Stratégie énergétique : le Haut Conseil pour le climat pointe des lacunes inquiétantes

Stratégie énergétique : le Haut Conseil pour le climat pointe des lacunes inquiétantes Entre consommation énergétique excessive, financements flous et absence de cadre juridique contraignant, la nouvelle programmation énergétique suscite de vives interrogations sur la capacité de la France à respecter ses engagements climatiques.

La nouvelle Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), censée guider la transition énergétique française jusqu'en 2035, est jugée insuffisante par le Haut Conseil pour le climat (HCC). Dans son avis rendu public ce 31 janvier, l'instance indépendante pointe un manque de cohérence avec les engagements européens et des financements flous pour certaines mesures clés.

Un décalage avec les objectifs européens et un manque de transparence

La PPE, mise en consultation en novembre dernier, fixe les grandes orientations énergétiques du pays, comme le rappelle La Tribune. Pourtant, le HCC relève une incohérence majeure : la consommation d'énergie finale prévue en 2030 excède de 150 térawattheures (TWh) l'objectif fixé par l'Union européenne dans le cadre du paquet "Fit for 55". Une différence qualifiée de "énorme" par Michel Colombier, membre du HCC, qui ajoute : "Il faudrait l'expliquer", cité dans Les Échos.

L'instance regrette aussi le manque de transparence sur les hypothèses qui fondent cette feuille de route. Aucune analyse détaillée de l'efficacité des mesures mises en place lors des précédentes PPE n'a été réalisée, alors que certaines sont reconduites. Cette absence de retour d'expérience rend difficile l'évaluation de l'impact réel des choix retenus pour la décennie à venir.

Par ailleurs, plusieurs secteurs stratégiques sont laissés de côté. "La PPE ne tient pas compte des transports aériens et maritimes, alors qu'ils auront besoin de biomasse pour se décarboner", souligne Diane Strauss, membre du HCC. Or, ces secteurs figurent parmi les plus difficiles à verdir, ce qui renforce les incertitudes sur la viabilité du plan énergétique français.

Des financements flous et des objectifs partiels

Le HCC alerte également sur l'absence de chiffrage précis pour plusieurs mesures. La mobilité propre, qui constitue un levier essentiel pour la transition énergétique, manque d'un plan de financement clair. Certaines aides à la rénovation énergétique, comme MaPrimeRénov' ou le fonds chaleur, ont récemment subi des coupes budgétaires, soulevant des doutes sur la capacité du gouvernement à accompagner la transition.

D'autres lacunes concernent la filière biomasse, un élément central de la transition. "Il y a encore beaucoup d'incertitudes. Il faudrait donc adopter rapidement une stratégie nationale sur le sujet", insiste Michel Colombier.

Enfin, le HCC pointe l'absence d'analyse sur la résilience du système énergétique face au changement climatique. Aucune simulation n'a été réalisée pour mesurer l'impact potentiel des événements climatiques extrêmes sur la production et la distribution d'énergie, un point jugé préoccupant à l'heure où les crises énergétiques se multiplient en Europe.

Un cadre juridique incertain et des inquiétudes budgétaires

Contrairement à d'autres pays européens, la France n'a pas inscrit sa stratégie énergétique dans une loi, ce qui soulève des interrogations sur sa force contraignante. "Il est important que ses dispositions soient opposables, sinon elles n'auront pas beaucoup d'impact", a déclaré Jean-François Soussana, président du HCC.

Enfin, le budget 2025 vient accentuer les inquiétudes du HCC. La réduction des crédits alloués à la transition énergétique pourrait entraîner des décalages importants dans la mise en œuvre des objectifs affichés. Des dispositifs essentiels, comme le fonds vert ou le verdissement du parc automobile, risquent d'être insuffisamment financés, mettant en péril l'atteinte des engagements pris pour 2030.