Kamel El Hadef (Audion) "YouTube est le moteur de la croissance des campagnes publicitaires audio"

Dans un marché publicitaire morose, l'audio tire son épingle du jeu porté par... la vidéo. Les explications de Kamel El Hadef, cofondateur d'Audion.

Kamel El Hadef est le cofondateur d’Audion. © MaryLou_Mauricio

JDN. Comment analysez-vous chez Audion l’état du marché publicitaire en France à l’approche de 2026 ?

Kamel El Hadef. Les derniers chiffres globaux font état d’un marché de l’offline (presse, TV, radio) en contraction, qui subit de plein fouet la puissance des plateformes et une évolution des consommations. Aujourd’hui, un HugoDécrypte est plus puissant sur les moins de 35 ans que Le Monde, Le Figaro et Libération réunis, ce qui donne une belle illustration du basculement qui s’est opéré dans les usages. S’ajoute à cela le contexte macroéconomique et international qui ne favorise pas la consommation, sans parler de l’instabilité politique en France. Les entreprises sont par conséquent prudentes, et dans ce contexte elles limitent les budgets de communication. Il est par conséquent difficile de dire ce que 2026 réserve au marché.

Ce qui est sûr en revanche, c'est que même si la croissance ralentit, elle sera encore au rendez-vous sur le digital. Concernant notre marché de l’audio digital qui est tout petit comparativement à celui de la télévision ou de la radio, il se porte plutôt très bien avec une croissance à deux chiffres, ce qui relève d’une très bonne dose de résilience dans un contexte macro défavorable en France (les recettes de publicité audio digital, plateformes comprises, sont de 64 millions d’euros en France au premier semestre selon l’Observatoire de l’ePub ; celles de la radio et de la télévision, offline compris, sont respectivement de 287 millions d’euros et 1,6 milliard d’euros sur la même période selon le Bump, ndlr).

L’audio digital continue effectivement de se développer très fortement (+22% au premier semestre sur un an). Quels sont les moteurs de cette croissance ?

Nous sommes convaincus que le confinement a aidé à développer l’écoute de podcasts, et donc l’offre de ces contenus par les plateformes, dont notamment Spotify qui l’a beaucoup poussée. L’essor de l’audio digital vient de cette montée en puissance de l’écoute des podcasts natifs d’acteurs indépendants.

Mais il y a une autre évolution majeure qui explique l’essor de l’audio digital : la convergence entre audio et vidéo. Outre les plateformes audio, telles que Spotify ou Apple Podcast, les podcasts sont désormais également disponibles sur YouTube en format vidéo. On appelle cela le podcast vidéo. La majorité des podcasteurs se filment et une part importante des audiences de YouTube, autour de 30%, écoutent les contenus au lieu de voir les vidéos.

Aujourd’hui, on peut affirmer, sans hésiter, que les audiences de la publicité digitale sont massivement chez YouTube. Avec l’essor du podcast vidéo, c’est YouTube qui tire la croissance des campagnes audio. Et je suis convaincu que cette croissance va continuer de s’accélérer dans les deux ou trois prochaines années. Pour l’annonceur, peu importe si le contenu est consommé sur une plateforme audio ou vidéo. Ce qui compte, c’est l’effet de masse, la pertinence du ciblage de sa campagne audio et les résultats qu’il en tire, qui sont au rendez-vous en audio digital.

Enfin, un autre moteur de croissance est l’écoute (et la production) de contenus originaux chez les chaînes radios, en plus du replay des émissions. L’audio digital inclut également l’activation de publicité au sein des contenus musicaux des plateformes de streaming, dans le cas d’abonnements non premium.

Comment se porte Audion, huit ans après sa création ?

Audion continue de croître fortement, de 50% en moyenne chaque année, ces deux dernières années. Nous bénéficions d’un marché en forte croissance et du développement de notre plateforme technologique. Nous servons aujourd’hui un peu plus de 500 marques actives et la totalité des agences médias, big 5 et indépendants. Nous allons finaliser 2025 avec un chiffre d’affaires à huit chiffres. Nous sommes rentables et nous continuons de recruter. Audion emploie un peu plus de quarante personnes distribuées entre notre siège à Paris et nos bureaux à Amsterdam, Bruxelles, Londres, Milan et, dès le 1er janvier, à Hambourg.

Audion s’est positionné très tôt sur ce marché, mais la concurrence est rude avec des acteurs français, européens et internationaux. Quelle est sa différence ?

L’audio digital est un écosystème ultra fragmenté : un acheteur média d’une agence est obligé de trader sur trois voire quatre plateformes d’achat différentes pour activer la campagne d’audio digital de son client annonceur. Cela multiplie par quatre ses frais et ses probabilités d’avoir des erreurs techniques. Notre proposition de valeur dans ce cas est de lui servir de guichet unique. Audion simplifie l’accès à ce marché avec, dedans, du Spotify, du YouTube, de l’Amazon Music, des radios, du podcast natif, etc. Nous pouvons aujourd’hui atteindre 80% des inventaires disponibles sur le marché français (nous ne travaillons pas avec Hugo Décrypte, c’est important de le préciser) et nous sommes en mesure d’activer des campagnes dans une vingtaine de pays.

Le gros de votre business vient de votre plateforme d’achat audio sur l’open RTB. Equipez-vous toujours les éditeurs ?

Nous équipons des éditeurs de podcast natif comme Slate ou Prisma Media avec une plateforme d’hébergement, de distribution et de monétisation. Nous travaillons également avec des dizaines d’éditeurs, dont des chaînes radio comme RTL, RMC, la BBC, et des plateformes telles que Spotify, que nous n’équipons pas mais avec lesquels nous avons des accords de revente d’inventaires.

Pour l’achat d’inventaires sur l’open RTB pour nos clients annonceurs, nous utilisons à la fois des DSP tiers, comme DV360, et notre propre bidder connecté à des SSP, comme AdsWizz ou Triton, et à des publishers en direct. Nous avons beaucoup investi dans notre technologie pour offrir aux annonceurs des capacités de ciblage, de DCO (optimisation automatique des créas, ndlr) et de mesure de l’impact des campagnes.

Quels sont les points forts de votre feuille de route pour 2026 ?

Nous travaillons sur le lancement d’une nouvelle technologie à base d’IA pour améliorer de manière disruptive la performance de la publicité audio digital. Rendez-vous en 2026 pour en savoir plus.