Comment se lancer dans l'e-retail media quand on est un petit marchand ?

Comment se lancer dans l'e-retail media quand on est un petit marchand ? L'activité peut vite devenir rentable, à condition de disposer d'un volume minimum d'audiences et de recettes.

Le retail media représente déjà un marché de plus d'un milliard d'euros en France et sa part dans le mix média des annonceurs grandit d'année en année, avec une croissance à deux chiffres. Cette juteuse source de revenus n'est pas réservée aux seuls grands distributeurs. A condition de respecter certaines conditions, l'activité peut s'avérer rentable au bout de quelques mois pour des sites marchands de moyenne et petite taille  selon les experts que nous avons consultés.

Les prérequis pour lancer son activité

Pour vous lancer, votre site doit avoir de l'audience et une bonne variété de produits et services. "Pour démarrer, 50 000 visiteurs uniques par mois est un minimum si le positionnement de votre site intéresse fortement les annonceurs", déclare Paul Astbury, directeur commercial chez Kevel. Avec ce strict minimum on lance ses premiers tests pour tâter le terrain et sans investir en technologie.

Pour une monétisation optimale en revanche, ce seuil minimum passe à 500 000 visiteurs uniques par mois, défendent certains de nos interlocuteurs. Sans cela, sauf à être un marchand de niche ultra différenciant ou dont la cible attire fortement les marques, il deviendrait compliqué de démontrer une capacité importante de distribution pour créer de l'engouement auprès des annonceurs. "Les e-marchands qui ne disposent pas de cette audience ont tout intérêt à packager leurs inventaires avec d'autres enseignes du même secteur. Cela permet de peser dans la négociation de la commercialisation de l'espace publicitaire tout en simplifiant la vie des industriels", lance Charles Deffontaine, CEO et fondateur de Trygr (Reworld Media). "Plus l'audience sera importante et intéressante pour l'annonceur, plus l'e-commerçant pourra valoriser son inventaire", explique Agathe Peyrelongue, directrice du développement de nouvelles solutions chez Catalina.

Le BtoB peut être une exception à cette règle car le panier moyen du secteur est souvent élevé : le distributeur sera un bon candidat s'il génère du chiffre malgré un trafic faible. Car le chiffre d'affaires est un autre élément de cette équation : le trafic n'aura aucune valeur s'il n'est pas associé à un chiffre d'affaires minimal. "Nous n'accompagnons pas de sites distributeurs dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à un million d'euros", précise Charles Deffontaine.

Quant à l'importance de la "profondeur du catalogue", la raison est que plus il y aura des produits, plus l'e-marchand aura des chances de donner envie à ses fournisseurs de venir investir en publicité chez lui. "La grosse problématique des plus petits, c'est qu'ils ne référencent qu'une partie du catalogue des industriels", explique Charles Deffontaine.

Un troisième élément stratégique est la qualité de la relation entre l'e-marchand et ses fournisseurs. "C'est un aspect primordial : souvent les plus petits retailers ne disposent pas de relation directe avec la marque, mais passent par des intermédiaires. Or il est fondamental de disposer d'une relation directe avec la marque pour faciliter la mise en place du retail media car la marque saura combien l'e-commerçant pèse dans sa distribution", ajoute l'expert.

Technologies et modèles économiques

Pour tester son potentiel, l'e-commerçant peut dans un premier temps activer des campagnes de mise en avant de type trade marketing sur Google Ads et sur le social puis sur son propre site, en s'appuyant sur son CMS et ses outils de merchandising.

Pour accélérer cependant, il devra soit embaucher une équipe dédiée à la commercialisation de ses inventaires et à l'activation des campagnes soit faire appel à des régies externes. Ces professionnels pourront lui conseiller les solutions technologiques adaptées qui lui permettront d'automatiser l'activation des campagnes, proposer des formats plus sophistiqués avec des logiques d'enchères et mesurer les résultats avec la génération de reportings détaillés.

"C'est la technologie qui rend possible le création d'une ligne de revenus de retail media. C'est elle qui renforce le ROI des marques en conférant énormément de puissance aux campagnes grâce au ciblage des contextes et des audiences et à la mise à disposition de formats innovants. Par ailleurs, la richesse des données de reporting et la transparence sur les résultats sont la clé pour rassurer et fidéliser les annonceurs", déclare Florence Bréban, cofondatrice de Datagram. A noter l'importance du choix d'une technologie modulable : "La technologie doit être suffisamment flexible pour s'adapter à l'évolution de l'activité de l'e-commerçant et du retail media", suggère Agathe Peyrelongue.

Quand elles fournissent un accompagnement commercial, les technologies proposent un modèle de partage de revenus, la part ponctionnée pouvant monter jusqu'à 50% du CPM. L'intérêt pour l'e-marchand, c'est de ne pas débourser un centime en technologie ni d'embaucher des équipes spécialisées. Les prestataires purement technologiques sont quant à eux en mode SaaS.

Il est recommandé au départ de garder chez soi – via ses équipes ou sa régie – la prérogative de programmation des campagnes. L'option d'ouvrir ses inventaires aux annonceurs en mode libre-service peut cependant contribuer à développer l'activité tout en baissant les coûts du retailer. "Le libre-service plaît beaucoup aux annonceurs y compris les plus petits car cela les rend autonomes", commente Florence Bréban. Mais à condition d'être très simple d'utilisation : "L'expérience doit répondre aux besoins des annonceurs", précise Paul Astbury.

Revenus potentiels et rentabilité

La promesse du retail media est d'offrir une bonne rentabilité en très peu de temps à l'e-commerçant. "Entre 3 et 6 mois, l'e-retailer dispose déjà d'un ROI positif", explique Paul Astbury.

Selon nos interlocuteurs, un chiffre d'affaires publicitaire raisonnable à atteindre au début correspond à 1 voire 2% des recettes annuelles de l'e-commerce. "Ce qui compte n'est pas tant le volume des recettes mais leur contribution à la marge du distributeur. En e-commerce les marges sont relativement faibles, tandis qu'en média elles peuvent monter à 80%", conclut Charles Deffontaine. Pour la petite histoire, les recettes publicitaires d'Amazon, première source de profits de l'e-marchand, ont représenté 8% de son chiffre d'affaires marketplace en 2023.

Au-delà de la ligne de revenus additionnelle, le retail media offre l'intérêt de booster les ventes en augmentant la visibilité des partenaires industriels. Mais attention à ne pas vous brûler les ailes : "Ce qui attire les marques est le ROI généré : pour le nombre de produits vendus, il ne faut pas que le coût de l'espace média soit trop important", prévient Florence Bréban.