lié aux requêtes sur les moteurs de recherche, soit le plus juteux pour Google, dont il a été démontré qu'il a manipulé les prix à la hausse. Cette décision et ce procès sont historiques, du jamais vu contre Google, qui a déjà indiqué vouloir faire appel de cette décision.

Mais un deuxième procès dans le procès a commencé le 6 septembre pour définir les mesures correctives qui devront être déployées pour en finir avec ces abus. Une étape qui prendra plusieurs mois avec notamment une nouvelle série d'audiences. Selon le juge Amith Mehta, une décision ne pourra être déterminée avant août 2025.

Le procès en cours dans l'Etat de Virginie, aux Etats-Unis

Déposée le 24 janvier 2023 contre Google par le ministère de la Justice (DOJ) et huit Etats américains, cette plainte contre Google pour pratiques anticoncurrentielles et monopole sur le marché des ad servers et des places de marché publicitaires, est entrée dans sa phase de plaidoirie le 9 septembre devant la juge Leonie Brinkema du tribunal d'Alexandria en Virginie. Le procès concerne l'intégralité de la chaîne publicitaire couverte par les technologies de Google, de l'offre à la demande.

L'étape des audiences devra durer au moins six semaines pour confronter les positions de l'accusation et de la défense sur la base de toutes les pièces qui ont été versées au procès jusque-là. Une décision pourrait-elle intervenir avant la fin de l'année ? A en juger le procès sur les pratiques anticoncurrentielles sur le marché des moteurs de recherche, il faudrait plutôt parier sur une décision au début de l'été prochain. Et il faudra ensuite attendre sans doute autant pour connaître les contours précis des remèdes structurels qui seront imposés à Google.

L'instruction en cours au sein de la Commission européenne

Tous les regards se tournaient ces derbières semaines vers la Commission européenne qui instruit une procédure formelle d'examen sur un possible comportement anticoncurrentiel de Google dans le secteur des technologies publicitaires en ligne depuis le 22 juin 2021. Même si aucun délai n'est fixé, certains experts pariaient qu'une décision finale serait imminente. Ne serait-ce que pour permettre de couronner symboliquement le mandat de Margrethe Vestager, commissaire européenne à la Concurrence, qui s'achève le 31 octobre. Mais rien ne semble acquis. L'avocat Damien Geradin va jusqu'à soutenir que cette décision ne sortira pas cette année. "La Commission européenne préfère attendre le jugement de l'affaire qui oppose le DOJ à Google aux Etats-Unis, c'est ce qu'elle a fait comprendre à mon client, l'European Publishers Council", a-t-il déclaré au Journal du Net.

Me Fayrouze Masmi-Dazi se montre plus modérée : "Si une décision semble proche, nous ne pouvons totalement exclure la possibilité que la Commission observe dans un esprit de cohérence et de coordination internationale le sort du procès en cours en Virginie avant de se prononcer. Une coordination sur les remèdes pourrait être fructueuse entre autorités. Sans compter que la décision d'un autre procès, cette fois-ci en cours à Paris, pourrait intéresser la CE." La spécialiste en droit de la concurrence fait référence à un procès en cours auprès du tribunal de commerce de Paris, dont le jugement est attendu le 21 octobre prochain, le premier du genre. Cette action menée contre Google par Equativ pour obtenir réparation des préjudices subis se base sur la décision de l'Autorité de la concurrence française.

Quoi qu'il en soit, la situation est tendue pour Google vu qu'à titre préliminaire, la Commission avait déjà estimé que l'entreprise a enfreint les règles de l'UE en matière de pratiques anticoncurrentielles en faussant la concurrence dans le secteur des technologies de publicité depuis 2014 au moins. La Commission a adopté cette décision préliminaire le 14 juin 2023, et a adressé à Google à cette occasion une communication des griefs.

Dès cette phase, la CE indiquait déjà qu'une "mesure corrective comportementale ne permettrait probablement pas de prévenir le risque de voir Google continuer à se livrer à de telles pratiques d'autopréférence ou en adopter de nouvelles", contrairement à l'Autorité de la concurrence française qui avait accepté de négocier avec Google pour l'adoption de remèdes comportementaux. Pour la CE, la cession obligatoire  d'une partie de ses services permettrait d'écarter les préoccupations en matière de concurrence. Rien cependant n'était joué d'avance puisque l'envoi d'une communication de griefs ne préjuge pas de l'issue de l'enquête.

L'instruction de la Competition and Markets Authority (CMA) au Royaume Uni

Le  6 septembre dernier, la CMA, autorité de la concurrence britannique, a rendu publiques ses conclusions provisoires en adressant à Google une communication de griefs dans le cadre d'une enquête ouverte le 26 mai 2022 : elle accuse Google d'abuser de sa position dominante depuis au moins 2015 en exploitant à la fois son ad server et ses outils d'achat pour renforcer la position de sa place de marché publicitaire, AdX, et restreindre la concurrence sur ce marché au Royaume-Uni.

Google doit désormais préparer sa défense et dispose de trois mois pour commencer à adresser sa réponse à la CMA, un processus qui peut s'étaler jusqu'au printemps prochain. Il s'ensuivra l'évaluation de ses réponses qui devrait se dérouler durant toute l'année prochaine avant qu'une décision finale ne soit rendue, selon les estimations de la CMA.