Andrew Casale (Index Exchange) "Une nouvelle vague d'adtech boostée à l'IA est en préparation"
Lors de son passage à Cannes, Andrew Casale, CEO d'Index Exchange, nous assure que le search ne générera bientôt plus de trafic aux publishers et que les places de marché publicitaires devront se réinventer avec l'aide de start-up bâties sur l'IA.
JDN. Index Exchange a annoncé en juin un accord inédit de partenariat de plusieurs millions de dollars avec le fonds d'investissement First Party Capital. Quel est votre objectif ?

Andrew Casale. C'est en effet la première fois que nous avons cette initiative et ce ne sera probablement pas la seule. Nous observons qu'une nouvelle vague d'adtech est en préparation, boostée par l'IA. Je rencontre de nombreux entrepreneurs qui construisent leurs entreprises sur l'IA. Elle change leur manière de trouver des solutions aux besoins de notre secteur. Notre écosystème tout entier va beaucoup changer. Et nous pouvons aider ces start-up à se développer plus vite de deux manières : en leur permettant de s'appuyer sur notre infrastructure et en les aidant à trouver des capitaux. Index s'efforce d'être une couche d'infrastructure la plus fine et efficace possible pour le marché. L'open web a besoin d'innover pour contrer les Gafam et ces start-up seront là pour répondre à ce défi.
En dehors de la CTV et du retail media, l'open web perd énormément de terrain. L'IA pour ces acteurs représente aussi une sorte de menace, selon comment les agents afficheront leurs sources. Vous qui souhaitez dynamiser l'open web, qu'en pensez-vous ?
Nous vivons une époque de changement, de transition. C'est sûr, l'open web n'est plus en croissance, mais il est encore très important. Le reach de l'open web est énorme. Chaque seconde, 21 millions d'ad resquests transitent chez Index. Certes, le trafic change. Nos clients publishers commencent à vivre avec le search ce qu'ils ont expérimenté avec le social il y a cinq ans, quand les changements opérés par Facebook ont entrainé une disparition brutale du trafic. Google opère des changements dans le search avec Gemini et je pense que nos clients verront chuter leur trafic dans les deux et trois prochaines années. Le changement sera considérable, et le trafic provenant du search finira par disparaître, je le pense sincèrement.
Les éditeurs savent qu'ils ont besoin que les consommateurs viennent chez eux et ils trouvent différentes manières de les attirer et de réinventer leur relation : via des newsletters, des notifications et des stratégies mêlant des walls avec du contenu exclusif pour les fidéliser, etc. L'avènement d'internet a placé des intermédiaires entre les médias et les lecteurs, et les premiers veulent maintenant réinstaurer cette relation directe. Cette transformation prendra du temps et passera par une consolidation au sein de ce secteur, c'est sûr. Mais je ne pense pas une seule minute que l'open web va disparaître.
L'open web a un deuxième problème qui est majeur : il est économique. L'économie de l'open web n'est nullement comparable à celle d'un Facebook. Or, l'open web est notre business. C'est pour cela que nous faisons tout notre possible pour faire en sorte que nos clients publishers soient des destinations de choix. C'est précisément pour cela que nous investissons.
Quel type de start-up souhaitez-vous accélérer ?
Un des principaux enjeux est les algorithmes. Le but est de partir du besoin des annonceurs pour choisir les audiences et répondre encore mieux et plus vite aux KPI de performance. Faire sur l'open web en quelque sorte ce que font très bien Google et Facebook, avec leurs modèles automatisés.
Mais n'est-ce pas déjà la promesse des places de marché programmatiques ?
Il nous faut des modèles plus avancés et il nous faut une data qui soit plus convergente pour entraîner les modèles.
Et concernant l'IA ?
L'introduction de l'IA agentique pour le set-up des campagnes est l'étape d'après. Tout le monde souhaite y aller mais l'IA agentique est encore beaucoup trop jeune, même si c'est une idée très excitante.
Scope3 est déjà en train de le faire. Vous en pensez quoi ?
Nous sommes des partenaires très proches de Scope3 et nous contribuons à concrétiser ce qu'ils font. Ils innovent très vite, et c'est très bien.
L'arrivée des LLM dans le media trading va-t-elle changer son fonctionnement de manière radicale ?
C'est ce qu'il va se passer et nous n'avons pas le choix. Nous avons besoin des mêmes techniques que celles utilisées par Google ou Facebook pour apporter plus de performance aux annonceurs. J'ai vu quelques démos d'entreprises qui sont très intéressantes. Imaginez un avenir où la publicité sera créée en temps réel sur la base des guidelines de la marque et de ce que le lecteur consulte à l'instant T. Une des start-up les plus impressionnantes que j'ai vues utilise l'IA générative pour identifier en temps réel la page et l'état d'esprit pour y intégrer le message qui l'épouse véritablement. Cela génère beaucoup plus d'engagement auprès des consommateurs.
Quelles sont vos autres priorités pour cette année ?
Le marché du streaming continue d'être un secteur prioritaire pour nous (Index travaille avec M6, RMC BFM Ads, AMC Networks, CNN Europe, Dazn, Dailymotion, NewsUK, Paramount Global, FuboTV, Roku, Warner Bros. Discovery, etc, ndlr.). Nos investissements en innovation dans ce secteur concernent les émissions en direct qui présentent des challenges considérables.
La majorité de l'activité d'Index se passe en Amérique du Nord. Et en Europe, comment évolue-t-elle ?
Plus de 70% de nos recettes sont générées aux Etats-Unis en effet, mais l'Europe compte pour 20% des recettes d'Index, ce qui est loin d'être négligeable. Notre activité y croît rapidement, notamment en Allemagne, en France et au Royaume-Uni.
Vous avez témoigné dans le procès qui a amené à la condamnation de Google pour abus de position dominante sur les technologies publicitaires servant les publishers. Quels remèdes seront adoptés pour obliger Google à changer ses pratiques ?
Le procès concernant les remèdes à adopter dans le cadre de ce procès va démarrer en septembre. Google a été reconnu coupable de pratiques anticoncurrentielles sur trois points : sa place de marché Adx, son ad server GAM et le fait de lier Adx à GAM. Pour ce qui est des remèdes, j'espère que des changements structurels auront lieu. Ce sera au juge de décider mais nous pouvons imaginer demain que le plus logique soit que GAM et Adx soient séparés de DV360.