Taux, dette, instabilité : la BCE face à un casse‑tête européen
La BCE se réunit ce jeudi dans un climat délicat. La situation économique reste incertaine, la France traverse une crise politique, et les marchés s'interrogent sur la suite. Christine Lagarde tente de garder le cap.
Une pause attendue, mais des signaux à surveiller
Depuis sa dernière baisse en juin, le taux directeur de la BCE est fixé à 2 %. Ce jeudi, la majorité des analystes s'attendent à ce qu'il reste inchangé. Selon une note citée par Reuters et reprise par Challenges, l'institution devrait maintenir le statu quo, sans exclure d'éventuels ajustements plus tard.
Christine Lagarde, fidèle à sa ligne, préfère ne rien graver dans le marbre : " Les décisions seront prises au fur et à mesure, en fonction des données ", a‑t‑elle rappelé cette semaine. Certains économistes jugent qu'une nouvelle baisse des taux pourrait revenir sur la table si les tensions économiques s'aggravent. Une note d'UniCredit va dans ce sens : "La BCE laissera la porte ouverte à une nouvelle réduction si les risques baissiers s'intensifient."
L'inflation en zone euro reste globalement sous contrôle, mais les projections pour 2026 indiquent qu'elle pourrait passer sous les 2 %. Ce recul, combiné aux incertitudes liées au commerce international et aux décisions budgétaires des États membres, rend la BCE prudente. La banque centrale ne veut pas agir dans la précipitation, mais elle garde ses options ouvertes.
Les tensions en France inquiètent aussi la BCE.
Au‑delà des chiffres, le contexte politique en France attire l'attention. La chute du gouvernement Bayrou, suivie de la nomination rapide de Sébastien Lecornu, n'est pas passée inaperçue. Christine Lagarde l'a reconnu dans une interview sur Radio Classique : "Tous les risques de chute de gouvernement dans tous les pays de la zone euro sont préoccupants", a‑t‑elle affirmé, des propos repris par Le Figaro.
Ces événements pèsent aussi sur les marchés. Le fameux spread – l'écart entre les taux des obligations françaises (OAT) et allemandes (Bund) – reste stable autour de 80 points de base. Mais si cet écart grimpe, la réaction pourrait être rapide. "Si le spread s'établit autour de 100 points de base, cela commencera à rendre tout le monde nerveux", prévient Alain Durré, chef économiste Europe chez Natixis CIB (Le Figaro).
La BCE dispose d'outils pour éviter que la situation ne dégénère. Le TPI, un mécanisme lancé en 2022, permet d'acheter des titres sur les marchés pour limiter une hausse trop brutale des taux. Mais pour en bénéficier, un pays doit respecter les règles budgétaires européennes. Or, Le Figaro souligne que "la France ne semble pas tout à fait dans les clous".
Selon Allianz, la BCE n'activerait ce filet de sécurité qu'en cas de forte tension, avec un spread dépassant 120 points de base. Et en dernier recours, elle pourrait ressortir un ancien programme déjà utilisé pendant la crise des dettes souveraines, le fameux OMT. Une solution d'urgence qui reste, pour l'instant, lointaine.