Quelles seraient les premières mesures économiques d'une administration Trump ou Harris ?

Quelles seraient les premières mesures économiques d'une administration Trump ou Harris ? Aux antipodes sur de nombreux sujets, du climat au libre-échange en passant par les impôts, les deux candidats s'accordent sur certains points, comme les semi-conducteurs et les crypto-monnaies.

Sur l'économie comme sur de nombreux sujets, tout semble opposer Donald Trump et Kamala Harris. Le premier, dans la tradition du Parti républicain, est partisan des dérégulations à tout crin, des baisses d'impôts et de la promotion des énergies fossiles. Il se distingue en revanche de la ligne classique de son parti sur sa ferme opposition au libre-échange et sa volonté d'instaurer des tarifs douaniers tous azimuts.

Kamala Harris, de son côté, mise sur un mélange d'interventionnisme et de mesures incitatives pour convertir l'industrie américaine aux énergies propres et entretenir la croissance de l'économie. Voici un florilège des quelques mesures principales que pourraient rapidement adopter l'un ou l'autre des candidats après sa prise de pouvoir et des secteurs de l'économie susceptibles d'en bénéficier.

Les impôts

C'est l'une des lois phares mises en place par Donald Trump lors de son premier mandat. Avec le Tax Cuts and Jobs Act de 2017, l'ancien président avait notamment baissé l'impôt sur le revenu pour la plupart des contribuables, en particulier les plus aisés, et ramené l'impôt sur les sociétés de 35 à 21%. L'une des premières mesures que compte adopter le candidat républicain dans l'éventualité de sa réélection serait de diminuer encore celui-ci pour atteindre 15%, afin de stimuler la dynamique entrepreneuriale et la croissance.

Kamala Harris entend de son côté remonter l'impôt sur les sociétés à 28% et taxer davantage les Américains gagnant plus de 400 000 dollars par an. Son programme prévoit également des mesures pour alléger la pression fiscale sur les familles, avec en particulier une revalorisation d'un mécanisme de crédit d'impôt, qui passerait de 2 000 à 3 600 dollars par enfant et par an. La candidate démocrate a par ailleurs repris la proposition de Joe Biden d'accroître l'imposition sur le capital, quoique de manière plus modeste : le taux d'imposition passerait de 23,6 à 28%, et non 44,6% comme le proposait l'actuel président. Un moyen, sans doute, de convaincre les patrons et investisseurs de la Silicon Valley, dont certains se sont récemment tournés vers Trump, jugeant l'administration Biden trop régulatrice.

L'industrie

L'une des grandes mesures du mandat de Joe Biden est l'adoption de l'Inflation Reduction Act (IRA), un vaste programme qui vise à combiner réindustrialisation et conversion de l'économie américaine aux énergies propres. Il accorde notamment des crédits d'impôts aux entreprises qui lancent des programmes industriels autour de l'éolien, du solaire, de l'absorption du carbone et des batteries aux Etats-Unis, ainsi qu'aux particuliers souhaitant acquérir un véhicule électrique.

Donald Trump a exprimé à plusieurs reprises son opposition à cette loi, proposant tantôt de l'abolir intégralement dès sa prise de pouvoir, tantôt d'en supprimer seulement certains éléments. L'IRA ayant entraîné de nombreux investissements dans les Etats républicains, il n'est toutefois pas sûr que le Congrès, même s'il passait intégralement sous le contrôle de la droite (ce qui est loin d'être assuré), accepte de le torpiller. Cet été, plusieurs élus républicains ont même cosigné une lettre défendant l'IRA.

"L'IRA a intelligemment contribué à construire la crédibilité des Etats-Unis dans la lutte pour le climat sur la scène internationale en rendant les deux partis investis dans la transition. En outre, comme les crédits d'impôts sont attribués automatiquement et non à la discrétion des autorités, les possibilités de corruption sont très réduites", affirme Todd Tucker, directeur du programme Politique industrielle et commerce au Roosevelt Institute, un laboratoire d'idées proche des démocrates.

