Banques et prêts LBO : la BCE et la Banque d'Angleterre renforcent la pression
Face à la multiplication des prêts à effet de levier, les régulateurs européens intensifient la surveillance des banques. La BCE pourrait exiger jusqu'à 13 milliards d'euros de réserves supplémentaires pour couvrir les risques de défaut liés à ces crédits, tandis que la Banque d'Angleterre s'attaque à de nouvelles formes de financement comme le "NAV financing".
Un marché en pleine expansion sous haute surveillance
Les prêts à effet de levier, souvent utilisés dans les acquisitions d'entreprises par le biais de dettes, sont au centre des préoccupations des régulateurs européens. En août 2023, les volumes de ces crédits ont doublé par rapport à l'année précédente, atteignant 204 milliards d'euros en Europe, selon des données rapportées par Bloomberg et relayées par Les Echos.
À la fin du premier trimestre, les encours de ces prêts étaient déjà proches de 468 milliards d'euros, une augmentation inquiétante dans un contexte de hausse des taux d'intérêt et d'inflation.
Ces prêts, souvent adossés à des entreprises avec des niveaux de dette élevés, représentent un risque accru pour les banques. L'impact est tel que des institutions majeures comme BNP Paribas, Société Générale, Deutsche Bank, ainsi que les branches européennes de grandes banques américaines comme JP Morgan et Bank of America, sont dans le viseur de la BCE.
"Nous devons examiner les prêts à effet de levier, mais nous devons conduire cet examen de manière sophistiquée", a déclaré Tom Dechaene, membre du Conseil de surveillance de la BCE.
Ce bras de fer entre la BCE et les banques a pris de l'ampleur cet été, lorsque la BCE a réaffirmé en août l'importance de sa revue des risques liés à ces prêts, repoussant la publication des résultats à septembre.
Des exigences en capital renforcées et des tensions avec les banques
La BCE envisage d'imposer aux banques des réserves supplémentaires pouvant aller jusqu'à 13 milliards d'euros, selon Bloomberg. Cette exigence découle de la volonté de protéger le secteur bancaire contre les risques potentiels de défauts sur les prêts à effet de levier. Toutefois, ce chiffre pourrait être revu à la baisse, à environ 7 milliards d'euros, alors que la BCE continue d'évaluer la situation.
Les banques, de leur côté, contestent les méthodes utilisées par la BCE pour évaluer les risques. Les examens sont menés par des équipes qui ne sont pas chargées du suivi quotidien des banques ou par des consultants externes sans une compréhension approfondie des processus internes, selon elles. Les banques reprochent notamment à la BCE de classer certains prêts comme proches du défaut, alors que les entreprises concernées continuent de rembourser leurs dettes.
De son côté, la Banque d'Angleterre a émis des avertissements similaires. En juin, elle a mis en garde contre l'essor du "NAV financing", un mécanisme de financement qui permet aux fonds de private equity d'obtenir des prêts en s'appuyant sur la valeur nette de leurs portefeuilles. Ce type de financement, en pleine expansion, représente un marché mondial de plus de 100 milliards de dollars
Exemple concret de l'exposition bancaire
Un exemple frappant des difficultés posées par ces prêts à effet de levier, cité par Les Echos, est l'implication de BNP Paribas et Société Générale dans le financement de 13 milliards de dollars pour l'acquisition du réseau social X (anciennement Twitter) par Elon Musk.
Ce prêt est devenu un véritable fardeau financier pour les banques françaises, qui peinent à revendre leur participation à ce crédit. En effet, la montée des taux d'intérêt a significativement accru le coût en capital pour les banques, avec des pertes potentielles estimées à 4 milliards de dollars pour l'ensemble des institutions concernées.
Société Générale a récemment réduit son exposition à ce prêt de plus de moitié, tandis que BNP Paribas reste exposée à hauteur de 650 millions de dollars.