Ubisoft : Une grève inédite secoue les studios français, télétravail et avenir en jeu

Ubisoft : Une grève inédite secoue les studios français, télétravail et avenir en jeu Face à des résultats financiers en baisse et des rumeurs de rachat, le géant du jeu vidéo français doit également faire face à un mécontentement croissant parmi ses employés.

Le géant français du jeu vidéo Ubisoft traverse une période de turbulences, marquée par une nouvelle grève de ses salariés, la deuxième de l'année. Ce mouvement, déclenché par les syndicats, reflète le mécontentement général face à la révision des conditions de télétravail et s'accompagne de difficultés économiques persistantes pour l'entreprise. Entre tensions sociales et pressions financières, Ubisoft est en pleine crise.

Une grève centrée sur le télétravail et les conditions de travail

Les syndicats, dont le Syndicat des travailleurs du jeu vidéo (STJV), ont appelé les salariés d'Ubisoft à cesser le travail du mardi 15 octobre au jeudi 17 octobre 2024. Cette grève fait suite à la décision de l'entreprise d'imposer un minimum de trois jours de présence au bureau par semaine, une politique qui s'applique aux 4 000 employés du groupe en France. 

Cette décision "remet en question toute l'organisation de leur vie", a expliqué Clément Montigny, délégué STJV, cité par Challenges. Il fait référence à de nombreux employés qui ont été embauchés avec la promesse d'un télétravail partiel, notamment après la pandémie, et qui ont structuré leur vie en conséquence.

Cette décision, qualifiée de "goutte d'eau qui a fait déborder le vase" par plusieurs représentants syndicaux, intervient dans un contexte déjà tendu. Selon Marc Rutschlé, délégué syndical de Solidaires informatique, "c'est une décision qui est assez injuste. On revient sur un droit que les salariés ont acquis récemment. Entre-temps, on a des collègues qui ont déménagé, qui ont acheté des maisons... Comment vont-ils faire quand il s'agit de revenir trois jours par semaine ?", s'est-il interrogé, cité par France Info.

Difficultés financières et rumeurs de rachat

Cette grève tombe au pire moment pour Ubisoft, dont la situation financière est fragilisée par une série d'échecs commerciaux. Plusieurs jeux récents, dont Star Wars Outlaws, ont enregistré des ventes en dessous des attentes.

Yves Guillemot, PDG d'Ubisoft, a reconnu que les ventes étaient "plus faibles que prévu", ce qui a poussé l'entreprise à revoir à la baisse ses prévisions financières pour l'année en cours. De plus, la sortie du prochain volet d'Assassin's Creed, initialement prévue pour novembre 2024, a été repoussée à février 2025 afin de permettre aux équipes de finaliser le développement.

L'impact de ces contre-performances est visible sur les marchés financiers. Depuis le début de l'année, l'action d'Ubisoft a chuté de plus de 40%, atteignant en septembre son niveau le plus bas en dix ans.

À ces difficultés s'ajoutent des rumeurs persistantes concernant un éventuel rachat par Tencent, le géant chinois de la tech, qui détient déjà environ 10% du capital d'Ubisoft. Début octobre, Bloomberg a rapporté que Tencent et la famille Guillemot, actionnaire principal, pourraient envisager de retirer Ubisoft de la Bourse. Cette nouvelle a immédiatement suscité des réactions sur les marchés, avec une hausse soudaine de 30% de l'action Ubisoft le jour de l'annonce.

Cependant, cette situation a également éveillé des soupçons de délit d'initié, après qu'un internaute a repéré un ordre d'achat massif avant la publication de l'information par Bloomberg.

Une entreprise critiquée de toutes parts

Ubisoft est également sous le feu des critiques, tant sur les réseaux sociaux que parmi ses propres employés. Un phénomène surnommé "Ubi-bashing" s'est développé ces dernières années, illustrant la frustration croissante des joueurs face à ce qu'ils perçoivent comme une uniformisation des jeux d'Ubisoft.

De plus, plusieurs développeurs d'Ubisoft ont été la cible de harcèlement en ligne, notamment lorsque des jeux mettent en avant des personnages féminins ou issus de minorités.

Alors que la grève se poursuit, la direction d'Ubisoft affirme vouloir affiner son modèle pour mieux équilibrer les avantages du travail à distance et en présentiel. Des discussions sont en cours avec les syndicats, mais ces derniers attendent des gestes plus concrets.