Facturation électronique : Bercy face au report qui menace des milliards d'euros de recettes
Prévue dès septembre 2026 pour toutes les entreprises, la généralisation de la facturation électronique est remise en cause par un amendement voté fin mars. Si ce texte est validé en séance publique, il entraînera un report d'un an pour toutes les tailles d'entreprise. Un scénario qui met en péril les recettes espérées par l'État et qui inquiète les professionnels déjà engagés dans la transition.
Une réforme à nouveau repoussée par les députés
La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté, le 24 mars, un amendement qui repousse d'un an le calendrier initial. Porté par le député Christophe Naegelen (groupe Liot), le texte prévoit que les grandes entreprises et ETI basculent en septembre 2027, contre septembre 2026 prévu. Les PME auraient jusqu'à septembre 2028. Le vote a eu lieu tard le soir, en présence de quinze députés, selon dafMAG. Il doit encore être confirmé en séance publique à partir du 8 avril.
Ce nouveau décalage, proposé au nom de la simplification, s'appuie sur un argument récurrent : l'État a renoncé à mettre en place une plateforme publique gratuite de facturation. Les entreprises doivent donc se tourner vers des prestataires privés agréés, ce qui génère des coûts supplémentaires, notamment pour les plus petites structures.
Un enjeu budgétaire crucial pour l'administration fiscale
La réforme vise à améliorer la collecte de la TVA en suivant plus précisément les flux de facturation entre entreprises. L'écart fiscal, estimé entre 6 et 10 milliards d'euros chaque année selon la direction générale des finances publiques, pourrait ainsi être réduit grâce à une meilleure traçabilité. "Le rendement de la facturation électronique se compte en milliards d'euros", a affirmé Amélie Verdier lors d'une audition au Sénat, citée par Les Échos.
Pour Bercy, ce report risque d'obliger l'État à renoncer temporairement à une source de recettes précieuses. Le cabinet de la ministre des Comptes publics a indiqué que le gouvernement entend rétablir le calendrier initial, en déposant un amendement en ce sens lors de l'examen à venir.
Des acteurs économiques mobilisés contre le report
Du côté des professionnels du secteur, l'inquiétude monte. Le Conseil national de l'ordre des experts-comptables déplore une décision sans bénéfice concret. "Ce changement de calendrier crée de l'incertitude, sans offrir de véritable solution", a estimé son président, Damien Charrier. Il recommande aux entreprises de ne pas suspendre leur préparation.
Thierry Hardion, vice-président de l'association SDDS, redoute une perte de dynamique. Il alerte également sur l'impact économique pour les plateformes privées, qui ont anticipé des volumes dès 2026. "Retarder sa mise en œuvre revient à différer des rentrées fiscales importantes", a-t-il rappelé.
Contrairement aux reports précédents, celui-ci ne repose pas sur une difficulté technique. "Toutes les parties prenantes sont aujourd'hui en ordre de marche", insiste Damien Charrier. Pour l'heure, les entreprises sont appelées à maintenir le cap, en attendant le verdict définitif du Parlement.