La fibre française s'implante en Ukraine : un chantier stratégique en temps de guerre
En Ukraine, une partie importante des infrastructures télécoms reste hors service depuis le début de la guerre. La France intervient désormais dans leur reconstruction, en lançant un projet de déploiement de fibre optique à l'ouest du pays. Une première étape issue d'un partenariat entre opérateurs français et ukrainiens.
Une collaboration issue de l'expertise française
Lors de la quatrième Conférence internationale de Rome pour la reconstruction de l'Ukraine, le 10 juillet 2025, Philippe Le Grand, président de l'opérateur français Teleos et ancien dirigeant d'InfraNum, a officialisé un accord avec HomeNet, un fournisseur d'accès ukrainien. Ce partenariat prévoit l'installation de 1 000 à 2 000 prises FTTH dans la ville de Khmelnitski, située entre Lviv et Kiev, pour un coût compris entre 200 000 et 250 000 euros.
Ce projet pilote est financé via le FASEP, le fonds d'études du Trésor français, et s'inscrit dans une logique de mutualisation inspirée des réseaux d'initiative publique développés en France. À moyen terme, les deux entreprises prévoient l'installation de 500 000 prises pour un budget total de 40 millions d'euros. Des discussions sont en cours avec la Banque mondiale, la BERD, la BEI et le fonds Horizon Capital pour financer ce déploiement.
"Nous arrivons dans la phase opérationnelle", a déclaré Philippe Le Grand à Rome, cité par Les Échos, où la conférence a rassemblé près de 5 000 participants.
Une société conjointe de droit ukrainien est envisagée début 2026 pour la gestion commerciale de ce réseau. L'objectif affiché est d'offrir une infrastructure ouverte à tous les opérateurs, dans un pays où les télécoms sont encore très fragmentés.
Un marché fragmenté et un besoin de consolidation
Selon la Commission nationale ukrainienne de régulation des communications (NCCIR), plus de 1 000 opérateurs télécoms coexistent actuellement en Ukraine. Certains ne comptent que quelques centaines de prises fibre. Dans ce contexte, Teleos (15 millions d'euros de chiffre d'affaires) et HomeNet (230 000 clients, 650 salariés) souhaitent uniformiser le marché avec une infrastructure commune.
La formation de la main-d'œuvre constitue un point critique. Teleos envisage de faire appel à des centres français pour former des exilés ukrainiens, qui pourraient ensuite revenir travailler sur place. "La première difficulté est la ressource humaine", insiste Philippe Le Grand.
En parallèle, Xavier Niel a également renforcé sa présence dans les télécoms ukrainiens en rachetant en 2024, via sa holding NJJ, les groupes Lifecell et Datagroup-Volia, formant un nouvel acteur fixe-mobile soutenu par un prêt de 435 millions de dollars de la Banque mondiale et de la BERD. Cette opération est qualifiée de plus gros investissement privé dans le pays depuis 2022, avec un engagement total prévu de 1,5 milliard de dollars sur cinq ans.
Des choix technologiques adaptés à un pays en guerre
Dans un contexte de conflit actif, la question de la résilience des infrastructures reste centrale. Le déploiement de la fibre par Teleos repose sur la technologie GPON, jugée moins dépendante en énergie pour les équipements intermédiaires. En complément, plusieurs solutions alternatives sont évoquées : faisceaux hertziens, boucles locales radio, 5G privée, ou satellites en orbite basse.
Sur ce dernier point, Philippe Le Grand précise qu'"il est hors de question de mettre le moindre euro dans Starlink", très utilisé par les forces ukrainiennes, préférant s'orienter vers OneWeb, le réseau satellite d'Eutelsat.