Réformes, majorité, retraites : le défi explosif de Lecornu
Fraîchement nommé à Matignon, Sébastien Lecornu prend ses fonctions dans un climat de tension. Sans majorité, avec un Parlement divisé et une société en colère, il tente de prendre la main.
Un nouveau départ sous haute pression
La passation de pouvoir s'est déroulée le 10 septembre, entre François Bayrou et Sébastien Lecornu, pendant que la police faisait face aux manifestants du mouvement "Bloquons tout" à Paris. Entouré de ministres démissionnaires, le nouveau Premier ministre a prononcé un discours bref, affirmant qu'il fallait "des ruptures, et pas que sur la forme, pas que dans la méthode […] Des ruptures aussi sur le fond", selon 20 Minutes.
Dès le lendemain, il a convié les chefs des partis du "socle commun" à Matignon : Gabriel Attal, Édouard Philippe, Marc Fesneau et Bruno Retailleau. Objectif : clarifier les bases d'un possible accord. Selon Le Monde, une source proche de Laurent Wauquiez a expliqué que Lecornu était surtout à l'écoute. Bruno Retailleau aurait accepté de faire deux pas en arrière : abandonner l'idée d'une "année blanche" et renoncer à l'aide sociale unique.
Sébastien Lecornu s'appuie aussi sur son directeur de cabinet, Philippe Gustin, fidèle collaborateur depuis plus de dix ans. Son entourage met en avant une volonté de "faire baisser la pression", avec un style sobre et plus ouvert. Le président Emmanuel Macron, de son côté, a choisi de ne pas s'exprimer publiquement au lendemain du départ de François Bayrou, préférant laisser son nouveau Premier ministre prendre la lumière.
Relancer les discussions pour éviter la censure
Au-delà du cercle présidentiel, Lecornu cherche à rouvrir le dialogue sur le dossier sensible des retraites. Le "conclave" initié par François Bayrou en janvier dernier, réunissant syndicats et patronat, avait tourné court. Cette fois, le nouveau chef du gouvernement pense qu'un accord est possible. Selon Le Monde, il a pris contact avec Frédéric Souillot (FO), Patrick Martin (Medef) et Marylise Léon (CFDT). Il aurait aussi tenté de joindre Sophie Binet (CGT), sans succès.
L'objectif est clair : éviter une censure du budget 2026. L'an dernier, François Bayrou avait obtenu une forme de neutralité du Parti socialiste en rouvrant les négociations sur la réforme du 14 avril 2023. Lecornu espère reproduire ce fragile équilibre.
Mais les socialistes ont posé de nouvelles conditions. Ils souhaitent notamment l'introduction d'une taxe sur les plus hauts patrimoines, inspirée des travaux de l'économiste Gabriel Zucman. Une exigence difficile à faire passer dans le bloc présidentiel. Selon Le Monde, Boris Vallaud, patron des députés PS, a résumé leur position en une phrase adressée à une ministre sortante : "Il faut que ça vous fasse mal."
Reste une inconnue : jusqu'où Emmanuel Macron est-il prêt à laisser faire ? D'après Le Monde, l'Élysée affirme ne pas faire de "tabou sur la fiscalité", mais prévient qu'il ne faut pas nuire à l'attractivité du pays. Le temps presse : les arbitrages doivent être rendus avant l'adoption du budget.