Si Donald Trump entend soutenir l'industrie américaine, il préfère s'appuyer sur des tarifs douaniers pour le faire. Lors de son premier mandat, il avait ainsi mis en place des tarifs sur l'acier et l'aluminium, pour favoriser la production américaine. Il évoque désormais des tarifs de 20% sur les produits importés, de 60% sur les produits chinois, et même de 200% sur les véhicules venus du Mexique. Des mesures qui pourraient renforcer la compétitivité des industriels américains, mais aussi avoir des effets pervers, selon Christopher Conlon, professeur d'économie à l'Université de New York. "Les tarifs sur les matières premières, en particulier, sont une mauvaise idée. Maytag, spécialiste américain de l'électroménager, s'est par exemple plaint du fait que les tarifs sur l'acier et l'aluminium renchérissaient le prix de ses matières premières importées, et donc de ses propres produits, les rendant plus difficiles à exporter."

Kamala Harris n'a naturellement pas l'intention de toucher à l'IRA, et compte même injecter 100 milliards de dollars supplémentaires dans l'industrie. L'objectif : promouvoir les technologies de demain, comme la production d'acier et de ciment faible en carbone, ainsi que la construction de centres de données pour l'intelligence artificielle.

Les semi-conducteurs

Il est en revanche un secteur industriel dans lequel le résultat de l'élection ne changera pas grand-chose : les semi-conducteurs, et en particulier la volonté de Washington d'entraver la progression de la Chine dans ce domaine. Donald Trump a été le premier à mettre des restrictions à l'exportation de semi-conducteurs de pointe incorporant de la technologie américaine vers l'Empire du Milieu.

Une politique qu'a poursuivie Joe Biden et qui devrait continuer quoi qu'il arrive. "Trump comme Harris ont l'intention de poursuivre la politique actuelle de restriction pour empêcher les transferts de technologies vers la Chine", affirme Chris Miller, auteur de La Guerre des semi-conducteurs (L'Artilleur, 15 mai 2024).

L'énergie

Les deux candidats veulent accroître la production d'énergie sur le sol américain, mais ne comptent pas privilégier le même type d'énergie. Donald Trump, qui est climatosceptique et ne croit pas au renouvelable, entend favoriser la production de pétrole et de gaz sur le sol américain. Il compte pour cela abolir certaines lois environnementales et autoriser les énergéticiens à forer du pétrole et extraire du gaz de schiste sur les terres fédérales, y compris dans les parcs naturels et dans l'Arctique.

Kamala Harris, de son côté, entend plutôt promouvoir la production d'énergies propres, notamment en maintenant en place l'IRA, que Trump veut supprimer. Elle prévoit également d'investir 40 milliards de dollars pour construire des logements économes en énergie.

La candidate démocrate n'est cependant pas vraiment opposée aux énergies fossiles. Elle a par exemple récemment affirmé son soutien à l'industrie américaine du gaz et pétrole de schiste. Celle-ci représente respectivement 79% et 65% de la production de gaz et de pétrole américain. Elle a permis aux Etats-Unis de bénéficier d'une énergie abondante et bon marché, mais est dénoncée par les défenseurs de l'environnement pour ses effets néfastes. L'industrie est cependant un gros pourvoyeur d'emplois dans certains swing states où va se jouer l'élection, comme la Pennsylvanie.

Les crypto-monnaies

Les crypto-actifs ont connu des temps difficiles sous la présidence Biden. Gary Gensler, le président de la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme américain de la bourse, leur a notamment mené la vie dure.

Là aussi, les choses pourraient changer, et ce quel que soit le résultat de l'élection. Trump a longtemps été sceptique vis-à-vis des crypto-monnaies, qualifiant par exemple le bitcoin "d'arnaque" dans une interview en 2021. Mais il a depuis totalement changé son fusil d'épaule, jusqu'à choisir un colistier pro-cryptos en la personne de JD Vance et à promettre de faire des Etats-Unis un champion des crypto-monnaies lors d'un discours prononcé à la conférence Bitcoin 2024, à Nashville. Il y a notamment proposé la création d'un "Bitcoin and crypto presidential advisory council" composé de membres de l'industrie pour promouvoir les cryptos.

Kamala Harris a également déclaré vouloir développer davantage les actifs numériques lors d'un discours prononcé fin septembre et compte parmi ses soutiens un groupe baptisé Crypto4Harris .

La victoire de l'un ou l'autre des candidats pourrait donc signifier une approche plus souple en matière de régulations pour cette industrie.